Bras de fer dans le dossier immigration
Conférence de presse du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan
Le directeur général du CÉCS, Robert Therrien (à gauche), et le président, Jean Fouillard, ont fait le point sur le dossier immigration le 12 mars 2017.
Photo: Pierre-Émile Claveau (2017)
Regina – Le dossier du Réseau immigration francophone en Saskatchewan (RIF-SK) a suscité bien des réactions au cours des derniers mois. Mise à jour sur un sujet chaud qui divise deux importantes associations fransaskoises : l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) et le Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS).
Mis sur pied en 2011 par l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), le Réseau immigration francophone de la Saskatchewan (RIF-SK) est une table de concertation qui regroupe une dizaine d’organismes en Saskatchewan. Il a pour mission de favoriser l’accueil et l’intégration de nouveaux arrivants francophones dans la province. Puisqu’il ne possède aucun statut juridique, il ne peut donc faire aucune demande de financement auprès des gouvernements. C’est pourquoi dès le début, l’ACF avait pris en main la demande de financement auprès d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour coordonner les activités du RIF-SK.
Mais lors du dépôt d’une seconde demande, en août 2015, il y a eu un cafouillage à l’interne. La coordonnatrice du RIF-SK, à l’emploi de l’ACF à l’époque, a envoyé une demande à IRCC sans l’avoir fait approuver par ses supérieurs. Au même moment, le CÉCS soumettait une demande sans en informer les autres partenaires du RIF-SK. Ce n'est que 16 mois après le dépôt de la demande que le CÉCS informe les autres membres qu’il a également fait une demande de financement. Les réactions fusent de partout.
Au début du mois d’avril, leCÉCS obtient un financement de 470 000$ de IRCC pour coordonner le Réseau en immigration francophone (RIF) de la province pour les trois prochaines années.
L’ACF met les choses au clair
Le 28 mars dernier, l’ACF a été le premier organisme à faire un point de presse sur le dossier du RIF-SK. Elle a fait la lumière sur les évènements qui ont mené à la perte du financement du RIF. De plus, l’ACF a déploré le manque de transparence et le non-respect des procédures de la part du CÉCS.
La tension entre les deux organismes est palpable. Au cours du point de presse, Françoise Sigur-Cloutier, la présidente de l’ACF, déclare : « Dans son rôle, l’ACF ne peut rester muette face à une situation où l’esprit de la concertation peut être aussi facilement bafoué. »
Par ailleurs, les membres du RIF-SK ont fait appel à la Commission sur le code éthique de la communauté fransaskoise pour examiner les agissements du CÉCS.
Le CÉCS s'explique
Le 12 avril, deux semaines après la sortie de l’ACF, le CÉCS sort de son mutisme et fait le point sur la raison de sa demande. Son directeur général, Robert Therrien, explique qu’il avait fait une demande de subventions pour le RIF-SK « pour faire les choses différemment ».
L’organisme, également membre du RIF-SK, s’est expliqué sur le fait de ne pas avoir informé les autres membres de sa demande. « Depuis le début de nos démarches, nous nous efforçons de ne pas créer de division. Nous ne voulions pas risquer de créer du favoritisme au sein du réseau alors que nous nous n’avions aucune certitude que la demande serait acceptée » a mentionné monsieur Therrien.
En prenant les rênes de l’administration du RIF en Saskatchewan, le Conseil souhaite en faire « une entité indépendante ». « Nous croyons fondamentalement que le RIF a le potentiel d’être un organisme autonome et ainsi être incorporé. » rajoute monsieur Therrien.
Le CÉCS s’est dit ouvert à discuter avec l’ACF pour offrir de meilleurs services à la communauté et tourner la page.
Les réactions sont nombreuses
À la suite de la conférence de presse du CÉCS, plusieurs questions de la communauté fransaskoise demeurent sans réponse. Michel Dubé, le président de la Société canadienne-française de Prince Albert, n’y va pas de main morte sur sa page Facebook. Il demande la suspension de Monsieur Therrien le temps que la Commission sur le Code d’éthique fasse le point sur ce dossier. Il qualifie la conférence de presse du CÉCS d’une insulte à la communauté et aux membres du RIF.
« Le fait de limiter le nombre de questions à seulement trois alors qu'il s'agit d'une situation éthique cruciale affectant toute la communauté indique clairement que le leadership du CÉCS a choisi de faire fi de toute notion éthique et de collaboration communautaire! » a écrit monsieur Dubé.
Il remet en doute les propos de Robert Therrien à propos de ses intentions de prendre la gestion du RIF pour ne pas créer de division ou de favoritisme. Selon lui, le directeur général du CÉCS savait qu’il n’aurait pas eu l’appui des autres membres du RIF. Il critique également le fait que le CÉCS demande aux membres du RIF de passer à autre chose et d’avancer main dans la main. « M. Therrien demande aux membres du RIF de laisser tomber la poussière alors que c'est lui qui a créé le nuage de poussière en cachant ses intentions en 2015!»
Marie-France Kenny, ex-présidente de l’ACF et de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), abonde dans le même sens. Elle trouve déplorable le manque de transparence dans ce dossier. Pour elle, si le CÉCS avait des choses à apporter il se devait d’en discuter avec les partenaires. « S’il [le CÉCS] croit qu'il peut faire les choses différemment, à ce moment-là comme partenaire, il se doit d’apporter les choses à la table. »
Madame Kenny aimerait savoir qui a pris la décision de faire la demande de financement. Elle se questionne quant à savoir si le conseil d’administration a décidé ou s’il a été mis devant le fait accompli.
Lors de la conférence de presse du CÉCS, Monsieur Therrien a souligné l’importance de la dimension économique dans le dossier immigration. Il a laissé entrevoir que les chiffres d’immigrations pourraient augmenter et se rapprocher des cibles visées si le dossier est administré par le CÉCS.
Ce à quoi madame Kenny répond « Il faut comprendre que le rôle du RIF n’est pas le recrutement, mais bien l’accueil et l’établissement. »
Si les plans du CÉCS de faire du RIF-SK un organisme à part entière se concrétisent, il s’agirait d’une première au Canada. Selon Sylviane Lanthier, la présidente de la FCFA, le nombre d’organismes en milieu francophone est déjà élevé. Elle estime donc qu’il faudrait plutôt miser sur la collaboration plutôt que de créer un nouvel organisme.
Cet épisode aura laissé des traces dans la communauté et semé la division. En bout de ligne, c’est l’offre de services aux immigrants qui risquent d’écoper si l’ACF et le CÉCS n’arrivent pas à réinstaurer un climat de collaboration et de confiance.
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