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Concentration en accès à la justice

Le destin croisé des francophones et Autochtones

Capture d’écran table ronde
La table ronde Francophonie et Autochtonie était organisée par le Centre culturel canadien de Paris.
Capture d’écran

Les liens entre Autochtones et francophones sont encore peu étudiés au Canada. Aussi, Jérôme Melançon et Pierrot Ross-Tremblay, respectivement professeurs à l’Université de Regina et à l’Université d’Ottawa, ont voulu apporter leur pierre à l’édifice lors d’une table ronde intitulée Francophonie et Autochtonie.

Proposée par le Centre culturel canadien de Paris le 24 mars dernier, la table ronde était présentée par Ivan Kabacoff, animateur du programme Destination francophonie sur TV5MONDE, et a été visionnée par près de 800 personnes sur Facebook.

« En organisant une table ronde, nous avons trouvé le moyen de parler de ce lien indissociable qui existe entre l’histoire de la francophonie canadienne et les cultures autochtones », a déclaré en ouverture Caitlin Workman, directrice du Centre culturel canadien. 

Un contact difficile à établir

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Les relations entre francophones et Autochtones remontent au 16e siècle.
Crédit : Tandem X Visuals / Unsplash

Peu d’études portent sur les relations entre les francophones et les Autochtones. « On voit un engouement et une curiosité, surtout de la part des enseignants, pour la culture autochtone, comme la poésie de Joséphine Bacon ou encore de Natasha Kanapé Fontaine », note Jérôme Melançon, directeur du Centre canadien de recherche sur les francophones en milieu minoritaire (CRFM) à l’Université de Regina. 

La recherche d’un lien s’exprime dès le 16e siècle de la Nouvelle-France avec les voyageurs français qui nouent des relations avec les communautés autochtones, donnant naissance au peuple métis.

Cette proximité séculaire mène à l’idée, renforcée par des gens comme l’historien Gérard Bouchard, que la grande majorité des Québécois d’origine canadienne-française auraient du sang autochtone. « On observe une indigénisation des personnes sous prétexte qu’ils pouvaient avoir un ancêtre autochtone dix-sept générations auparavant », remarque Jérôme Melançon.

Pierrot Ross-Tremblay,  professeur à l'Institut de recherche et d'études autochtones de l'Université d'Ottawa, observe pour sa part un besoin de retour aux sources. « Avec les enjeux écologiques, on cherche à se rapprocher des Premières Nations pour comprendre la Terre », constate-t-il. 

L’universitaire, d’origine innue, souligne l’importance des échanges oraux dans la relation avec les Autochtones : « Les premiers peuples possèdent des traditions orales millénaires et continuent aujourd’hui de transmettre leur savoir de manière orale. Cette transmission porte avant tout sur l’avant, le pendant et l’après-contact avec les Européens. » 

Un passé douloureux

Si les Métis et les francophones ont pu se battre pour obtenir le droit d’étudier ou de parler en français, les Autochtones, eux, se sont vu imposer un mode de vie : « Les Premières Nations ont été victimes de violences et d’abus depuis le début. On les a privés d’identité, on leur a retiré leurs enfants pour les mettre dans des pensionnats jusque dans les années 1990 », déplore Jérôme Melançon.

Le poète et intellectuel Pierrot Ross-Tremblay le rejoint : « La naissance même du Canada repose sur un principe raciste d’élimination des races bâtardes incompatibles avec le progrès. Plusieurs stratégies ont été utilisées pour cela et les pensionnats ont été un mécanisme d’éradication d’une culture et d’une identité. »

Un racisme systémique qui perdure, rappelle Jérôme Melançon : « Il y a encore quinze ans de ça, une pratique policière courante à Saskatoon était d’emmener les Autochtones en dehors de la ville en plein hiver pour les laisser rentrer à pied chez eux. Certains mouraient de froid pendant le trajet. »

Se réconcilier 

En 2007, le gouvernement canadien a créé la Commission de vérité et réconciliation. Jusqu’en 2015, le gouvernement a versé près de 72 millions de dollars pour appuyer les travaux de collecte de mémoire des survivants des pensionnats et autres traumatismes.  

Les membres de la commission ont passé 6 ans aux quatre coins du Canada pour recueillir plus de 6 500 témoignages. Sept événements nationaux ont eu lieu dans différentes régions du pays afin de sensibiliser le public aux différents épisodes traumatisants dont les Premières Nations ont été victimes.

Les récits des différentes familles constituent un atout précieux pour conserver la mémoire, estime Pierrot Ross-Tremblay : « Les récits oraux transmis de génération en génération témoignent des violences et de la force utilisées contre les premiers peuples, mais aussi de la résistance de ces derniers pendant près de 400 ans. »

De son côté, Jérôme Melançon se veut plus critique : « De bonnes choses peuvent ressortir des commissions, mais malheureusement cette commission est davantage un théâtre où on met en scène la souffrance des Premières Nations. »

Pour aller au bout de la réconciliation, le professeur à l’Université de Regina perçoit encore des efforts à faire. « Plusieurs Églises, à différents niveaux et de différentes manières, participent au processus de réconciliation, mais l’Église catholique n’a jamais demandé pardon publiquement et n’a pas vraiment coopéré avec la commission », précise Jérôme Melançon. 

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