La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités
FRANCOPRESSE – Les universités francophones du pays misent sur l’inscription d’étudiants internationaux pour stimuler la vie en français et renflouer leurs coffres. Les mesures sanitaires imposées par les gouvernements fédéral et provinciaux affecteront directement les inscriptions pour la rentrée 2020.
Deuxième texte d’une série de deux.
L’accueil d’étudiants internationaux est vital pour les établissements universitaires de langue française. Ces derniers payent des frais de scolarité plus élevés, un revenu important auquel les universités risquent de ne pas avoir accès «si on n’est pas en mesure de les accueillir», précise Sophie Bouffard, rectrice de l’Université de Saint-Boniface (USB) au Manitoba, où les étudiants internationaux représentent environ 20 % d’une cohorte de premier cycle.
Aurélie Lacassagne, présidente de l’Acfas-Sudbury, souligne que l’Université Laurentienne a beaucoup recruté à l’international. «Ça va faire un vide dans nos classes» si cette clientèle est absente. Et une perte pour la francophonie.
Cette bataille pour le maintien du fait français, Fabrice Colin la connait bien. Le mathématicien et président de l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) soutient que depuis au moins 10 ans, il y a eu «une érosion des programmes francophones» à l’Université Laurentienne.
Son collègue, Thierry Bissonnette, professeur de littérature et membre du Regroupement des professeures et professeurs francophones de l’Université Laurentienne, qui se veut un lieu d’échanges autonomes, sans affiliation syndicale, croit que la pandémie risque de tout mettre sur la glace, y compris l’avancement de la francophonie.
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«Les étudiants étrangers, c’est une vache à lait pour les universités», avance-t-il. En leur absence, les établissements risquent le statuquo, et pour le professeur Bissonnette, cela signifie «la décroissance pour les francophones. Il se peut qu’on manque d’effectifs.»
Les effectifs servent de barème à plusieurs administrations universitaires pour offrir des cours. Il arrive que le faible taux d’inscription mène à l’annulation ou au report du cours à un autre semestre.
Les programmes universitaires sont faits pour évoluer. Pour les modifier et les mettre à jour afin de proposer une offre valable aux francophones, il faut évidemment du personnel. «Parfois, en milieu minoritaire, c’est seulement un prof par discipline», précise Patrick Noël.
Une réponse du fédéral
Une chose semble être claire pour plusieurs intervenants : les sommes fédérales accordées aux universités francophones en milieu minoritaire pour le bilinguisme devraient être revues à la hausse. «Ça n’a pas augmenté depuis plusieurs années», précise la rectrice de l’USB.
La porte-parole de Patrimoine canadien, Martine Courage, concède que «c’était effectivement le cas.» Mais elle ajoute du même souffle que l’année dernière, le gouvernement du Canada a annoncé «une augmentation de 60 millions de dollars, sur quatre ans, pour l’éducation dans la langue de la minorité qui inclut le postsecondaire.»
Mme Courage tient à mentionner que ces 60 millions s’ajoutent aux 500 millions $ prévus dans le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 «pour renforcer nos communautés en situation minoritaire» via des établissements comme l’Université Saint-Boniface et le Campus Saint-Jean.
Dans la foulée de la pandémie, des sommes additionnelles aux 60 millions pourraient-elles être versées à des petites universités francophones? Pour Martine Courage, le gouvernement canadien contribue déjà pour «plus de 250 millions de dollars par année à l’éducation par l’entremise de ses ententes bilatérales avec les provinces et les territoires. Toutefois, ce sont les gouvernements provinciaux et territoriaux qui prennent les décisions concernant la répartition du financement qui leur est alloué.»
L’enseignement en ligne, une voie d’avenir?
«Les cours à distance, ça ne fonctionne pas trop mal, mais ça ne remplace pas les étudiants dans une classe. Disons qu’ils représentent un complément intéressant», avance Fabrice Colin.
Pour Allister Surette, recteur et vice-chancelier de l’Université Sainte-Anne, la pire solution serait de donner exclusivement des cours en ligne. «Notre force, en situation minoritaire, c’est l’approche personnalisée, c’est notre branding.»
Le recteur néoécossais préconise une approche commune dans les revendications face aux impacts économiques du coronavirus. «On fait des représentations auprès de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), qui va expliquer notre situation au gouvernement canadien.»
À l’Université de Saint-Boniface, les décisions ne sont pas encore arrêtées quant à la transition entre présentiel et distance. Pour la rectrice Sophie Bouffard, «l’enseignement à distance n’est pas plus économique. Mais il est sur la table. C’est probable que ce sera à géométrie variable.»
La présidente-directrice générale de l’ACUFC, Lynn Brouillette, est tout à fait consciente que l’enseignement à distance «requiert des investissements immédiats. Avant l’automne 2020, les établissements devront modifier leurs infrastructures physiques, dont la capacité du parc informatique, et ajuster le mode de prestation des cours ou le curriculum pour clairement identifier les cours en ligne.»
Bon joueur, Allister Surette, recteur de l’Université Sainte-Anne, tente un dernier appel au gouvernement de Justin Trudeau. «On salue le soutien du gouvernement fédéral pour ses aides, comme à la petite enfance ou pour l’octroi de bourses à des étudiants anglophones qui veulent apprendre le français. Mais en tant qu’université, on voudrait qu’il comprenne les défis auxquels on a affaire en ce temps de pandémie.»
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