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Décès de l’écrivain Christian Bobin : réactions du Québec à la Saskatchewan
Jean-Philippe Deneault
/ Catégories: Arts et culture, Littérature

Décès de l’écrivain Christian Bobin : réactions du Québec à la Saskatchewan

Dans Une bibliothèque de nuages, l’écrivain français Christian Bobin, décédé le 24 novembre, écrivait : « La mort est un clou en or dans le bois de la vie. » Depuis sa disparition, les réactions de par le monde sont innombrables, dont celles de l’écrivain fransaskois David Baudemont et de l’auteure québécoise Marjolaine Deschênes. Tous deux font part à l’Eau vive de leurs impressions à la suite de la mort de l’auteur de plus de 70 ouvrages, publiés pour la plupart aux Éditions Gallimard. 

Christian Bobin (1951-2022) est reconnu pour son sens de la formule, une manière condensée d’écrire à la fois philosophique et poétique rappelant la poésie traditionnelle japonaise.

L’écrivain fransaskois David Baudemont le décrit comme « un orfèvre des mots ». Pour celui qui est originaire d’Alsace, bien que les textes de Christian Bobin soient « courts, poétiques, frappant le lecteur par leur inspiration, le choix des métaphores », « c’est son humanité qui était la plus touchante ».

Et d’ajouter : « Sa narration des visites à son père atteint d’Alzheimer est belle et poignante. C’est un exploit de pondre un bijou lumineux sur un sujet si sombre. »

Discret, Christian Bobin habitait à Creusot, une commune dans la région de la Bourgogne, à l’écart des grands centres. Il estimait ses pairs, une estime que l’institution littéraire ne lui rendait pas toujours.

« La vraie littérature, a-t-il écrit, m’apparaît comme un village dans la nuit. Un village qu’on apercevrait d’un chemin de campagne surélevé. Il y a des feux qu’on voit briller, certaines maisons sont éclairées. Elles sont habitées par Armand Robin, Francis Thompson, Emily Dickinson, Jacques Réda. Ces maisons sont dans la même nuit, mais leurs liens sont secrets et aussi beaux que ceux des étoiles dans le ciel. »

Le fou du village

L’écrivaine, enseignante et chercheure québécoise Marjolaine Deschênes a consacré sa thèse doctorale à Christian Bobin. L’analyse de ses œuvres a été réalisée sous la forme d’un « essai sur les figures de l’attention et du temps que produit la déchirure entre poésie et philosophie », explique-t-elle.

L’universitaire explore la façon dont le discours éthique et poétique de l’écrivain français offre une réponse lumineuse au désenchantement contemporain. Formée en philosophie, la poète et romancière fait part de son deuil : « Je dois beaucoup à cet homme, à ce “fou du village” qui disait habiter la page blanche. Comment dire ma tristesse ? »

Marjolaine Deschênes renvoie à cette image récurrente du « fou du village » dans l’œuvre de Christian Bobin et évoque également le père atteint d’Alzheimer auquel se réfère David Baudemont ou la poète Emily Dickinson citée par l’écrivain.

« Partout disséminées dans l’œuvre de Bobin se trouvent des allusions à cette grand-mère folle et aux hôpitaux psychiatriques, quand ce n’est pas aux “fous du village”, au Christ fou, à Artaud le fou, au père atteint d’Alzheimer et aux maisons de retraite, à une sainte en extase ou à une Dickinson emmurée dans son silence, cloîtrée pendant vingt-six ans dans sa gaie solitude », précise-t-elle.

Pourquoi la folie intéressait-elle tant l’écrivain français ? « La folie est valorisée chez Bobin, explique la femme de lettres. C’est par elle que doit être surmontée la “maladie” du temps. Elle est perçue comme “ce qui résiste au désastre” du lot commun et de la norme sociale. Assumée et entendue comme écart social, entêtement et opiniâtreté dans le maintien d’une liberté sans fond, la folie est chez Bobin ce qui permet de triompher du pire, de sortir indemne du lot, du troupeau, de la bêtise commune. »

Les carnets bleus

Par ailleurs, Marjolaine Deschênes témoigne du caractère important des carnets bleus dans les textes de Christian Bobin. « La folie chez Bobin se résume à prendre soin de la vie même si “le monde est perdu” et se cristallise en la figure de l’amour fou incarné par son amie Ghislaine », laquelle apparaît dans divers ouvrages de Bobin, de même que les carnets, notamment dans L’enchantement simple (1986) et Carnets du soleil (2011).

« Après avoir lu ma thèse, où je relevais beaucoup de mélancolie dans son œuvre par-delà l’enchantement qu’il y espère, Bobin a publié L’homme joie (2012), où se trouve au beau milieu un carnet en papier bleu, adressé à Ghislaine ! Il n’y est question que d’amour fou et de joie. Moi, la folle du village, j’étais parvenue à faire sortir ces cahiers bleus de leurs tiroirs », défend la chercheuse.

L’analyse de Marjolaine Deschênes fait ressurgir le caractère optimiste de la prose de cet « écrivain si singulier » comme le qualifiait Le Monde à la suite de son décès. « Le plus bête avec le fou du village, c’est qu’il vous donne toute son attention, même quand vous ne le savez pas », signe l’écrivaine québécoise avec émotion sur les réseaux sociaux.

Par la force de son verbe, l’œuvre bouleversante de Christian Bobin aura donc marqué nombre de ses pairs, dont font partie David Baudemont et Marjolaine Deschênes. « L’écriture chez Bobin était un acte de résistance et de persistance face au deuil et à la mélancolie où se bute le langage », conclut cette dernière. Quant à David Baudemont : « Bien qu’athée, j’aimais profondément cet auteur chrétien qui parlait parfois de Dieu et des anges sans tomber dans la mièvrerie. »

Le concept de fou du village
« Rien n’est plus philosophique que ce rôle tant estimé du “fou du village” », argumente Marjolaine Deschênes en donnant plusieurs exemples.« Que l’on songe à Socrate habité par son “démon”, piquant ses concitoyens comme un taon ; à Rousseau vêtu d’une soutane et d’un turban prônant l’authenticité ; à “l’insensé” de Nietzsche annonçant à ses confrères la mort de Dieu ; à Nietzsche lui-même faisant le pari d’une philosophie aphoristique et littéraire, flamboyante ; à Artaud, bien sûr, tapi au fond de sa chambre, arrimant folie et efforts pour repenser sa langue ; ou à Hölderlin, poète et philosophe œuvrant pendant cinquante ans à son Hypérion, récitant à la fin de sa vie ce roman à voix haute en martelant le plancher. »

 

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