Skip Navigation
Andréanne Joly – Francopresse
/ Catégories: Société

La reine Elizabeth II n’est plus

«Un jubilé de platine, c’est inouï, avoue D. Michael Jackson, président de l’Institut d’études sur la Couronne au Canada. Le seul monarque à régner sur ce qui est maintenant le Canada et qui a dépassé la reine Elizabeth II, c’est Louis XIV, monarque de la Nouvelle-France.» Elizabeth II entretient avec ses royaumes des liens de longue haleine qui ont évolué au fil du temps. Elle voue aussi un attachement manifeste pour le fait français.

«Elizabeth Deux, […] Reine du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth, Défenseur de la Foi», de son titre officiel, «ferait l’histoire simplement par l’écoulement du temps», concède pour sa part l’ex-sénateur et constitutionnaliste Serge Joyal.

Ce dernier rappelle cependant que la reine Elizabeth n’est pas la seule monarque britannique au long règne. Il y a eu Victoria, qui a occupé le trône pendant 63 ans, de 1837 à 1901, et George III pendant 59 ans, de 1760 à 1820. «[Elizabeth II] marquerait une étape sans aucun précédent dans la monarchie britannique», ajoute-t-il.

Selon Wikipédia, Elizabeth II passera sous peu au 11e rang du classement des règnes européens les plus longs. Louis XIV [1643-1715] arrive au huitième rang. Sept souverains en Asie et trois en Afrique ont régné plus longtemps qu’Elizabeth II. Le record de longévité de règne appartiendrait à Mohammed-Ainla-Lamuye au Nigéria qui a été souverain pendant plus de 89 ans.

Quand la durée fait embrasser le changement 

«Ce qui est remarquable, aussi, c’est que la Reine n’a jamais perdu intérêt pendant les 70 années de son règne», note Serge Joyal. À ses yeux, celle qu’il appelle Sa Majesté est d’un dévouement exemplaire. «On pourrait penser que quelqu’un qui occupe la même responsabilité professionnelle pendant 70 ans finit par se lasser», observe-t-il.

D. Michael Jackson a croisé la reine Elizabeth II à trois reprises, alors qu’il était chef du protocole en Saskatchewan, de 1980 à 2005. Il a rencontré une personne gentille, drôle, professionnelle. «Elle est bien renseignée sur ce qu’elle fait, elle porte beaucoup d’intérêt au contexte», se rappelle-t-il.

Serge Joyal renchérit. Il l’a rencontrée deux fois, et après 25 ans, elle se souvenait de lui. «Ce n’est pas juste des poignées de main anonymes, elle qui voit des centaines et des centaines de chefs d’État, de ministres, d’ambassadeurs. Ce que je tire comme conclusion, c’est qu’elle prend un intérêt réel à sa fonction.»

Image
Représentation de la durée d’occupation du trône par les souverains britanniques depuis 1707. (Montage : Andréanne Joly – Francopresse)

Les 22 visites de la reine au Canada de 1957 à 2010 ont d’ailleurs été des moments marquants pour bien des personnes, et non seulement pour les dignitaires. Le professeur de droit à l’Université d’Ottawa François Larocque se souvient que sa grand-mère parlait souvent avec émotion du passage de la reine dans le Nord ontarien en 1951. «C’était vraiment un grand moment de fierté pour tout le monde, anglophone et francophone. Il y a un attachement symbolique. Le fait qu’elle est notre chef d’État, ce n’est pas vide de sens», souligne-t-il se remémorant l’effet de cette visite qui a perduré.

Elizabeth II et les identités nationales

L’attachement envers la reine varie selon l’époque et la région. Une dizaine d’années après la tournée évoquée par François Larocque, le couple royal était à Québec pour souligner les 100 ans des conférences de Charlottetown et de Québec. En pleine Révolution tranquille, la présence de quelques centaines de manifestants a entrainé le déploiement de 4 000 soldats et policiers à Québec. Ce jour d’octobre 1964 a été surnommé le samedi de la matraque.

