Skip Navigation
Fonds l'Eau vive banniere
Bruno Cournoyer Paquin
/ Catégories: Web, Société, Francophonie, Politique

Réforme des langues officielles : « Le diable est dans les détails »

Parlement Canadien

Le document de réforme des langues officielles présenté la semaine dernière par la ministre Mélanie Joly propose de soutenir les langues
minoritaires dans différents domaines : immigration, langue de travail dans la fonction publique et dans les entreprises privées de
compétence fédérale, CBC/Radio-Canada, institutions francophones et plus encore.

Crédit : PxHere

Le document de réforme des langues officielles présenté la semaine dernière par la ministre Mélanie Joly propose de soutenir les langues minoritaires dans différents domaines : immigration, langue de travail dans la fonction publique et dans les entreprises privées de compétence fédérale, CBC/Radio-Canada, institutions francophones et plus encore. De « belles idées » dont la mise en application demeure à préciser, nuancent certains experts. 

« Ça a pris beaucoup de temps avant que les libéraux ne s’occupent de la Loi sur les langues officielles », alors que c’était pourtant une promesse phare des libéraux lors de la campagne électorale de 2015, soutient François Charbonneau, professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.

Pour Rémi Léger, professeur de sciences politiques à l’Université Simon Fraser, « ce document aurait dû être déposé il y a trois ans. On est très tard dans le processus pour déposer un document de propositions et d’idées, qui restent finalement peu détaillées sur la mise en pratique. »

Un des aspects positifs du document est qu’il propose de codifier dans la Loi plusieurs initiatives qui ont été développées au cours des dernières décennies, félicite tout de même Rémi Léger.

À lire aussi : La ministre Joly propose une « réforme » des langues officielles

« C’est la mise en œuvre qui est toujours le problème »

François Charbonneau

François Charbonneau, professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.
Crédit : Archives Francopresse

Le politologue donne l’exemple de l’immigration francophone : « C’est quelque chose que le fédéral fait déjà. On a révisé la loi sur l’immigration canadienne au début des années 2000 ; il y a des mesures qui ont été développées, il y a des cibles qui ont été adoptées, mais le fait qu’on veuille le consigner dans la Loi, je vois ça d’un bon œil parce que ça assure la pérennité de l’engagement du gouvernement. »

Cependant, nuance François Charbonneau, le document « reste [dans] un langage technocratique. On suggère qu’on doit changer les choses et on identifie certains problèmes, mais les solutions ne sont pas du tout évidentes. »

« Vous pouvez décréter ce que vous voulez, c’est la mise en œuvre qui est toujours le problème, et vous aurez remarqué que c’est très flou pour la mise en œuvre. Pratiquement sur chaque point de détail, la mise en œuvre c’est “on va renforcer”, etc. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement? » renchérit François Charbonneau.

Une critique amplement partagée par Rémi Léger : « Dans la mise sur pied, dans la mise en pratique de ces différentes propositions, je pense que “the devil is in the details”, le diable est dans les détails. »

Le politologue souligne tout de même qu’Ottawa reconnait pour la première fois le rôle essentiel des institutions francophones en milieu minoritaire, mais il reste à déterminer comment cette reconnaissance sera mise en œuvre.

« Dans un monde idéal, j’aimerais voir des mesures qui permettent à ces organismes et institutions de définir leurs propres priorités, de définir leurs propres projets et de ne pas être à la merci du gouvernement fédéral sur une base annuelle, en devant quémander des fonds pour organiser des activités et en devant rendre des comptes plusieurs fois par année. Je pense que ça limite l’action et la portée du travail que font les organismes, mais ça, c’est des trucs qui pourraient être réglés dans le libellé et des mesures administratives », pense Rémi Léger.

François Charbonneau, de son côté, se trouve extrêmement irrité par le ton autocongratulatoire du document par rapport au processus de consultation mis en place pour son élaboration.

