Skip Navigation
Raymond Théberge: «Le français n’est pas qu’une langue de traduction»

Raymond Théberge: «Le français n’est pas qu’une langue de traduction»

FRANCOPRESSE – Conférences de presse uniquement en anglais, communiqués en français en décalage et étiquetage unilingue de certains produits sanitaires : voilà quelques-uns des ratés de la crise de la COVID-19 relevés par le commissaire aux langues officielles. Dans un rapport déposé le 29 octobre, Raymond Théberge souligne que les situations d’urgence survenues entre 2010 et 2020 ont entrainé plusieurs manquements à la Loi sur les langues officielles.

Pour François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, le rapport donne «un bon survol de ce qui a été soulevé dans la presse et dans les médias sociaux au sujet des problèmes de communication dans les deux langues officielles depuis le début de la pandémie».

Dans ce rapport intitulé Une question de respect et de sécurité : l’incidence des situations d’urgence sur les langues officielles, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, relève avoir reçu 100 plaintes concernant les langues officielles depuis le début de la pandémie, dont 72 étaient recevables.

«Ces plaintes portaient à la fois sur l’absence de communications ou prestation des services dans les deux langues officielles de la part du gouvernement du Canada et sur les droits liés à la langue de travail des fonctionnaires fédéraux dans les régions désignées bilingues», indique le rapport.

«Des changements doivent s’opérer au sein du gouvernement fédéral pour que les langues officielles ne soient plus une considération de second ordre pendant les situations d’urgence, mais qu’elles fassent partie intégrante de la gestion de crise», peut-on encore lire.

Éric Forgues, directeur de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) de l’Université de Moncton, précise que dans le cas de la crise de la COVID-19, «la communication [dans les deux langues officielles] est essentielle : on vise à informer pour favoriser des comportements qui vont limiter la propagation du virus. Donc c’est non seulement une question de droit, mais aussi de santé publique.»

Des manquements routiniers exacerbés par les situations d’urgence

«Ce qu’on constate, c’est que dans les institutions fédérales qui sont, directement ou non, liées à ces situations [d’urgence], on n’a pas intégré formellement la capacité de communiquer dans les deux langues officielles simultanément. Étant donné qu’on n’est pas prêts, on se retrouve souvent à répéter les mêmes situations», explique le commissaire Raymond Théberge en entretien avec Francopresse.

Pour le professeur Matthieu LeBlanc, du Département de traduction et des langues de l’Université de Moncton, ces dérapages en matière de langues officielles dans la fonction publique fédérale ne sont pas nouveaux.

«Mais je pense que d’après ce qu’on voit dans le contexte de pandémie, ça s’est exacerbé. On remarque qu’il y a toute la question du temps, de l’urgence, et je pense que ça met en lumière des problèmes qui existaient déjà au sein de la fonction publique», ajoute-t-il.

«Un des gros problèmes, selon Raymond Théberge, c’est que les langues officielles ne sont pas formellement intégrées au sein des institutions. Trop souvent, c’est informel.»

Certains individus adoptent d’excellentes pratiques en matière de langues officielles, mais celles-ci sont rarement codifiées formellement dans les procédures des organisations.

«Le français n’est pas qu’une langue de traduction, c’est important de mieux intégrer le français dans les milieux de travail», ajoute le commissaire. Une initiative qui doit être soutenue par les hauts dirigeants des organisations fédérales.

La Loi sur les langues officielles n’est pas une loi comme les autres, car elle met en œuvre les obligations linguistiques du gouvernement fédéral sous la Charte des droits et libertés, explique le professeur François Larocque.

«Le bilinguisme devrait faire partie de l’ADN de la machinerie fédérale. Essentiellement, il n’y a rien, rien, qui ne devrait se faire au gouvernement fédéral si ce n’est pas dans les deux langues. Il n’y a pas une communication, il n’y a pas un gazouillis, il n’y a pas un discours qui devrait sortir d’une institution fédérale, et surtout d’une administration centrale fédérale, sans que ce soit dans les deux langues!» s’exclame-t-il.

Trois recommandations : des solutions «systémiques»

«Le seul point, c’est que lorsqu’on parle des situations d’urgence, ce qu’on constate c’est que ce sont des comportements systémiques. Donc il faut trouver des solutions systémiques et non au cas par cas», soutient le commissaire Théberge.

