Skip Navigation
Rentrée 2024 : les enseignants francophones manquent à l’appel
Marine Ernoult – Francopresse
/ Catégories: Éducation, Francophonie

Rentrée 2024 : les enseignants francophones manquent à l’appel

En cette rentrée 2024, les enseignants francophones se font de plus en plus rares et la pénurie touche désormais les villes. Les conseils scolaires rivalisent de propositions pour attirer les candidats. Mais selon les acteurs de l’éducation, ces stratégies resteront inefficaces si le métier n’est pas revalorisé et les conditions de travail améliorées.

«Tous nos postes d’enseignants sont pourvus, mais c’était très serré, certains étaient encore vacants quelques jours avant la rentrée», témoigne le directeur général du District scolaire francophone du Nord-Ouest (DSF-NO), au Nouveau-Brunswick, Luc Caron.

À l’évocation du recrutement, le responsable n’hésite pas à parler de «casse-tête» et de «stress continuel».

En Nouvelle-Écosse, le Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) espérait dénicher quelque 170 enseignants; une vingtaine de postes demeurent inoccupés. En attendant, toutes les classes ont un suppléant à temps plein certifié par la province, assure le directeur général, Michel Collette.

Même son de cloche du côté du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), où une dizaine de postes ne sont toujours pas pourvus. Le CÉF a, lui, été contraint de faire appel à des individus non certifiés, des retraités de l’enseignement dans le meilleur des cas.

Apprentissage des élèves fragilisé

Le recours à des enseignants non qualifiés est nécessaire dans plusieurs provinces. Au Nouveau-Brunswick, Luc Caron a dû se tourner vers neuf personnes sans brevet d’enseignement.

En Ontario, 150 personnes étaient non certifiées en 2015-2016, contre 700 en 2021-2022, rapporte l’Association des enseignants et des enseignantes franco-ontariens (AEFO).

Tous les directeurs de conseil scolaire affirment offrir un soutien accru aux novices, comme des formations, des ressources pédagogiques ou un accompagnement en gestion de classe.

Mais ces arguments ne convainquent pas les syndicats. «Ça ne donne pas aux apprenants les compétences et les connaissances dont ils ont besoin pour réussir dans le futur», déplore la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), Stéphanie Babineau.

«Ça alourdit la tâche de travail des enseignants qui doivent souvent aider ces recrues inexpérimentées», poursuit la présidente de l’AEFO, Gabrielle Lemieux.

En Saskatchewan, le directeur du CÉF, Ronald Ajavon, reconnait que «ce n’est pas l’idéal». «Mais nous n’avons pas le choix, la pénurie, omniprésente depuis dix ans, s’est aggravée au cours des trois dernières années.»

Plus de retraités que de recrues

De nombreux facteurs expliquent la pénurie. Les acteurs de l’éducation mettent en cause les départs à la retraite massifs des générations du babyboum.

«À la suite de la pandémie de COVID-19, on a aussi commencé à voir des mouvements de départ à la retraite anticipée», rapporte le directeur général de la Commission scolaire francophone du Yukon, Marc Champagne.

Au même moment, les jeunes désertent les formations postsecondaires en enseignement. «Ça crée un déséquilibre naturel, il y a plus d’enseignants qui quittent le métier que de nouvelles recrues à même de les remplacer», résume Marc Champagne.

Les besoins n’ont pourtant jamais été aussi pressants. «L’éducation en français n’a jamais été autant populaire et le nombre d’élèves dans nos écoles grandit constamment», affirme Ghislain Bernard à la Commission scolaire de langue française de l’Î.-P.-É.

La pénurie gagne les villes 

Les difficultés de recrutement sont encore plus grandes en milieu rural. À l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), le directeur général de la Commission scolaire de langue française (CSLF), Ghislain Bernard, évoque un «processus compétitif» en ville, avec souvent cinq à douze candidatures pour un poste. À l’inverse, à la campagne, les postes suscitent peu d’intérêt et «peuvent rester ouverts plusieurs mois».

La pénurie gagne cependant les villes. «C’est rendu difficile partout», explique Michel Collette. De la même manière, le directeur des ressources humaines du Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario (CSPGNO), Éric Despatie, parle d’un manque de personnel qui «affecte pas mal toute la région».

Néanmoins, certains conseils scolaires s’en sortent mieux que d’autres. À l’Î.-P.-É., la CSLF a réussi à engager les 15 nouveaux enseignants qualifiés dont elle avait besoin. Ghislain Bernard note tout de même des embauches «de plus en plus dernière minute». «Il y a dix ans, tous les postes étaient remplis en juin. Aujourd’hui, le processus dure jusqu’en septembre.»

