Skip Navigation
Bon 36366
Biden renforce « Buy America » : le Canada en a vu d’autres
Francopresse
/ Catégories: Économie, Politique

Biden renforce « Buy America » : le Canada en a vu d’autres

FRANCOPRESSE – Le décret présidentiel signé par Joe Biden qui renforce les dispositions du « Buy America », favorisant l’achat aux États-Unis, pourrait empêcher certaines entreprises canadiennes d’obtenir des contrats du gouvernement fédéral américain. Des mesures protectionnistes qui n’inquiètent pas les observateurs outre mesure.

« Le décret ne vise pas spécifiquement le Canada, mais ce que je peux dire que ce n’est pas un changement très important sur le dossier, explique Stéphane Paquin, professeur à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) de Montréal. Donald Trump avait fait à peu près la même chose il y a quelques années, et Barack Obama avait fait à peu près la même chose en 2010. »

Le décret présidentiel, signé le 25 janvier, vient renforcer deux mesures législatives, le « Buy America Act » de 1933, adopté dans le contexte de la Grande Dépression, qui encadre tous les marchés publics du gouvernement fédéral ; et les dispositions « Buy American », qui datent de 1982 et ciblent plus particulièrement les transports et les infrastructures, ajoute Stéphane Paquin.

Ce que le décret présidentiel vient faire, selon Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, « c’est un peu amalgamer toutes les politiques, les décrets, les mesures qui avaient été prises depuis des dizaines d’années et qui faisaient en sorte que c’était vraiment un patchwork, une courtepointe de mesures qui étaient très disparates ». 

Le nouveau décret demande que tous les responsables des achats gouvernementaux au niveau du gouvernement fédéral présentent un plan pour augmenter le contenu de produits et services américains dans les achats publics fédéraux, dit Geneviève Dufour.

Elle ajoute que les dispositions protectionnistes américaines antérieures s’appliquaient « à géométrie variable » et permettaient beaucoup de dérogations. Ce décret présidentiel crée un processus rigoureux pour encadrer ces dérogations, et centralise toutes ces décisions dans les mains du responsable « Buy America » au sein du bureau du président.

Des conséquences pour le Canada?

Image
Selon Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, le décret du président Biden ne fait que consolider des mesures déjà présentes dans la législation américaine. Crédit : Université de Sherbrooke
 « Pour l’instant, on est dans l’incertitude. On ne sait pas comment [ce décret] va s’appliquer, mais on sait que ça va avoir un impact », pense la juriste Geneviève Dufour.

« Globalement, je ne suis pas si inquiet que ça pour le moment, ajoute Stéphane Paquin. Mais tout ça peut changer bien vite. [Alors] il faut prendre ça au sérieux, le gouvernement doit se mobiliser, nos ambassadeurs doivent quand même aller faire des représentations, s’assurer que les Canadiens aient des exemptions. »

« Depuis Obama, c’est la troisième fois que ça ce produit. Il y a des indices qui  montrent que, dans le passé, les Américains ont été pragmatiques et que l’intégration des chaines de production sont tellement importantes entre les États-Unis et le Canada qu’il finit toujours par y avoir des exceptions pour les produits canadiens », souligne le politologue.

Selon Geneviève Dufour, «on vit déjà depuis des décennies dans un cadre sous lequel les Américains privilégiaient des achats locaux dans leurs appels d’offres, mais il y a quand même  des choses qui changent. Et on se rappelle qu’en 2009, Barack Obama avait adopté une nouvelle politique de “Buy American”, et que ça avait vraiment déplu aux Canadiens».

Le Canada et les États-Unis avaient négocié pendant des mois pour exclure les entreprises canadiennes des mesures protectionnistes américaines qui avaient été adoptées dans la foulée du plan de relance à la suite de la crise financière de 2008, poursuit la professeure Dufour.

Image
Stéphane Paquin, professeur à l’École nationale d’administration publique de Montréal (ÉNAP) et directeur du Groupe d’études sur l’international et le Québec, croit que les mesures protectionnistes américaines s’inscrivent dans une logique politique plutôt qu’économique. Crédit : ÉNAP
 « Biden est beaucoup moins hostile envers le Canada, il a une relation amicale avec le premier ministre Trudeau. Il sait que les Canadiens sont insatisfaits par rapport à l’abandon du pipeline Keystone XL. On peut penser que pour un cas comme celui-là, il serait capable de donner au Canada l’équivalent de ce que l’administration Trump a offert au Canada il y a trois ans [avec l’ACÉUM] », pense Stéphane Paquin.

