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Cécile Tkachuk, une vie guidée par la langue et la culture

Cécile Tkachuk a grandi dans le petit village francophone de Zenon Park en Saskatchewan, où elle a effectué ses études primaires et secondaires. Puis, en 1976, elle part pour la grande ville en s’inscrivant à l’Université de Regina. Une vie d’engagement pour la langue française et la culture francophone démarrait alors.

Cécile Tkachuk voulait étudier les sciences techniques. « J’avais des rêves de faire de la science informatique. Mais à cette époque-là, c’était tellement rudimentaire ! », se souvient-elle. L’avènement de l’ère du numérique était encore loin.

Cécile est ensuite entrée à Radio-Canada en tant que technicienne en montage vidéo, où elle restera de 1978 à 1996. « C’était toujours agréable. J’ai adoré travailler avec les journalistes, les producteurs », rapporte cette dernière. Depuis, elle n’a plus quitté Regina.

Pour les femmes…

Cécile s’est beaucoup impliquée pour faire avancer la cause des femmes dans la province. Dès 2004, elle rejoint la Fédération provinciale des Fransaskoises (FPF), d’abord en tant que conseillère, puis comme présidente en 2009 et vice-présidente en 2013. « J’ai commencé quand l’organisme était en reconstruction. On cherchait des gens pour rebâtir l’organisme. C’était pour moi une première implication dans la communauté. On a fait une grosse étude, on est allés retourner faire des projets. »

Le plus gros défi de la FPF à l’époque : « Se faire voir par de plus jeunes femmes, les intéresser et les faire s’intéresser à un regroupement de femmes », confie la féministe. Le pari semble avoir été emporté avec, aujourd’hui, un conseil d’administration composée « de jeunes femmes ».

Au printemps 2019, elle laisse la place à la relève, mais garde un œil sur la FPF. « Je suis encore ce qu’elles font. La bataille n’est pas gagnée. Mais si on continue à se battre, on va éventuellement gagner », espère-t-elle. Patrimoine canadien ne reconnaît pas le regroupement des Fransaskoises comme un organisme éligible aux subventions. Seuls les projets sont ainsi financés, et non les employés, leur compliquant la tâche.

Et pour les arts

L’autre passion de Cécil Tkachuk, ce sont les arts. Lors du Rendez-vous fransaskois en novembre 2019, elle a reçu le Lys d’art du Conseil culturel fransaskois (CCF) dans le cadre de la soirée hommage Déjà 35 ans que je te lis. Ce prix reconnaît l’impact du travail et l’implication d’une personne dans le secteur culturel et artistique de la Saskatchewan. Une récompense qui a surpris la récipiendaire : « C’était surprenant, car on le donne généralement à un bénévole. Je me suis sentie privilégiée », ressent celle qui a été employée en administration de 2005 à 2018 au CCF.

La culture et les arts revêtent une importance capitale pour la francophone. « Dans ma tête, la culture et la langue sont interreliées. Sans la culture, il manque un morceau à la langue. Si nos jeunes n’embarquent pas dans la culture, ils vont débarquer de la langue française. » Elle ira jusqu’à occuper le poste de directrice intérimaire du CCF en 2011, surtout pour dépanner. «  Je n’aime pas la politique. Ce n’est pas un poste où je serais restée longtemps », confie-t-elle.

Le défi de la vie en minorité

Née de parents fransaskois, Cécile Tkachuk est un témoin privilégié de l’évolution de la fransaskoisie. « Ça a énormément changé. Les parents maintenant font confiance au système scolaire pour donner la culture et la langue à leurs enfants plutôt que s’engager eux-mêmes. Il y a tellement de familles exogames que l’énergie que ça prend pour sauvegarder une langue et une culture dépasse souvent ce que les parents peuvent faire. »

Car la défense du fait français est une bataille de longue haleine pour Cécile. « Le système scolaire, ça ne suffit pas, tranche-t-elle. L’assimilation a fait des ravages et continue », estime celle dont les deux enfants vivent en anglais. « Ils ne sont pas toujours prêts à me répondre en français ! Leur monde n’est plus dans la francophonie », constate-t-elle, avec un peu de regret.

Pour la Fransaskoise, la vie en minorité recèle son lot de défis. « La majorité n’est pas tellement prête à nous accueillir. Ça vient de loin ce défi. Les gouvernements nous reconnaissent plus qu’avant, mais quand même, quand tu parles en français, on te regarde de travers », perçoit-elle.

Avancer ensemble

Malgré tout, Cécile mise sur le long terme. « Je veux que ça continue, qu’il y ait un avenir pour les organismes, faire avancer les choses. » L’avenir de la communauté passera par l’immigration selon elle, mais des stratégies restent à trouver pour mobiliser pleinement les nouvelles forces vives. « Une fois intégrés, on les perd souvent », observe-t-elle.

En outre, l’inclusion des francophones venus d’ailleurs demeure un défi. « Les Français et les Africains ne se retrouvent pas dans notre culture. Souvent, ils vont créer leur propre regroupement. Les gens n’ont pas les mêmes goûts, ne recherchent pas les mêmes choses dans les activités communautaires. »

En ce début d’année 2020, Cécile fait ainsi vœu d’harmonie à la francophonie. « Je souhaite que les gens arrêtent de chicaner, que les communautés francophones s’entendent. Il y a encore beaucoup de chemins à faire pour que les immigrants se sentent bien ici, que les francophones ne se sentent pas envahis. J’espère que les gens réussiront à trouver une façon de s’entendre et de se côtoyer aimablement. Souvent, c’est parce qu’on ne se comprend pas toujours, même si on a la même langue. »

Cécile Tkachuk sait qu’elle peut malgré tout compter sur certains événements fédérateurs dans la province, à l’instar de la Fête fransaskoise, « qui fait le lien entre toutes les cultures francophones ».

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Lucas Pilleri (Initiative de journalisme local – APF) Lucas Pilleri

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