Les responsables de l’éducation dans le Grand Nord canadien s’estiment également chanceux. Aucun enseignant ne manque à l’appel au sein de la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO) et de la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY).

«Ça reste difficile, ça prend plus de temps qu’avant, mais la pénurie ne nous affecte pas autant que les gros districts scolaires de l’Ontario ou du Nouveau-Brunswick», relève la directrice générale de la CSFTNO, Yvonne Careen.

Le directeur général de la CSFY, Marc Champagne, fait le même constat : «Sur les cinq dernières années, on a de moins en moins de candidats qui appliquent.»

Travail de prospection

Dans ce marché du travail particulièrement tendu, les conseils scolaires sont présents sur tous les fronts. Ils écument les foires d’emploi et les campus universitaires à travers le pays, se font connaitre sur les réseaux sociaux.

Ils rivalisent aussi de propositions alléchantes pour attirer les candidats. Le CSAP et le CÉF offrent des bourses d’études, d’autres développent du mentorat et tous approchent les futurs diplômés en éducation avec des contrats permanents.

Le CSPGNO couvre les frais de déménagement au-delà de 200 kilomètres. Le CÉF travaille avec les universités saskatchewanaises pour rendre leurs formations plus accessibles aux jeunes des régions rurales.

Le CSFY a lancé un projet pilote de séjour exploratoire en partenariat avec l’Association franco-yukonaise. Les candidats intéressés ont été invités à visiter le Yukon. «Ça nous a donné beaucoup de visibilité à l’échelle du pays, nous avons reçu plus de 80 CV», se réjouit Marc Champagne.

Le recrutement à l’international reste une autre solution privilégiée. L’an dernier, le CSPGNO a embauché 11 personnes à l’étranger.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, Yvonne Careen compte, elle, sur le bouche-à-oreille : «Les meilleurs vendeurs, ce sont les professionnels qui ont déjà travaillé avec nous.»

Une pénurie qui va durer 

Pour les syndicats, ces efforts ne règlent pas le problème à long terme. Selon eux, le monde de l’éducation doit avant tout s’attaquer au problème de l’attractivité du métier.

«L’attitude négative de la société, la remise en question de l’école publique, du professionnalisme et de la compétence des enseignants crée une tempête parfaite. Les jeunes ne choisissent plus cette profession», analyse Stéphanie Babineau.

Elle pointe également la charge de travail «qui s’alourdit de façon alarmante», ou encore la violence en hausse.

Les directions scolaires appellent de leur côté à réduire le nombre d’années d’études pour le baccalauréat en éducation, tout en revoyant à la hausse les financements des facultés et le nombre de places dans les programmes de formation.

Car la pénurie n’est pas prête de s’arrêter, bien au contraire. D’après les données de l’AEFO, les besoins sont tels en Ontario que 1000 étudiants devraient être formés annuellement durant les quatre prochaines années. Seulement 450 nouveaux enseignants sont diplômés chaque année.

«La pérennité du système francophone est en jeu, alerte Gabrielle Lemieux. C’est un cercle vicieux, la pénurie ajoute un fardeau aux enseignants en place, ce qui les incite à quitter la profession.»

Au Nouveau-Brunswick, Luc Caron anticipe 200 postes à combler d’ici 2031 : «C’est impossible que l’Université de Moncton nous fournisse autant de monde, il va falloir réfléchir à de nouvelles stratégies.»

Article précédent L’infrastructure de collèges et universités francophones en «rattrapage»
Prochain article Le dossier de l’éducation toujours dans l’actualité
Imprimer
2875

Marine Ernoult – FrancopresseGhita Hanane

Autres messages par Marine Ernoult – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
École Père-Mercure

École Père-Mercure

Nos élèves et la communauté se sont rassemblés pour souligner la fin de l'année avec un dîner BBQ et une après-midi de jeux. Merci à tous les parents et membres du personnel qui ont aidé à l'organisation !

3 juillet 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (5940)/Commentaires (0)/
École de Bellegarde

École de Bellegarde

Le mois de juin a été rempli d’activités !

3 juillet 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (4610)/Commentaires (0)/
Dans nos écoles 25 mai au 7 juin 2023

Dans nos écoles 25 mai au 7 juin 2023

Dans nos écoles 25 mai au 7 juin 2023.

6 juin 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (4769)/Commentaires (0)/
Dans nos écoles 11 au 24 mai 2023

Dans nos écoles 11 au 24 mai 2023

Dans nos écoles 11 au 24 mai 2023.