Cependant, avertit Geneviève Dufour, « le décret […] va rendre beaucoup plus automatique et systématique l’application du  « Buy America Act ». Les entreprises canadiennes risquent de perdre des contrats, de ne pas être en mesure de postuler directement dans les appels d’offres du gouvernement fédéral ».

Selon la juriste, l’intégration importante des chaines de valeurs entre le Canada et les États-Unis risque aussi d’exclure un bon nombre d’entreprises américaines des appels d’offres fédéraux si le décret est appliqué de façon rigoureuse, parce qu’une bonne partie des composantes de leurs produits provient de l’autre côté de la frontière.

Stéphane Paquin souligne en contrepartie que « pour bien des entreprises américaines qui font des contrats publics, qui font des appels d’offres, se poser la question si une entreprise canadienne se qualifie ou non en vertu du droit international est parfois si complexe qu’ils peuvent être tentés d’écarter du processus les entreprises canadiennes ».

Le Government Accountability Office (GAO) américain évaluait que les entreprises canadiennes avaient décroché 0,2% des contrats publics fédéraux en 2015, pour une valeur de 623 millions $.

Les acteurs économiques canadiens dans l’expectative

Le directeur québécois d’UNIFOR, Renaud Gagné, s’attendait à l’imposition de mesures protectionnistes, qui sont communes depuis plusieurs administrations américaines.

« Ça nous inquiète, naturellement, cet élément-là, mais il reste quand même qu’il y a eu des exemptions par le passé », pondère le syndicaliste.

À la Chambre de commerce de l’Atlantique, la présidente et directrice générale Sheri Somerville dit « surveiller la situation de près, mais elle en est encore à ses débuts ».

« À court terme, c’est dur à dire quels seront les impacts précisément, mais c’est des milliers d’entreprises, des millions d’emplois qui sont en lien avec le commerce interfrontalier entre le Canada et les États-Unis », estime Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Image
Louis Allain, directeur général du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), l’intégration des chaines de valeur des deux côtés de la frontière contraindra les deux parties à négocier. Crédit : Marcel Druwé
De son côté Louis Allain, directeur général du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), estime qu’on « est un peu condamné à continuer de tricoter ensemble pour trouver des terrains d’entente », d’autant plus que les chaines de valeur sont très intégrées des deux côtés du 49e parallèle.

Renaud Gagné, en contrepartie, ne croit pas qu’il y ait un impact majeur sur le Canada, puisqu’on vient de négocier un nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis, et qu’on est son principal partenaire commercial. 

Pour Louis Allain, ces mesures protectionnistes sont une « façade politique, qui ne repose pas sur une réalité économique […] le gouvernement va être très attentif à ce que les entreprises ont à dire, parce que n’oubliez pas que de nombreuses entreprises ont des sièges dans les deux pays ».

À la lumière du renforcement des politiques « Buy America », croit Renaud Gagné, le gouvernement canadien devrait peut-être reconsidérer ses propres politiques d’achat public, parce que présentement aucune mesure n’exige du contenu canadien.

Image
Pour Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), il est difficile d’évaluer quels seront les impacts des mesures annoncées. Crédit : FCEI
Il rappelle le cas du renouvèlement du parc de VIA Rail en 2018, alors que le contrat avait été accordé à la compagnie Siemens et que tous les wagons avaient été construits aux États-Unis.

Des complications au niveau du droit international

La renégociation de l’ALENA, devenu l’Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACÉUM) vient compliquer la donne pour exempter les entreprises canadiennes des restrictions protectionnistes américaines, estime Geneviève Dufour.

« Pour l’ACÉUM, il y a une particularité : il n’y a pas de disposition sur les marchés publics applicables entre le Canada et les États-Unis. Les dispositions sur les marchés publics dans l’ACÉUM ne s’appliquent qu’aux relations entre le Mexique et les États-Unis », explique la juriste de l’Université de Sherbrooke. 