Image

«Au Québec, c’est délicat, parce qu’on peut envisager le monarque britannique comme un symbole de colonialisme, mais de l’autre côté, la Couronne a été un des instruments pour protéger et sauvegarder l’identité et les droits des francophones au Canada», rappelle D. Michael Jackson. Il ajoute que «la Couronne est instrument de l’autonomie des provinces, qui a contré la vision centralisatrice du gouvernement fédéral.»

Dans un éditorial, en 1967, le quotidien The Globe and Mail qualifie Elizabeth II de «living symbol of our heritage, both English and French».

 

C’est Elizabeth II qui aura officialisé l’adoption du drapeau canadien, en 1964, et de l’hymne national, en 1980, mais aussi qui aura reconnu les torts causés par l’administration britannique avec la déportation des Acadiens, de 1755 à 1763.

En 1990, l’avocat louisianais Warren Perrin avait repris des revendications formulées par des Acadiens en exil en 1760. Ceux-ci avaient notamment demandé «une reconnaissance qu’une tragédie était arrivée et que les actions [de déportation] étaient contraires aux lois britanniques et anglaises», explique l’homme d’origine acadienne, auteur et président du Musée acadien de la Louisiane. Il aura fallu attendre 13 ans pour voir la signature de la proclamation royale reconnaissant les torts, en décembre 2003.

Cependant, Warren Perrin estime que la souveraine aurait pu simplement faire fi de la demande. «Quand j’ai commencé ça, personne ne pensait qu’on y arriverait ; tout le monde pensait qu’on nous ignorerait.» Or, la reine est allée encore plus loin : «elle a désigné le 28 juillet comme Journée annuelle de commémoration du Grand Dérangement», ce qui est aussi inattendu que phénoménal, se félicite Warren Perrin.

Elizabeth II en quatre dates

Naissance le 21 avril 1926
Élévation au rang de princesse héritière le 11 décembre 1936, à l’abdication d’Edward VIII
Accession au trône le 6 février 1952
Couronnement le 2 juin 1953

 

La Constitution

Serge Joyal tient aussi à signaler la souplesse dont fait preuve la monarque. À titre de souveraine de plusieurs nations, même si l’ascendance de la Couronne s’est amenuisée au cours des sept dernières décennies, elle a su respecter les réalités nationales. «Elle a toujours présidé à une évolution en douceur et non pas en confrontation. […] Elle s’est ajustée aux différentes époques et aux différents changements, aux modifications fondamentales qui sont arrivées dans plusieurs pays dont elle est la souveraine.»

Lors d’une visite au Québec en 1990, Elizabeth II déclare : «Je ne suis pas seulement une amie des bons jours.»

 

M. Joyal ajoute aussi que la reine a signé le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, qui confère au Canada une autonomie complète par rapport au Parlement britannique, «une évolution considérable pour le pays, explique-t-il. Ça faisait 50 ans que différents premiers ministres s’attelaient à la tâche de trouver une solution. On a fini par la trouver.»

Le professeur François Larocque rappelle qu’en signant la Constitution, la reine signait la Charte canadienne des droits et libertés, «qui contient des droits linguistiques qui protègent la francophonie canadienne à l’extérieur du Québec et qui donne droit à l’éducation dans la langue de la minorité (article 23).»

Le juriste franco-ontarien nuance son propos : «La reine n’a pas de mot à dire dans l’adoption d’une loi, autre que la sanction royale. Même là, c’est par l’entremise de ses représentants au Canada, les gouverneurs généraux et les lieutenants-gouverneurs.»

Image
La reine Elizabeth II et le prince Philip à Kamloops (Colombie-Britannique) en juillet 1959. (Photo : Fonds de l’Office national du film / Bibliothèque et Archives Canada/ONF)

Malgré ce lien très formel, la francophilie que nourrit personnellement Elizabeth II est claire. «Je pense qu’elle a dû voir d’un bon œil le fait qu’on enchâssait dans la Constitution du pays les articles 16 à 23.»

Elizabeth II, la francophile

D. Michael Jackson souligne l’attachement de la Couronne britannique, et non pas seulement de la souveraine actuelle, à la dimension francophone du Canada. Il estime qu’une tradition de respect des monarques pour le Québec, le Canada français, remonte à la Conquête. «Le Roi George II a manifesté beaucoup de sympathie pour ceux qu’il appelait “ses sujets canadiens et catholiques”. Il a appuyé fermement l’Acte de Québec, où on a toléré la religion catholique romaine, ce qui est inouï pour la Grande-Bretagne protestante du 18e siècle.»