« On dit qu’on a consulté et qu’on a rencontré plein de gens, mais c’est de la foutaise! J’ai assisté à ces rencontres-là, c’était un show de boucane. On venait écouter des gens parler, ce n’est pas de la consultation », fulmine-t-il. 

« J’ai participé à celle de l’Université d’Ottawa : il y avait un panel avec quatre personnes et ils appellent ça une consultation. Il n’y a pas eu de consultation […] C’est une stratégie maintenant : on fait des tournées en disant que l’on consulte, mais on s’assure de ne pas laisser la place à la discussion », tonne François Charbonneau.

À lire aussi : Langues officielles : la FCFA lance des fleurs, l’opposition s’impatiente

Un document politique

Rémi Léger
Rémi Léger, professeur au Département de sciences politiques de l’Université Simon Fraser
Crédit : Archives Francopresse
Selon le professeur de l’Université d’Ottawa, l’enjeu des langues officielles demeure « politiquement toxique » même plus de 50 ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles

« C’est assez simple à comprendre : quand les francophones entendent parler des langues officielles, ils entendent “eux”. Ça les vise directement. Quand les anglophones entendent parler de langues officielles, ils ont peur de ne pas avoir une job, ils ont peur pour leurs enfants », soutient François Charbonneau. 

De son côté, Rémi Léger note que le document parle non seulement de l’égalité de statut des deux langues officielles, mais plus encore de « l’égalité réelle » dans l’usage des deux langues : « Là-dessus, je devine qu’il y a des députés libéraux du Canada anglais, disons, qui ne sont pas très chauds à l’idée qu’on en fasse encore plus pour le français dans les sociétés ou dans les entreprises privées, dans l’Ouest canadien par exemple, et dans d’autres provinces où le français demeure très minoritaire. »

François Charbonneau croit que le document sert surtout de « ballon d’essai » au gouvernement : « Quand on arrive avec une loi, des fois on est obligé de reculer sur un problème. Donc ça permet au gouvernement de tâter le terrain. S’il y a quelque chose qui accroche, ils ne le mettront pas dans le projet de loi après. »

Une opinion partagée par Rémi Léger, qui pense que « la ministre lance des hameçons et elle va voir si ça mord. Elle lance plusieurs idées et elle va voir comment la population réagit, comment ses collègues libéraux réagissent, comment les conservateurs réagissent. Et en fonction, on va s’adapter et on va faire des compromis. »

« Donc ce n’est pas un gouvernement qui propose une vision et qui est prêt à la défendre bec et ongles. C’est un gouvernement qui tâte le terrain, qui lance des hameçons et qui est prêt à s’adapter en fonction de la réaction des différents segments de la population canadienne », conclut le politologue de l’Université Simon Fraser.

Alternativement, comme c’est souvent le cas avec les langues officielles, le document pourrait aussi passer comme « une lettre à la poste », croit François Charbonneau, notant que les plateformes électorales du NPD et des conservateurs allaient beaucoup plus loin que ce qui est proposé par la ministre Joly. 

À lire aussi : La ministre Joly maitrise l’art d’étirer la sauce

Des priorités contradictoires

Pour Rémi Léger, le document déposé par la ministre met de l’avant certaines positions « irréconciliables » : d’un côté, Ottawa affirme vouloir soutenir les communautés linguistiques minoritaires, soit les francophones hors Québec et les Anglo-Québécois ; de l’autre, il dit vouloir supporter la langue française.

« À un moment donné, on ne peut pas faire un carré avec un cercle. Soit on soutient le français, qui est minoritaire et fragile, soit on soutient les Anglo-Québécois. Il va falloir trancher à un moment donné », explique Rémi Léger. 

On peut affirmer deux propositions contradictoires lorsqu’on est dans le domaine des idées, mais cela ne tiendra pas la route lorsque viendra le moment de les articuler à l’intérieur d’un projet de loi, croit le politologue.

« Si on est encore à proposer des idées qui sont mal définies, c’est probablement parce qu’il n’y a pas de position arrêtée au sein du Parti libéral. Je pense que le débat continue », avance Rémi Léger. 