Selon elle, il serait donc « très discutable au niveau du droit international économique » qu’il puisse y avoir une entente entre le Canada et les États-Unis sur l’accès aux marchés publics, parce que cela violerait le principe de « non-discrimination » entre partenaires commerciaux en privilégiant le Canada.

Image
Renaud Gagné, directeur québécois d’UNIFOR, croit que le Canada devrait imposer du contenu canadien dans ses propres achats publics. Crédit : UNIFOR
 « La seule façon de [rendre un éventuel accord entre le Canada et les États-Unis légal], c’est de rouvrir l’ACÉUM, et d’inclure les marchés publics. […] Les États-Unis n’ont pas le droit de privilégier le Canada, à moins que ce ne soit prévu dans une entente de libre-échange en bonne et due forme, qui couvre une majorité de secteurs, et qui est présenté à l’OMC », conclut la juriste.

Des mesures politiques plutôt qu’économiques

Pour Stéphane Paquin, la logique derrière ces mesures protectionnistes est beaucoup plus politique qu’économique : la dernière élection a été très serrée dans certains États industriels du Midwest, comme le Michigan, l’Illinois et la Pennsylvanie. Des États autrefois très syndiqués et proches des démocrates, mais qui se sont désindustrialisés dans les dernières décennies.

« Et il y a un discours très fort qui provient de ces régions, les anciens travailleurs syndiqués qui étaient à la base du Parti démocrate sont assez frustrés, typiquement assez hostiles au libre-échange. Ces gens-là ont voté pour Trump, et Biden essaie de s’adresser à eux dans l’espoir que le Parti démocrate puisse s’installer de façon plus permanente dans ces régions », estime Stéphane Paquin

Imprimer
11533

FrancopresseFrancopresse

Autres messages par Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Radisson... Allez! Tasse-toi...

Radisson... Allez! Tasse-toi...

Mardi 3 et mercredi 4 juin derniers, avait lieu la foire provinciale du patrimoine à la maison du lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan. Cet endroit est le pied-à-terre de sa majesté, la reine Élizabeth II de l’Angleterre, lorsqu’elle et son mari viennent faire un tour dans notre coin de pays.

12 juin 2014/Auteur: Claude Martel/Nombre de vues (24484)/Commentaires (0)/

Nikolas Gélinas : Récit d’une réussite

Nikolas se dit fier d’avoir remporté le prix de la Pensée historique. Il peut l’être. Derrière ce prix, ce sont des dizaines d’heures de recherches et un investissement total dans un projet.

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (22823)/Commentaires (0)/
Réalisation d’une murale au Pavillon secondaire des Quatre Vents

Réalisation d’une murale au Pavillon secondaire des Quatre Vents

Cette murale est le fruit d’un projet pluridisciplinaire Génie-arts, qui réunit éducation artistique, sciences humaines et français en 8e année. Au cours du deuxième semestre, les élèves ont produit une murale, un texte de création littéraire et un travail de recherche afin de répondre à la question : « Quel est le vécu et l’héritage des Fransaskois dans le patrimoine canadien à travers le temps? ». 

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (28681)/Commentaires (0)/
Juges unilingues à la foire du patrimoine

Juges unilingues à la foire du patrimoine

Les Francophones ont-ils toutes leurs chances?

La phase finale des foires du patrimoine 2014 a eu lieu les mardi et mercredi, 3 et 4 juin derniers, à la Maison du Gouverneur. Plusieurs projets francophones étaient en lice pour la finale provinciale, mais une seule juge bilingue était présente, ce qui a contraint le candidat des écoles du CÉF, dont le projet était en français, d’improviser une présentation en anglais pour défendre ses chances. Pourquoi?

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (26754)/Commentaires (0)/
Fête des finissants à Zenon Park

Fête des finissants à Zenon Park

Briller dans le monde comme l’étoile dans la nuit

C’était le 24 mai dernier, une fête extraordinaire pour des finissants extraordinaires. Après 12 ans de scolarité, familles et amis étaient réunis afin de célébrer leur succès, leur engagement, les projets et les rêves de Karie-Anne Lépine, Wiliam Arty et Andréa Perrault.