Par ailleurs, la reine mère, issue de la noblesse écossaise, était elle aussi francophile. Avant même d’être héritière du trône, une toute jeune Elizabeth a ainsi appris la langue de Molière. Son défunt époux, Philip, la parlait aussi. D’autres membres de la famille royale, dont la sœur, les enfants et les petits-enfants d’Elizabeth II, maitriseraient jusqu’à cinq langues, dont le français.

D. Michael Jackson en a été témoin. Il se souvient du passage de la princesse Margaret en 1980 pour le 75e anniversaire de la Saskatchewan : lors d’un diner, elle a conversé en français, parce qu’un des membres du personnel était francophone. Il a entendu le prince Charles parler en français à Zenon Park et la princesse Anne à Gravelbourg. «Il faut se souvenir que la famille royale est vraiment internationale.»

Et il rappelle que la reine est cheffe du Commonwealth, «titre dont devrait hériter Charles. Ils sont très sensibles à cela et, dans ce cadre, au fait canadien, aux francophones, aux Autochtones et aux Néo-Canadiens.»

Lors de la visite de 1964 durant laquelle a eu lieu le samedi de la matraque, Elizabeth II a déclaré devant l’Assemblée nationale du Québec : «Je suis heureuse de penser qu’il existe dans notre Commonwealth un pays où je peux m’exprimer officiellement en français.» (Source)

 

«[La reine Elizabeth] parle français sur la tribune publique quand elle le peut et qu’il convient de le faire, observe François Larocque. «Ça rend encore plus drôle que ses représentants dans le pays ne parlent pas français, laisse-t-il tomber, faisant allusion à certains gouverneurs généraux et lieutenants-gouverneurs.

Selon Serge Joyal, la reine «est un exemple qui sert, à mon avis, d’inspiration aux hommes politiques, aux femmes politiques. Quand on a une responsabilité publique, on s’y donne complètement.»

L’ex-sénateur vante le bilan de la reine, à ce chapitre. «On a un seul exemple qui est remarquable en tous points de vue.»

Il conclut : «Notre idée de la monarchie, c’est celle qui est incarnée par Elizabeth II. […] Elle a établi des standards pour au moins deux générations.»

Imprimer
2332

Andréanne Joly – Francopresse Andréanne Joly

Autres messages par Andréanne Joly – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Un nouveau terrain de jeu pour l'École canadienne-française de Saskatoon

Un nouveau terrain de jeu pour l'École canadienne-française de Saskatoon

Aboutissement de deux ans d’efforts et de mobilisation

Le nouveau terrain de jeu du pavillon élémentaire de l’École canadienne-française de Saskatoon a été inauguré le 13 juin 2017.

27 juin 2017/Auteur: Webmestre/Nombre de vues (34720)/Commentaires (0)/
Roger Gauthier : Trente ans d'engagement

Roger Gauthier : Trente ans d'engagement

Direction : Retraite

REGINA - Après de nombreuses années de service aux niveaux de la santé et de l’éducation, l’heure de la retraite a sonné pour Roger Gauthier.  

22 juin 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (36516)/Commentaires (0)/
Le CSF informera les conseils des écoles fransaskoises

Le CSF informera les conseils des écoles fransaskoises

Campagne de lettres Touchez pas à la gestion scolaire fransaskoise

SASKATOON - Une proposition a été adoptée concernant la campagne de lettres Touchez pas à la gestion scolaire lors de la séance régulière du CSF, le 31 mai dernier.

22 juin 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (25503)/Commentaires (0)/
Gilles Groleau récompensé

Gilles Groleau récompensé

Une carrière consacrée à l'éducation en français

REGINA - Gilles Groleau a été le récipiendaire du prix Dubois-Leblanc soulignant la qualité de son engagement au niveau du perfectionnement professionnel des enseignants dans les écoles fransaskoises.

