Skip Navigation
Fonds l'Eau vive banniere Nouveau système d'abonnement

Après cinquante ans, le multiculturalisme canadien a toujours ses limites

Monument au Multiculturalisme
Le Monument au Multiculturalisme à Toronto.
Crédit : Shaun Merritt – Flickr

FRANCOPRESSE – Le 8 octobre 1971, le gouvernement canadien adoptait sa toute première politique affirmant le multiculturalisme du pays. Cette réponse inattendue au rapport de la Commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme a depuis grandement évolué. Cinquante ans plus tard, la population canadienne est favorable à cette idée de «mosaïque culturelle», mais le racisme est toujours bien présent dans la société.

À vrai dire, le sujet a mille ramifications. Comment l’aborder en quelques paragraphes? Un historien et une chercheuse en éducation proposent quelques pistes. 

Un symbole du Canada

Daniel Meister
L’historien néoécossais Daniel Meister étudie l’évolution de la notion de multiculturalisme au Canada.
Crédit : Courtoisie

«C’est intéressant de voir que le multiculturalisme a beaucoup d’appui auprès du grand public canadien», lance Daniel Meister, un historien de la Nouvelle-Écosse qui entend consacrer ses études postdoctorales à l’évolution de la politique du multiculturalisme adoptée il y a 50 ans par le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau

«C’est reconnu comme une caractéristique très nette du Canada et de la population canadienne. Aucun parti politique d’importance n’envisage d’abandonner le multiculturalisme», remarque encore Daniel Meister.

Ces constats ne l’empêchent pas de faire preuve de prudence. Après tout, l’évolution de la politique a somme toute été peu étudiée, dit-il. 

Denise Humphreys, chercheuse à l’Université de Brandon, au Manitoba, pose aussi des bémols au multiculturalisme canadien : «Ça peut être un succès, parfois moins.» 

Au fil de ses recherches, elle en a analysé les limites au quotidien et a constaté que le racisme est omniprésent malgré le souhait du Canada d’être un pays riche de sa diversité.  Par exemple, selon leur étude menée au Manitoba, environ 84 % des répondants estiment que le racisme est un problème et cette donnée grimpe à 97 % chez les personnes autochtones.

D’ailleurs, Daniel Meister et Denise Humphreys soulignent tous deux que la politique a été proposée deux ans après le Livre blanc de 1969, qui cherchait à éliminer les traités, la Loi sur les Indiens et le statut d’Indien, et qui a provoqué un tollé chez les Autochtones. 

Un projet très blanc

Image
Dans les années 1970, le gouvernement vise la reconnaissance de la diversité – les programmes appuient alors beaucoup la tenue de festivals. Dans les années 1980, il s’oriente vers l’élimination des barrières et la recherche d’équité ; dans les années 1990, vers l’inclusion.
Crédit : Harvey K – Wikimedia Commons

Revenons-en d’ailleurs à cette époque. En 1969, le gouvernement officialisait le bilinguisme fédéral avec la Loi sur les langues officielles, comme le voulait la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1969).

Mais qu’en était-il du biculturalisme?

La Commission avait consacré tout un volume de son rapport sur l’apport des groupes ethniques «autres», soit ni britanniques, ni français, ni autochtones – ceux-ci étant exclus du mandat de la Commission. 

Elle avait recommandé de faciliter l’accès aux cours de langues autres et d’offrir plus de choix de cours universitaires sur les régions du globe hors des sphères d’influence françaises et anglaises. 

Elle avait aussi voulu inciter les médias privés et publics à faire de la place aux autres langues. 

Et voilà qu’à l’automne 1971, dans le but de reconnaitre l’apport «subséquent» des cultures autres que britannique et française dans la «fondation du Canada», le gouvernement adopte la politique du multiculturalisme.

En audience de la Commission, «plusieurs groupes, notamment les Ukrainiens, veulent être reconnus comme un peuple fondateur puisqu’il s’est investi dans le développement des Prairies», rappelle Daniel Meister. 

