Saskatchewan et Botswana sur le front du SIDA
Dr. Félix Matondo Ibwilakwingi, médecin au Botswana
Photo : Courtoisie du Dr. Félix Matondo Ibwilakwingi (2015)
SASKATOON - De récentes statistiques de Santé Canada indiquent que le taux d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) chez les populations autochtones de la Saskatchewan est 11 fois plus élevé que la moyenne canadienne. Certains vont jusqu’à comparer ce chiffre avec ceux de certains pays d’Afrique. L’occasion de faire le parallèle avec le Botswana, petite nation africaine gravement touchée par l’épidémie.
Lors d’une enquête en juin 2015, Radio-Canada avait rencontré Mouna Lofty, spécialiste des maladies infectieuses au Women’s College Hospital de Toronto. Cette dernière se déplace régulièrement dans les réserves autochtones du nord de la Saskatchewan pour traiter des patients séropositifs. Dans certaines communautés des premières nations, 3,5% de la population est infectée. Des taux comparables à ceux de pays en développement tel que le Nigéria. L’échange de seringues entre toxicomanes y est une des raisons majeures de propagation de la maladie. Et la situation est alarmante. « Vous n’avez pas besoin d’aller en Afrique pour faire du travail humanitaire avec les séropositifs. Vous n’avez qu’à vous rendre en Saskatchewan », avait alors déclaré Mouna Lofty.
Autre pays, mêmes défis. Au Botswana, pays d’Afrique australe que j’ai récemment visité, l’infection touche 23% des personnes de plus de 15 ans, soit près d’un adulte sur 4. Ce qui donne à cette petite nation de 2 millions d’habitants le triste record de deuxième pays avec le plus haut taux d’infection au VIH dans le monde.
Le Botswana connaît une pénurie de professionnels de santé. Beaucoup de médecins, venus notamment de la République démocratique du Congo voisine, s’y installent pour combler ce manque. C’est le cas du Docteur Félix Matondo Ibwilakwingi.
Haïr sa mère
Médecin généraliste, il ne s’occupe pourtant pas beaucoup des petits bobos ou de maladies bénignes. Son quotidien est principalement rythmé par la prise en charge et le suivi de patients infectés et affectés par le VIH. Il avoue qu’il y a pas mal de défis dans ce métier et dans ce milieu. « Ce n’est pas une tâche facile de rencontrer un couple discordant, où seulement un des deux est contaminé et d’essayer de leur donner des conseils. Il nous arrive aussi d’avoir à annoncer le résultat HIV positif d’un bébé à ses parents. On doit s’attendre à beaucoup de questions. C’est aussi difficile quand un enfant de moins de 10 ans, probablement infecté par sa mère vous demande de lui expliquer qui l’a infecté et comment. Si on n’explique pas avec beaucoup de tact, il pourrait en arriver à haïr sa mère. »
Tact et patience
Le tact et la patience sont des qualités particulièrement importantes face à des patients qui n’ont parfois personne d’autre vers qui se tourner. « Il m’arrive d’avoir à conseiller des adolescents infectés par le virus VIH/Sida, qui deviennent sexuellement actifs et qui se demandent comment ils doivent vivre maintenant. Ce n’est pas une tâche facile. Malgré tous ces défis, je ne regrette jamais d’être devenu médecin. L’éducation, l’information et la prévention sont des domaines où nous avons encore beaucoup à faire en Afrique ». Au Canada aussi d’ailleurs.
Grâce au dévouement de docteurs comme Mouna Lofty et Félix Matondo Ibwilakwingi, la situation s’améliore progressivement. En Saskatchewan par exemple, le nombre de nouveaux cas a baissé de 35%, entre 2009 et 2013. Et les tests de dépistage ont augmenté de 30% au cours de la même période.
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