12 juin 2014/Auteur: Amy-Valérie Olivier – CÉF/Nombre de vues (27252)/Commentaires (0)/

Un groupe de parent réclame du sang neuf au CSF

Entretien avec Alpha Barry du regroupement des parents anciennement silencieux

Selon Alpha Barry, les parents anciennement silencieux comptent 105 membres à Regina, Saskatoon, Ponteix, Gravelbourg et Moose Jaw et sont de plus en plus nombreux. Les membres sont les parents et grands-parents des clients et futurs clients du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF).

12 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (24557)/Commentaires (0)/
Les Bout'Choux DayCare: nouvelle garderie en milieu familial

Les Bout'Choux DayCare: nouvelle garderie en milieu familial

Samedi 14 juin, de 15 h à 18 h, madame Saïda Chehaima ouvrira officiellement sa garderie familiale francophone. Elle pourra accueillir jusqu’à huit enfants, de quelques semaines à six ans.

2014-06-14 15:00/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (22478)/Commentaires (0)/

Francine Proulx-Kenzle se prononce sur la situation du CSF

Il faut dialoguer et rétablir la confiance

Comme mamie fransaskoise, je suis très inquiète pour l’avenir de l’éducation en français dans notre communauté. Je reconnais que les défis sont nombreux et importants. Comment faire pour les relever?

11 juin 2014/Auteur: Francine Proulx-Kenzle/Nombre de vues (18434)/Commentaires (0)/
Récital de musique à l’école Providence de Vonda

Récital de musique à l’école Providence de Vonda

À la veille de la fin de l’année scolaire, des élèves de l’école Providence de la prématernelle à la 6e année ont offert un spectacle de très grande qualité à un public venu nombreux.

11 juin 2014/Auteur: Abdoul Sall – ACFT/Nombre de vues (25598)/Commentaires (0)/
Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Alphabétisation et compétences essentielles

Après un an de silence, le ministère d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a rendu sa réponse. C’est non à l’éducation aux adultes francophones et acadiens par les francophones et Acadiens. Un non sans explications qui met en péril l’existence même des réseaux d’alphabétisation et de compétences essentielles (ACE). 

10 juin 2014/Auteur: Lucien Chaput (Francopresse)/Nombre de vues (24870)/Commentaires (0)/

Soirée « arts et spectacle » au PSQV

Les élèves du Pavillon secondaire des Quatre-Vents, en partenariat avec l’Association canadienne-française de Regina, invitent le public à participer à leur soirée « Arts et spectacle ». Ce sera vendredi le 13 juin prochain de 17 h à 19 h, au Carrefour Horizon
(1440 9e Avenue Nord, Regina).

2014-06-13 17:00/Auteur: ACFR/Nombre de vues (12250)/Commentaires (0)/

Le culte du silence

Le culte du silence devient de plus en plus la norme.  Du moins en public.  Au lieu de parler ouvertement, on rumine en silence. Et le mécontentement croît.  

5 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (23027)/Commentaires (0)/

Les 7e années de Mgr de Laval changent d’école

Le Pavillon secondaire des Quatre Vents de l’école Laval (PSQV) à Regina accueillera les élèves de la 7e année à la rentrée 2014.

5 juin 2014/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (21913)/Commentaires (0)/
La PÉLEC : une solution pour le sous-financement des écoles fransaskoises?

La PÉLEC : une solution pour le sous-financement des écoles fransaskoises?

La Saskatchewan pourrait emboîter le pas à l'Ontario et au Nouveau Brunswick

La Politique d’encadrement linguistique et culturel ou PÉLEC est un outil qui pourrait aider à résoudre les problèmes auxquels sont confrontés le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) et la province en matière de financement et de programmation.

5 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (25802)/Commentaires (0)/
Un héros grec au pavillon Gustave Dubois!

Un héros grec au pavillon Gustave Dubois!

Des élèves de Saskatoon ont présenté un spectacle musical

Hercule, héros de la mythologie dont les nombreuses aventures l’ont mené de la Méditerranée jusqu’aux enfers, a ajouté une tâche à sa liste déjà longue de 12 travaux : il était en effet de passage à Saskatoon pour quelques jours, du 26 au 28 mai, et a pu profiter d’un beau temps printanier digne du mont Olympe!

5 juin 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (32129)/Commentaires (0)/
RSS
Première2627282931333435

 - samedi 1 juin 2024