Pour cet historien de la relève, même si la politique surprend à l’époque en dépassant le biculturalisme, elle demeure à l’origine très blanche, «conçue pour les Canadiens de descendance européenne», surtout de l’Europe de l’Ouest. 

«Les gens d’ascendance africaine, asiatique ou les Autochtones étaient exclus de ce projet», relève le chercheur. 

Virage vers l’inclusion

Image
Photo du Musée canadien de l’immigration.
Crédit : Quai 21

En fait, le racisme n’aurait pas vraiment fait partie des préoccupations menant à la politique du multiculturalisme. Le projet en tiendra compte plus tard. 

Dans les années 1970, le gouvernement vise la reconnaissance de la diversité – les programmes appuient alors beaucoup la tenue de festivals. Dans les années 1980, il s’oriente vers l’élimination des barrières et la recherche d’équité ; dans les années 1990, vers l’inclusion. 

D’ailleurs, en 1996, l’origine culturelle et ethnique apparait dans les recensements. Et vers 2010, le multiculturalisme favorise de plus en plus le partage de valeurs canadiennes pour éviter la ségrégation et les extrémismes. 

Le contenant a aussi changé : les libéraux de Pierre Elliot Trudeau ont présenté la politique en 1971, et les conservateurs de Brian Mulroney en ont fait une loi en 1988. 

Entre les deux, en 1982, le multiculturalisme est inscrit dans la Charte des droits et libertés, «ce qui en fait, à ce que je sache, le seul document du genre au monde», indique Daniel Meister. 

L’historien résume la trajectoire de la mise en œuvre de la politique en quelques mots : «Le financement a fluctué et a bougé de portefeuille en portefeuille» depuis 1971. 

Aujourd’hui, sous le giron de Patrimoine canadien, le multiculturalisme fédéral prévoit des investissements communautaires, des enveloppes aux médias pour les initiatives et les titres ethnoculturels, et une aide financière ciblée pour l’accès au patrimoine culturel à l’intention des musées. 

À cela s’ajoute la sensibilisation du public par les mois de l’histoire – des Noirs, autochtone, islamique, etc. –, dix différents mois du patrimoine culturel, et bien d’autres moments de commémoration.

Lutter contre le racisme

La mise en œuvre de la politique a eu un effet de sensibilisation important, mais n’a pas éliminé le racisme. Les enjeux sociaux actuels comme «Black Lives Matter» et «Chaque enfant compte» rappellent que les carrés de la courtepointe ne sont pas tous égaux. 

Denise Humphreys croit bon de souligner que «les personnes racialisées nous ont dit que c’est épuisant de gérer le racisme au quotidien», lors des entrevues menées dans le cadre d’études sur le racisme. «Par défaut, il faut adopter les façons de faire blanches.» 

Daniel Meister ramène la discussion sur la politique. «Ça nous laisse à ces questions : est-ce que le multiculturalisme est le meilleur véhicule pour l’antiracisme? Ce n’est pas conçu dans cet objectif, mais ça doit être accompagné de mesures de la part du gouvernement et de citoyens pour répondre aux iniquités qui existent depuis longtemps.»

En ce sens, les chercheurs, tous deux issus de familles colonisatrices, cherchent à faire une différence dans leur milieu. 

«Dans ma vie, je trouve vraiment important de contester les propos racistes quand je les entends», laisse savoir Denise Humphreys. Elle conclut en suggérant, avec candeur : «Une des meilleures choses que les gens puissent faire, c’est de gâcher les soupers de l’Action de grâce et d’appliquer ça à leur famille!»

Le multiculturalisme canadien en chiffres

Ascendances ethnoculturelles

250 origines ethniques sont déclarées dans le recensement de 2016. Les plus courantes : canadienne, anglaise, écossaise, française ou irlandaise, puis allemande, chinoise, italienne, des Premières Nations, indienne, ukrainienne, hollandaise ou polonaise.

  • 6,2 % de la population déclare une ascendance autochtone.
  • 21,9 % de la population est née à l’étranger – 48,1 % de ce nombre est originaire d’Asie.
  • 22,3 % de la population fait partie de minorités visibles.

