Paul Savoie, 24 mouvements pour un soliste
Récit autobiographique, Saint-Boniface, Éditions du Blé, 2014, 190 pages, 21,95 $.
Le Franco-Manitobain Paul Savoie a publié son premier livre, Salamandre, le 15 décembre 1974, lors du lancement de la première maison d’édition francophone de l’Ouest canadien : Les Éditions du Blé. Pour souligner son quarantième anniversaire comme écrivain, il a écrit un récit autobiographique intitulé 24 mouvements pour un soliste.
Ce livre nous apprend que Paul Savoie est issu d’un mariage « mixte » : son père était franco-manitobain et sa mère franco-américaine. Il a grandi dans une famille où, au fond, la langue maternelle était l’anglais et où le français était associé à une obligation imposée par le père. Voilà « un héritage qui ne cesse de m’écarteler », note-t-il. Il ne faut donc pas se surprendre que certains de ses livres ont dû être écrits en français (23) et d’autres en anglais (9). Cela correspond à sa nature mixte, à sa langue double.
C’est à l’école secondaire que le jeune Paul Savoie écrit un premier manuscrit. Bien qu’il fréquente le Collège de Saint-Boniface, le texte est rédigé en anglais, puis égaré à tout jamais par une lectrice-amie. Paul écrit ensuite en français pour le journal étudiant du Collège. Il devient aussi parolier pour la boîte à chansons Le 100 Nons, installée au Centre culturel franco-manitobain.
Auteur de plus de trente livres, dont au moins quatre en collaboration, Savoie vous surprendra peut-être en affirmant qu’« écrire me déplait énormément. C’est une véritable corvée. Lorsque j’écris, je deviens obsédé par les mots, je pense trop, le processus d’écriture me rend misérable, je dors mal la nuit, je laisse toutes mes angoisses et mes incertitudes monter à la surface. » Alors pourquoi écrire ? Parce que « l’écriture est la seule chose qui puisse donner un sens à ma vie ordinaire ».
Le récit 24 mouvements pour un soliste nous apprend que l’écrivain natif de Saint-Boniface a une grande soif de la contradiction que représente pour lui le fait de vivre dans un milieu minoritaire. Il aime le tiraillement que cela engendre en lui, « la tension qui en résulte. On dirait que je ne peux pas vivre sans ce mouvement contraire, qui s’avère peut-être ma seule façon d’être dans le monde. »
Comme il s’agit d’un récit autobiographique, l’auteur révèle plusieurs aspects de son parcours. Il note, par exemple, que son premier mariage n’a pas été un grand succès. Il se sépare de son épouse en 1993 et devient papa quelques mois plus tard. C’est lui qui fera découvrir à sa fille Julia l’univers du cinéma (il aura jusqu’à 7 000 films dans sa collection privée). Père et fille ont décidé de voir « les 1 001 films qu’il faut voir avant de mourir » ; à ce jour, ils en ont savourés 750.
Le livre nous apprend aussi qu’il a fondé Crypt Editions pour publier Dead Matter (1994) ; je ne sais pas pourquoi il a fait imprimer 3 000 exemplaires de cet ouvrage alors qu’il n’avait pas de distributeur. Toujours est-il que l’ouvrage s’est vendu à un peu plus d’une centaine d’exemplaires. Mais cela importe peu aux yeux de l’auteur car écrire, pour lui, « c’est la seule et unique façon d’aimer ».
Auteur de poèmes, nouvelles et récits, pianiste et compositeur, Paul Savoie a été lauréat des prestigieux Prix Champlain et Prix Trillium (à deux reprises). Il est un acteur incontournable de la scène littéraire francophone de la Ville Reine où il dirige depuis quelques années le Salon du livre de Toronto. Son récit 24 mouvements pour un soliste jette une lumière inédite sur le processus créateur de l’écrivain, ses sources d’inspiration, sa lutte avec ses anges et ses démons, ainsi que son tiraillement avec le bilinguisme. Un livre qui mérite au moins quatre étoiles sur cinq.
Paul Savoie, 24 mouvements pour un soliste, récit autobiographique, Saint-Boniface, Éditions du Blé, 2014, 190 pages, 21,95 $.