Il souligne que les institutions fédérales utilisent souvent le manque d’accès à un service de traduction efficace pour expliquer leurs manquements à la Loi.

En conséquence, la première recommandation du rapport est de mettre sur pieds «un service de traduction accéléré pour les situations d’urgence ou de crise».

La seconde recommandation du rapport suggère d’intégrer les langues officielles dans la conception et la mise en œuvre des plans d’urgence du gouvernement fédéral, et que les fonctionnaires responsables des communications en situation d’urgence possèdent les compétences «pour appliquer les plans et directives quant aux communications d’urgence dans les deux langues officielles».

En troisième lieu, le commissaire aux langues officielles observe aussi que les situations d’urgence impliquent souvent différents paliers de gouvernement. Dans le cas de la COVID-19, notamment, les services de santé relèvent des provinces, alors que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer par rapport à la santé publique.

Dans les cas où les situations d’urgence impliquent plusieurs juridictions, recommande le commissaire Théberge, le gouvernement fédéral devrait être en mesure d’appuyer tous les acteurs pour assurer que les messages soient diffusés dans les deux langues officielles au niveau national.

Une recommandation qui «a plein de bon sens», selon le professeur Larocque, parce que «le gouvernement fédéral a un rôle de leadeurship à jouer auprès des provinces et des municipalités.»

«Pour les provinces qui ne sont pas habituées à travailler dans un environnement bilingue, la pente est raide ici. Mais il est important d’avoir une discussion franche entre les différents paliers de gouvernement sur la façon d’y parvenir, parce que le fédéral ne peut pas tout faire tout seul ; il y a des compétences provinciales à respecter», nuance-t-il.

Le professeur Larocque émet cependant une critique sur ce rapport : «Une occasion qui me semble tout à fait ratée ici, c’est de faire le pont entre la COVID-19 et la modernisation de la Loi sur les langues officielles

«Je suis un peu étonné de ne pas voir une recommandation en lien avec la modernisation, et de saisir cette opportunité pour incorporer dans la Loi sur les langues officielles des obligations en matière d’état d’urgence», conclut François Larocque.

Imprimer
19285

Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)Francopresse

Autres textes par Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Deux étudiantes en santé récompensées pour leur engagement envers le français

Deux étudiantes en santé récompensées pour leur engagement envers le français

Deux étudiantes en sciences infirmières ont reçu une bourse de 1 000 dollars du Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS) pour leur dévouement pour le français.

23 août 2025/Auteur: Golnoosh Sarlak – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (73)/Commentaires (0)/
Éducation francophone : les yeux une fois de plus tournés vers la Colombie-Britannique

Éducation francophone : les yeux une fois de plus tournés vers la Colombie-Britannique

La victoire partielle du Conseil scolaire francophone (CSF) de Colombie-Britannique en mai dernier pourrait avoir des effets à la fois négatifs et positifs...

5 août 2025/Auteur: Marine Ernoult – Francopresse/Nombre de vues (2951)/Commentaires (0)/
Symposium des parents fransaskois 2025

Symposium des parents fransaskois 2025

Participez au Symposium des parents fransaskois 2025 organisé par l’APF pour partager expériences, idées et solutions autour du thème « Être parent en 2025 : Défis et perspectives d’avenir ».

Quand : 18 octobre 2025 de 09h à 17h

: Ecole Monseigneur de Laval, Pavillon primaire 1601, Croissant Cowan Regina S4S 4C4

Information : communication@apfsk.ca

Inscriptionhttps://shorturl.at/HA9KI

2025-10-18 09:00/Auteur: Agenda fransaskois/Nombre de vues (3757)/Commentaires (0)/
Les jeunes anglophones et francophones n’apprennent pas la même histoire

Les jeunes anglophones et francophones n’apprennent pas la même histoire

Une «note en bas de page» est le sort réservé à l’histoire francophone en milieu minoritaire dans le curriculum anglophone de certaines provinces.

27 juin 2025/Auteur: Marianne Dépelteau – Francopresse/Nombre de vues (5505)/Commentaires (0)/
Bilinguisme : 50 ans après, toujours le même défi

Bilinguisme : 50 ans après, toujours le même défi

À la lumière des élections récentes, il est important de se souvenir de la lutte pour l’éducation en français en Saskatchewan et dans l’Ouest canadien.