Langues

  • 58,1 % de la population a l’anglais comme langue maternelle.
  • 21,4 % de la population a le français comme langue maternelle.
  • 22,3 % de la population (7,7 millions de personnes) a comme langue maternelle une langue «immigrante», surtout le mandarin, le cantonais, le pendjabi, l’espagnol, le tagalog et l’arabe.
  • Les langues autochtones parlées par le plus grand nombre sont le cri, l’inuktitut, l’ojibwé, l’oji-cri, le déné et l’innu.

Source : Le multiculturalisme canadien. Étude générale, selon le recensement de 2016.

Imprimer
11427

Andréanne Joly – FrancopresseFrancopresse

Autres messages par Andréanne Joly – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x

Soirée Méritas, l’école Providence récompense ses élèves les plus méritants

C’est ce mercredi 18 juin 2014 que l’école Providence de Vonda a choisi de récompenser ses élèves les plus méritants avec sa traditionnelle soirée Méritas.

26 juin 2014/Auteur: Abdoul Sall – ACFT/Nombre de vues (31008)/Commentaires (0)/

Rencontre de travail du Conseil scolaire fransaskois à Saskatoon

Des défis et des questions

Le vendredi 20 juin, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a tenu une rencontre de travail à Saskatoon. Au cours de celle-ci, André Denis a été confirmé dans son poste de président. Le conseiller de Zenon Park, Denis Marchildon, remplace Simone Couture à la vice-présidence. 

26 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (28665)/Commentaires (0)/

Bourses d'études de la Fondation fransaskoise: Réflexions des lauréats

Des finissants de 12e année reçoivent un appui du Fonds Bourses d'études Louis et Gabrielle Lepage

Le Fonds Bourses d’études Louis et Gabrielle Lepage a pour but de fournir une bourse d’études à chaque finissant de la 12e année des écoles francophones du sud de la Saskatchewan. La Fondation fransaskoise verse annuellement jusqu’à 100% des montants des revenus nets générés par le capital du fonds « Bourses d’études Louis et Gabrielle Lepage. »

26 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (27661)/Commentaires (0)/

Lettre des parents mobilisés

Position des parents mobilisés à la lumière des enjeux récents concernant la gestion des écoles fransaskoises: Les Parents mobilisés appuient le Conseil scolaire fransaskois (CSF), mais reconnaissent que le Conseil des écoles fransaskoises s(CÉF) a fait des erreurs stratégiques au cours des dernières années.

26 juin 2014/Auteur: Les parents mobilisés pour une saine gestion scolaire/Nombre de vues (25198)/Commentaires (0)/

Si on se donne des règles, c’est pour les suivre

Je doute que les premiers feux de signalisation ou panneaux d’arrêt aient été installés dans les villes l’année même où les voitures ont fait leur apparition dans nos rues. Il aura fallu sans doute quelques collisions avant de prendre conscience de la nécessité d’offrir un certain encadrement à la circulation. 

26 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (22700)/Commentaires (0)/
Les élèves de Laval à l’école du cirque

Les élèves de Laval à l’école du cirque

Quelle surprise! Personne ne s’y attendait. Le 18 juin, quatre-vingt-dix élèves de la 4e à la 6e année de Laval primaire ont écrit une nouvelle page de l’histoire de l’école, en réalisant le spectacle dénommé le Grand cabaret. Impressionnant.

26 juin 2014/Auteur: Luc Bengono/Nombre de vues (31528)/Commentaires (0)/

Concours « Lève-toi et bouge »

L’école Notre-Dame-des-Vertus de Zenon Park s’illustre plusieurs manières

Les élèves et la communauté scolaire de l’école Notre-Dame-des-Vertus (Zenon Park) ont été très actifs durant le concours national « Lève-toi et bouge! ».

19 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (30484)/Commentaires (0)/
Clara Hughes fait un clin d’œil à Mgr de Laval

Clara Hughes fait un clin d’œil à Mgr de Laval

Traversée du Canada pour sensibiliser à la santé mentale

Mardi 10 juin, 9 heures du matin. Le directeur de l’école, M. Sébastien Ouellet, fait le tour des salles de classe et distribue en vitesse des bâtons gonflables bleus, après avoir montré aux élèves comment les utiliser. Aujourd’hui, tous les enfants sont habillés en bleu. La consigne a été donnée la veille. « Il faut encourager Clara Hughes ».