 

22 juin 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (28640)/Commentaires (0)/
Un budget scolaire 2017-2018 sous le signe des compressions

Un budget scolaire 2017-2018 sous le signe des compressions

Séance régulière du 31 mai du Conseil scolaire fransaskois

SASKATOON - Le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) a prévu des compressions budgétaires pour l’année scolaire 2017-2018, en réaction aux compressions annoncées par le gouvernement provincial de Brad Wall.

8 juin 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (29151)/Commentaires (0)/
Huit nouveaux diplômés pour le Collège Mathieu

Huit nouveaux diplômés pour le Collège Mathieu

 

Huit finissants du Collège Mathieu sont partis sourire bien en vue avec leur diplôme en main à la suite de leur collation des grades, le 13 mai dernier à Regina.

27 mai 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (33104)/Commentaires (0)/
Activités sportives ou artistiques: quand notre petit ne sait plus quoi choisir

Activités sportives ou artistiques: quand notre petit ne sait plus quoi choisir

Nous rêvons tous de voir notre enfant s’épanouir, se développer dans un sport ou une activité artistique.
25 mai 2017/Auteur: Sandra Hassan Farah /Nombre de vues (39042)/Commentaires (0)/
Trois Fransaskois à Expo-science 2017

Trois Fransaskois à Expo-science 2017

L’Université de Regina accueillait le concours scientifique national Expo-Sciences du 14 au 20 mai dernier.
25 mai 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (25791)/Commentaires (0)/
Ottawa doit faire mieux pour les écoles des minorités

Ottawa doit faire mieux pour les écoles des minorités

Le gouvernement fédéral échoue à son devoir constitutionnel d’aider les parents canadiens à exercer leur droit d’envoyer leurs enfants dans les écoles de la minorité linguistique, tranche un comité des Communes.
25 mai 2017/Auteur: Mélanie Marquis (Presse canadienne)/Nombre de vues (28585)/Commentaires (0)/
Concours de l'ACELF: l’école de Bellevue remporte deux prix

Concours de l'ACELF: l’école de Bellevue remporte deux prix

L’ACELF récompense la créativité de la jeunesse francophone de l’Ouest et des territoires

L’école de Bellevue a remporté deux prix parmi les 20 décernés à l’échelle nationale, soit dans le volet Petite enfance et le volet Primaire/élémentaire.
5 mai 2017/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (28810)/Commentaires (0)/
Maman, je me lave tout seul !

Maman, je me lave tout seul !

Apprendre à son enfant l’autonomie dans son hygiène

Bien que l’enfant, dans son développement classique, aime faire « tout, tout seul », se laver correctement relève souvent du défi.

1 mai 2017/Auteur: Sandra Hassan Farah /Nombre de vues (42182)/Commentaires (0)/
La Cité Universitaire francophone célèbre ses talents

La Cité Universitaire francophone célèbre ses talents

REGINA - L’ambiance était électrique à la Cité universitaire francophone mercredi 12 avril, lors du 5 à 7 clôturant la session d’hiver.
28 avril 2017/Auteur: Marie Galophe/Nombre de vues (31121)/Commentaires (0)/
Emmanuel Aïto à la direction de la Cité universitaire francophone

Emmanuel Aïto à la direction de la Cité universitaire francophone

REGINA - Directeur par intérim de la Cité universitaire francophone depuis août 2016, Emmanuel Aïto a été choisi pour occuper la direction de l’institution pour les cinq prochaines années.
27 avril 2017/Auteur: La Cité universitaire francophone/Nombre de vues (26713)/Commentaires (0)/
Recours judiciaire envisagé par des parents de Regina

Recours judiciaire envisagé par des parents de Regina

Une cause qui pourrait changer le statut légal du préscolaire au pays

ST-DENIS - Le 9 avril dernier, les députés de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) réunis à St-Denis ont voté pour offrir un appui moral à la démarche juridique envisagée par des parents de Regina

13 avril 2017/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (38494)/Commentaires (0)/
Quand la fée des dents fait son apparition

Quand la fée des dents fait son apparition

« Maman, papa, ma dent bouge, je la sens !!! », crie notre petit ange partout dans la maison. Déjà ? Vraiment, déjà ? 
30 mars 2017/Auteur: Sandra Hassan Farah /Nombre de vues (46965)/Commentaires (0)/
RSS
Première89101113151617Dernière

 - lundi 17 juin 2024