François Charbonneau croit que la racine du problème est que la Loi sur les langues officielles fait une « fausse équivalence » entre les Anglo-Québécois et les francophones à l’extérieur du Québec.

« En droit international, il n’y a pas de distinction entre francophones hors Québec et francophones au Québec : ce sont tous des membres d’une minorité nationale. Ça veut dire que cette distinction entre francophones hors Québec et [Québécois], c’est un peu arbitraire », pense le professeur Charbonneau.

Or, le document propose d’institutionnaliser une de ces contradictions en enchâssant le Programme de contestation judiciaire dans la Loi, ajoute-t-il.

« Le principe, c’est que le gouvernement fédéral donne de l’argent aux militants — et on peut penser que c’est une bonne chose parce que ça a bien aidé les francophones hors Québec — pour contester des lois […] Donc on veut faire deux choses en même temps : on veut franciser le Québec, mais on bonifie un programme de contestation des lois québécoises », souligne François Charbonneau.

Imprimer
18330

Bruno Cournoyer PaquinBruno Cournoyer Paquin

Autres messages par Bruno Cournoyer Paquin
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Radisson... Allez! Tasse-toi...

Radisson... Allez! Tasse-toi...

Mardi 3 et mercredi 4 juin derniers, avait lieu la foire provinciale du patrimoine à la maison du lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan. Cet endroit est le pied-à-terre de sa majesté, la reine Élizabeth II de l’Angleterre, lorsqu’elle et son mari viennent faire un tour dans notre coin de pays.

12 juin 2014/Auteur: Claude Martel/Nombre de vues (25893)/Commentaires (0)/

Nikolas Gélinas : Récit d’une réussite

Nikolas se dit fier d’avoir remporté le prix de la Pensée historique. Il peut l’être. Derrière ce prix, ce sont des dizaines d’heures de recherches et un investissement total dans un projet.

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (24342)/Commentaires (0)/
Réalisation d’une murale au Pavillon secondaire des Quatre Vents

Réalisation d’une murale au Pavillon secondaire des Quatre Vents

Cette murale est le fruit d’un projet pluridisciplinaire Génie-arts, qui réunit éducation artistique, sciences humaines et français en 8e année. Au cours du deuxième semestre, les élèves ont produit une murale, un texte de création littéraire et un travail de recherche afin de répondre à la question : « Quel est le vécu et l’héritage des Fransaskois dans le patrimoine canadien à travers le temps? ». 

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (29978)/Commentaires (0)/
Juges unilingues à la foire du patrimoine

Juges unilingues à la foire du patrimoine

Les Francophones ont-ils toutes leurs chances?

La phase finale des foires du patrimoine 2014 a eu lieu les mardi et mercredi, 3 et 4 juin derniers, à la Maison du Gouverneur. Plusieurs projets francophones étaient en lice pour la finale provinciale, mais une seule juge bilingue était présente, ce qui a contraint le candidat des écoles du CÉF, dont le projet était en français, d’improviser une présentation en anglais pour défendre ses chances. Pourquoi?

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (28256)/Commentaires (0)/
Fête des finissants à Zenon Park

Fête des finissants à Zenon Park

Briller dans le monde comme l’étoile dans la nuit

C’était le 24 mai dernier, une fête extraordinaire pour des finissants extraordinaires. Après 12 ans de scolarité, familles et amis étaient réunis afin de célébrer leur succès, leur engagement, les projets et les rêves de Karie-Anne Lépine, Wiliam Arty et Andréa Perrault.

12 juin 2014/Auteur: Amy-Valérie Olivier – CÉF/Nombre de vues (28716)/Commentaires (0)/

Un groupe de parent réclame du sang neuf au CSF

Entretien avec Alpha Barry du regroupement des parents anciennement silencieux

Selon Alpha Barry, les parents anciennement silencieux comptent 105 membres à Regina, Saskatoon, Ponteix, Gravelbourg et Moose Jaw et sont de plus en plus nombreux. Les membres sont les parents et grands-parents des clients et futurs clients du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF).