3 juin 2025/Auteur: Alyssa Parker/Nombre de vues (6592)/Commentaires (0)/
Études universitaires : une entente qui change la donne pour les francophones de la Saskatchewan

Études universitaires : une entente qui change la donne pour les francophones de la Saskatchewan

Le 7 mai, un protocole d'entente a été signé entre la Cité universitaire francophone de l'Université de Regina et l'Université d'Ottawa.

30 mai 2025/Auteur: Cécile Rey – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (16407)/Commentaires (0)/
Abolition des frais scolaires : une victoire pour les familles fransaskoises

Abolition des frais scolaires : une victoire pour les familles fransaskoises

Le 9 mai, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a annoncé l’abolition des frais scolaires de 150 dollars par mois pour les élèves de prématernelle et de maternelle à temps plein.

25 mai 2025/Auteur: Cécile Rey – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (17295)/Commentaires (0)/
Le Collège Mathieu inaugure son nouveau campus à Regina

Le Collège Mathieu inaugure son nouveau campus à Regina

C’est dans une ambiance chaleureuse et pleine d’enthousiasme qu’a été inauguré, le 15 mai, le tout nouveau campus du Collège Mathieu à Regina.

22 mai 2025/Auteur: Ghita Hanane – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (18905)/Commentaires (0)/
Médecins francophones : chronique d’une pénurie

Médecins francophones : chronique d’une pénurie

Si la pénurie de médecins reste une préoccupation majeure pour l’ensemble de la population canadienne, elle l’est encore plus pour les francophones hors Québec.

21 mai 2025/Auteur: Mohammed Amine Harmach – Francopresse/Nombre de vues (6631)/Commentaires (0)/
Quand le plurilinguisme devient un atout pour apprendre le français

Quand le plurilinguisme devient un atout pour apprendre le français

Utiliser la langue première des élèves anglophones ou allophones faciliterait l’apprentissage du français, soutiennent des chercheurs.

20 avril 2025/Auteur: Marine Ernoult – Francopresse/Nombre de vues (8013)/Commentaires (0)/
Entente bilatérale : un pas décisif vers la pérennité du français en Saskatchewan

Entente bilatérale : un pas décisif vers la pérennité du français en Saskatchewan

Le gouvernement du Canada, en collaboration avec la Saskatchewan, a récemment annoncé la signature d’une entente bilatérale pour l’éducation en langue française.

30 mars 2025/Auteur: Pascal Lévesque/Nombre de vues (25665)/Commentaires (0)/
Éducation dans la langue de la minorité : les choix des provinces déterminant dans la distribution des fonds

Éducation dans la langue de la minorité : les choix des provinces déterminant dans la distribution des fonds

Le ministère de Patrimoine canadien a expliqué que certains établissements anglophones hors Québec pourraient bénéficier d’une partie des fonds réservés pour l’enseignement de la langue seconde.

21 février 2025/Auteur: Inès Lombardo – Francopresse/Nombre de vues (7791)/Commentaires (0)/
Des cours d'informatique gratuits pour les francophones de Prince Albert

Des cours d'informatique gratuits pour les francophones de Prince Albert

Le Service d'accueil et d'inclusion francophone (SAIF) a offert une série de cours d'informatique gratuits destinés à la communauté francophone de Prince Albert.

18 février 2025/Auteur: Jean Faustin Ningamo/Nombre de vues (8384)/Commentaires (0)/
Le Collège Mathieu devient centre agréé pour le Test de connaissance du français (TCF)

Le Collège Mathieu devient centre agréé pour le Test de connaissance du français (TCF)

Le Collège Mathieu est officiellement agréé par France Éducation International pour devenir un centre d'examen du Test de connaissance du français (TCF).

16 février 2025/Auteur: Pascal Lévesque – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (9859)/Commentaires (0)/
La littératie, une affaire familiale

La littératie, une affaire familiale

A l’occasion de la journée nationale de l’alphabétisation familiale, le Collège Mathieu et l’Association des parents fransaskois ont offert des activités de sensibilisation.

4 février 2025/Auteur: Leanne Tremblay – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (7316)/Commentaires (0)/
RSS
1345678910Dernière

 - samedi 23 août 2025