19 juin 2014/Auteur: Luc Bengono/Nombre de vues (30614)/Commentaires (0)/
Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Alphabétisation et compétences essentielles

En mars 2013, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) annonce aux organismes œuvrant au développement de l’alphabétisme et des compétences que le financement de base provenant de ce ministère prendrait fin en juin 2014.

19 juin 2014/Auteur: Lucien Chaput (Francopresse)/Nombre de vues (27689)/Commentaires (0)/
Portes ouvertes aux nouveaux locaux du Centre d’appui à la famille et à l’enfance (CAFE), La Ritournelle

Portes ouvertes aux nouveaux locaux du Centre d’appui à la famille et à l’enfance (CAFE), La Ritournelle

Vendredi 13 juin, de 11 h à 16 h, les familles de Regina ont pu visiter les nouveaux locaux du Centre d’appui à la famille et à l’enfance (CAFE), La Ritournelle, situés au Carrefour des Plaines à Regina, suite à l’invitation de l’Association des parents fransaskois (APF) lors de leur journée portes ouvertes.

19 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (30470)/Commentaires (0)/
Une nouvelle garderie francophone en milieu familial à Regina

Une nouvelle garderie francophone en milieu familial à Regina

Les Bout'Choux DayCare

Les places en garderie sont rares, on le sait, et le nombre de garderies elles-mêmes est limité. C’est donc une inauguration bienvenue pour la communauté que celle de la garderie familiale francophone Bout’Choux Day Care de madame Saida Chehaima, qui a eu lieu, samedi 14 juin, au 22 Hyland Crescent à Regina. 

19 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (37644)/Commentaires (0)/
Le public visite le Pavillon secondaire des Quatre Vents

Le public visite le Pavillon secondaire des Quatre Vents

Les élèves en vedette

C’est sous le thème « Arts et spectacle » que s’est déroulée le vendredi 13 juin dernier cette soirée ouverte au public, organisée conjointement avec l’Association canadienne-française de Regina (ACFR). Avec une formule « cocktail », les visiteurs étaient invités à grignoter tout en contemplant différentes réalisations des élèves du Pavillon secondaire des Quatre Vents (PSQV) de l’école Monseigneur de Laval à Regina. Les élèves de 10e année du cours de gestion financière étaient également sur place pour vendre des rafraîchissements.

19 juin 2014/Auteur: Stéphanie Alain/Nombre de vues (36046)/Commentaires (0)/
Urgence français

Urgence français

au Pavillon secondaire des Quatre Vents

C’est appuyé des rires du public de la salle que les membres de la troupe de théâtre du Pavillon secondaire des Quatre Vents (PSQV), de l’école Monseigneur de Laval à Regina, ont présenté cette pièce originale. 

19 juin 2014/Auteur: Stéphanie Alain/Nombre de vues (29369)/Commentaires (0)/
Le CÉF fait le point sur vérification provinciale de sa situation financière

Le CÉF fait le point sur vérification provinciale de sa situation financière

Lettre du président du Conseil scolaire fransaskois

Dans une lettre adressée aux parents, employés et partenaires communautaires, le président du Conseil scolaire fransaskois fait le point sur les récents développements dans le dossier scolaire: la cérification provinciale de la situation financière et certains énoncés diffusés dans les médias

13 juin 2014/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (23878)/Commentaires (0)/

Ça prend tout un village, vous dites?

Dommage que Kafka ne soit plus de ce monde. Il aurait trouvé la situation de la gestion scolaire fransaskoise plutôt inspirante. La semaine dernière, le LeaderPost de Regina a rapporté que le ministre de l’Éducation se dit profondément préoccupé du retard de la paie du personnel enseignant du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF). 

12 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (27060)/Commentaires (0)/
RSS
Première2627282931333435Dernière

 - dimanche 22 décembre 2024