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (25692)/Commentaires (0)/
Les Bout'Choux DayCare: nouvelle garderie en milieu familial

Les Bout'Choux DayCare: nouvelle garderie en milieu familial

Samedi 14 juin, de 15 h à 18 h, madame Saïda Chehaima ouvrira officiellement sa garderie familiale francophone. Elle pourra accueillir jusqu’à huit enfants, de quelques semaines à six ans.

2014-06-14 15:00/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (23337)/Commentaires (0)/

Francine Proulx-Kenzle se prononce sur la situation du CSF

Il faut dialoguer et rétablir la confiance

Comme mamie fransaskoise, je suis très inquiète pour l’avenir de l’éducation en français dans notre communauté. Je reconnais que les défis sont nombreux et importants. Comment faire pour les relever?

11 juin 2014/Auteur: Francine Proulx-Kenzle/Nombre de vues (19653)/Commentaires (0)/
Récital de musique à l’école Providence de Vonda

Récital de musique à l’école Providence de Vonda

À la veille de la fin de l’année scolaire, des élèves de l’école Providence de la prématernelle à la 6e année ont offert un spectacle de très grande qualité à un public venu nombreux.

11 juin 2014/Auteur: Abdoul Sall – ACFT/Nombre de vues (27020)/Commentaires (0)/
Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Alphabétisation et compétences essentielles

Après un an de silence, le ministère d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a rendu sa réponse. C’est non à l’éducation aux adultes francophones et acadiens par les francophones et Acadiens. Un non sans explications qui met en péril l’existence même des réseaux d’alphabétisation et de compétences essentielles (ACE). 

10 juin 2014/Auteur: Lucien Chaput (Francopresse)/Nombre de vues (26057)/Commentaires (0)/

Soirée « arts et spectacle » au PSQV

Les élèves du Pavillon secondaire des Quatre-Vents, en partenariat avec l’Association canadienne-française de Regina, invitent le public à participer à leur soirée « Arts et spectacle ». Ce sera vendredi le 13 juin prochain de 17 h à 19 h, au Carrefour Horizon
(1440 9e Avenue Nord, Regina).

2014-06-13 17:00/Auteur: ACFR/Nombre de vues (13362)/Commentaires (0)/

Le culte du silence

Le culte du silence devient de plus en plus la norme.  Du moins en public.  Au lieu de parler ouvertement, on rumine en silence. Et le mécontentement croît.  

5 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (24867)/Commentaires (0)/

Les 7e années de Mgr de Laval changent d’école

Le Pavillon secondaire des Quatre Vents de l’école Laval (PSQV) à Regina accueillera les élèves de la 7e année à la rentrée 2014.

5 juin 2014/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (23198)/Commentaires (0)/
La PÉLEC : une solution pour le sous-financement des écoles fransaskoises?

La PÉLEC : une solution pour le sous-financement des écoles fransaskoises?

La Saskatchewan pourrait emboîter le pas à l'Ontario et au Nouveau Brunswick

La Politique d’encadrement linguistique et culturel ou PÉLEC est un outil qui pourrait aider à résoudre les problèmes auxquels sont confrontés le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) et la province en matière de financement et de programmation.

5 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (27076)/Commentaires (0)/
Un héros grec au pavillon Gustave Dubois!

Un héros grec au pavillon Gustave Dubois!

Des élèves de Saskatoon ont présenté un spectacle musical

Hercule, héros de la mythologie dont les nombreuses aventures l’ont mené de la Méditerranée jusqu’aux enfers, a ajouté une tâche à sa liste déjà longue de 12 travaux : il était en effet de passage à Saskatoon pour quelques jours, du 26 au 28 mai, et a pu profiter d’un beau temps printanier digne du mont Olympe!

5 juin 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (33951)/Commentaires (0)/
RSS
Première2728293032343536

 - vendredi 22 novembre 2024