23 mai 2023/Auteur: Marie-Lou Bernatchez/Nombre de vues (3906)/Commentaires (0)/
Le postsecondaire en français grand perdant du Plan d’action pour les langues officielles

Le postsecondaire en français grand perdant du Plan d’action pour les langues officielles

Ottawa investit 4,1 milliards de dollars dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028. Si de nouveaux investissements sont prévus notamment en immigration, en immersion et en petite enfance, le gouvernement libéral a brisé sa promesse électorale de financer le postsecondaire en français de manière permanente à raison de 80 millions de dollars par an.

16 mai 2023/Auteur: Inès Lombardo — Francopresse /Nombre de vues (5030)/Commentaires (0)/
Voyages du CÉF à l’international : « un énorme retour sur investissement »

Voyages du CÉF à l’international : « un énorme retour sur investissement »

Fin avril, une délégation du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) s’est rendue au Burundi et au Niger sous la houlette de son directeur général Ronald Ajavon en vue d’établir des partenariats avec les autorités locales. Certaines personnes de la communauté ont critiqué les dépenses encourues, estimant que le CÉF devrait se focaliser sur d’autres priorités plus locales. Monsieur Ajavon clarifie sa démarche.

12 mai 2023/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (7094)/Commentaires (0)/
Message du directeur général du CÉF

Message du directeur général du CÉF

Message du directeur général du CÉF.

11 mai 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (3911)/Commentaires (0)/
ÉCOLE DE BELLEGARDE

ÉCOLE DE BELLEGARDE

ÉCOLE DE BELLEGARDE.

27 avril 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (4235)/Commentaires (0)/
Message du directeur général du CÉF

Message du directeur général du CÉF

Message du directeur général du CÉF.

27 avril 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (3686)/Commentaires (0)/
Gard’Amis, une garderie en pleine croissance

Gard’Amis, une garderie en pleine croissance

Le Centre éducatif Gard’Amis, à Regina, dessert la petite enfance depuis 1987. Première garderie francophone de la province, cette coopérative à but non lucratif a même commencé à acquérir des propriétés en 2017 pour répondre aux besoins toujours croissants des familles fransaskoises.

27 avril 2023/Auteur: Sarah Vennes-Ouellet – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5827)/Commentaires (0)/
Des Fransaskois étudieront les relations publiques à La Cité à Toronto

Des Fransaskois étudieront les relations publiques à La Cité à Toronto

Après une entente signée le 5 avril, des étudiants du Collège Mathieu auront accès dès septembre prochain au programme de Relations publiques de deux ans du Collège La Cité à Toronto.

18 avril 2023/Auteur: François Bergeron (L’Express)/Nombre de vues (5523)/Commentaires (0)/
L’enseignement de demain sera-t-il « dialogique » ?

L’enseignement de demain sera-t-il « dialogique » ?

Précurseur et prêcheur de l’approche dialogique en enseignement depuis 36 ans, le professeur Norman Cornett était l’invité d’honneur d’une discussion à la Cité francophone de l’Université de Regina les 28 et 29 mars. L’événement, ouvert au public, a soulevé des échanges de fond entre les membres du personnel enseignant et les étudiants.

15 avril 2023/Auteur: Marie-Lou Bernatchez/Nombre de vues (5526)/Commentaires (0)/
Les enseignants renouent contact à Saskatoon

Les enseignants renouent contact à Saskatoon

Les enseignants fransaskois ont pu enfin se retrouver lors du premier congrès organisé en personne depuis le début de la pandémie les 30 et 31 mars à Saskatoon. Organisatrices de la rencontre, l’Association locale des enseignantes et des enseignants fransaskois (ALEF) et l’Association professionnelle des enseignants fransaskois (APEF) avaient logiquement choisi pour thème Des retrouvailles pour se ressourcer.

14 avril 2023/Auteur: Leanne Tremblay – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (4265)/Commentaires (0)/
Le gouvernement donne son aval pour deux nouvelles écoles

Le gouvernement donne son aval pour deux nouvelles écoles

Bonne nouvelle pour les Fransaskois : deux nouvelles écoles se retrouvent dans le budget provincial 2023-2024 présenté le 22 mars. Si l’annonce des établissements, prévus pour Prince Albert et Saskatoon, enchante les communautés locales, la vigilance reste de mise.

4 avril 2023/Auteur: Lucas Pilleri – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5339)/Commentaires (0)/
Faire reconnaître l’apprentissage non formel et informel du français

Faire reconnaître l’apprentissage non formel et informel du français

En dehors du cursus scolaire, les situations d’apprentissage sont infinies. C’est le message que veut faire passer le Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences (RESDAC). Une considération que l’organisme veut faire inscrire dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

3 avril 2023/Auteur: Anne-Hélène Mai – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5827)/Commentaires (0)/
RSS
135678910Dernière

 - lundi 18 novembre 2024