Démission de la direction de l’ACFR sous fond de tensions
Le 26 novembre, l’Association canadienne-française de Regina (ACFR) a fait savoir par voie de communiqué que sa directrice générale Elma Bos avait déposé sa démission. Engagée à titre de coordinatrice en avril 2019 puis de directrice en janvier 2020, Elma Bos a ainsi quitté l’organisme le 7 décembre. Elle a accepté d’accorder une entrevue à L’Eau vive.
Qu’est-ce qui vous a poussée à démissionner de la direction de l'ACFR ?
Essentiellement, c’est une tension et un climat qui étaient devenus insupportables. Une problématique qui ne se résolvait pas, un désaccord entre les membres du conseil d’administration. J’ai commencé à y penser en septembre, après l’AGA. C’était devenu tellement pénible. Les choses se sont envenimées jusqu’à arriver à un point de non-retour.
Selon vous, les récentes tensions qui agitent la communauté fransaskoise vont-elles durer ?
Oui, je pense qu’on est embourbés. Je ne connais pas l’issue ni la date de cette issue. Je suis optimiste en me disant que ça va forcément s’arranger. Mais avant de s’arranger, il y aura des moments très difficiles. Il va falloir percer l’abcès, beaucoup dialoguer. C’est difficile de faire les deux choses à la fois : résoudre une problématique et faire du développement communautaire.
Qu’est-ce qui explique cette situation selon vous ?
Je crois que les gens se sont renfermés parce qu’ils ont été blessés. La situation est maintenant cristallisée. On ne peut pas résoudre ça par nous-mêmes, il faut faire appel à des accompagnateurs ou médiateurs extérieurs pour engager un dialogue. Ces défis étaient auparavant assez localisés, mais maintenant c’est généralisé. Tout le monde se fait attaquer de tous les côtés.
De quel genre d’attaques s’agit-il ?
Des choses en rapport avec le racisme. D’autres disent que les gens en poste seraient incompétents. Ce n’est pas forcément factuel.
Plusieurs femmes à des postes décisionnels se plaignent d’être victimes de misogynie dans la communauté. Faites-vous le même constat ?
Oui, le sexisme est assez présent. C’est même factuel. Ce ne sont pas que des mots. Qui subit, qui fait pression ? C’est toujours le même schéma.
D’après vous, l’utilisation des réseaux sociaux y est-elle aussi pour quelque chose ?
Oui, il y a une utilisation abusive des réseaux sociaux. Les gens règlent plus leurs comptes sur les réseaux qu’en personne en se parlant. Ils se permettent des mots qu’ils ne seraient pas capables de se dire les yeux en face. Pas mal de personnes font d’ailleurs appel à des avocats.
Dans quelle situation se trouve l’ACFR aujourd’hui ?
C’est l’instabilité qui m’attriste le plus. Depuis la tenue de notre AGA en septembre, la confiance de Patrimoine canadien, notre principal bailleur de fonds, a fortement diminué. Quand il y a des tensions avec la communauté et le CA, ça devient difficile de maintenir un organisme.
Certains Fransaskois estiment qu’il y a un problème de représentativité avec les organismes communautaires. Qu’en pensez-vous ?
Je ne pense pas. Notre communauté est diversifiée, tant du côté des employés que des CA. Il arrive parfois qu’il y ait moins de personnes de la minorité visible, mais c’est aléatoire. On ne choisit pas quelqu’un pour sa couleur de peau, mais pour ce qu’il a à apporter. Il y a vraiment un clivage qui s’est installé entre Noirs et Blancs, alors qu’on est tous issus de l’immigration !
Les événements mondiaux, notamment aux États-Unis, ont-ils mis de l’huile sur le feu ?
D’un côté, ça a été bénéfique car ça a permis de révéler des situations. Mais d’un autre côté, c’est devenu une excuse : tout est justifiable par le racisme. On a peur d’être traité de raciste et on a peur de dire qu’on a été victime de racisme. Ça va dans les deux sens.
Quel regard portez-vous sur votre travail accompli au cours de l’année et demie que vous avez passée à l’ACFR ?
Il y avait beaucoup de dysfonctionnements quand j’ai pris mes fonctions. On a revu nos statuts et règlements, on a fait beaucoup de changements à l’interne avec des consultants. Un nouveau site internet devrait sortir bientôt. On a fait des ententes entre l’ACFR et le CÉF pour la gestion des espaces scolaires-communautaires – ça faisait 14 ans que ça traînait. On a obtenu du financement pour rénover le Bistro, et les travaux devraient commencer sous peu. Il y a une très bonne entente entre les directions des écoles et l’ACFR, on arrive à collaborer sur de nombreux projets. On a même gagné le concours international Slame tes accents et on a mis en place un camp d'été pour la première fois cet été.
Quels souvenirs garderez-vous de votre passage à l’ACFR ?
Je suis quelqu’un de très optimiste. Je vais garder en tête les très bons souvenirs, tout ce qui a été accompli de positif. Les choses qui m’ont vraiment fait du mal, ça prendra beaucoup de temps pour en guérir.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Déjà, avoir un environnement de travail sain et équilibré. Je dois penser à ma santé mentale qui a été vraiment dégradée. Je veux travailler dans un environnement stimulant et créatif. Je compte toujours m’investir dans la communauté, car ça me tient à cœur. Participer aux changements positifs, c’est toujours un grand plaisir.
Je tiens à remercier la communauté qui m’a fait confiance pendant tout ce temps-là, il ne faut pas perdre espoir, il y a forcément de belles choses qui nous attendent.
NDLR: L’assemblée générale extraordinaire (AGE) de l’ACFR initialement prévue pour le 12 décembre a été repoussée. Une nouvelle date sera connue une fois la nouvelle direction engagée.
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Lucas Pilleri
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