Dur, dur, la démocratie
Comme bien des gens, je suis obsédée par Donald Trump. Depuis son arrivée à la présidence des États-Unis, j’ai consacré un nombre inouï d'heures à visiter les sites de CNN, du Washington Post et du New-York Times (pour ne nommer que ceux-là). Tout le monde pense à Trump et c'est une de ses plus grandes victoires. « Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en ». Eh bien, on en parle. Plus ça devient kafkaïen, plus on en parle. Il a même délogé la météo comme sujet de conversation.
Il est vrai que ce président si peu présidentiel est inquiétant. Dangereux même. Pour son pays et pour la planète. Les aléas de la politique américaine sont devenus une véritable obsession. Mais fallait-il vraiment que l'émission L'heure du monde de Radio-Canada se rende au New Hampshire pendant deux jours pour couvrir les primaires démocrates ?
Notre radio d'État, aux prises avec mille contraintes budgétaires, avait-elle besoin d'être là ? Qu'avons-nous appris que nous ne savions déjà ? Va-t-on suivre tous les soubresauts électoraux de nos voisins jusqu'aux présidentielles de novembre prochain ? Et pendant que nos médias nous abreuvent sur les frasques de Trump, des enjeux cruciaux passent sous le radar.
Urgence climatique, vraiment ?
Au Canada, nous avons la chance d’avoir un premier ministre qui n'est pas belliqueux. Ni menteur compulsif. Ni arrogant. Il n’a pas fait reculer les mesures de protection environnementale de 20 ans comme l’a fait le président américain. Mais à ce chapitre, on dirait qu'il n'a pas de plan de match. Il affirme une chose et fait son contraire. Il déclare une « urgence climatique nationale » et achète au prix fort l'oléoduc TransMountain.
On ne sait pas encore si le gouvernement fédéral donnera son aval au mégaprojet d’exploitation des sables bitumineux Frontier, au nord de Fort McMurray, en Alberta. Le bon sens dicterait que non - déjà, on estime qu'il faudra dépenser jusqu’à 260 milliards pour fermer et réhabiliter les sites de quelque 90 000 puits inopérants. Mais bon, à l'heure où les relations entre l'Alberta et Ottawa sont tendues, on peut s’attendre à tout.
Il faut reconnaître que, côté environnement, Justin Trudeau a tenu certaines promesses, notamment au chapitre de la protection du territoire et des océans sur les côtes canadiennes. Il faut reconnaître aussi que le dossier des changements climatiques n'est pas de tout repos. On en veut pour preuve la taxe carbone qui ne passe pas comme une lettre à la poste, surtout dans l’Ouest canadien.
Et que dire du blocus ferroviaire causé par des opposants au projet de gazoduc Coastal GasLink en Colombie-Britannique ? Il n'est pas exact de dire que l’ensemble des Premières Nations s'oppose à ce projet. Pas moins de 20 ententes ont été signées entre l’entreprise gazière et des nations autochtones, parmi lesquelles les Wet’suwet’en, dont les chefs héréditaires dissidents s'opposent à la construction du pipeline. Veut, veut pas, le gouvernement fédéral devra probablement intervenir. Un pays comme le Canada ne peut pas se retrouver sans transport ferroviaire très longtemps.
Pour des choix citoyens éclairés
Il n'y a pas que le gouvernement fédéral en cause. Les provinces aussi ont un rôle à jouer. Certaines ne s'accordent pas avec d'autres, des visions diamétralement opposées s'affrontent. Et il y a nous, citoyens et citoyennes. Si virage climatique sérieux il y a, il ne viendra pas d'en haut, mais d'en bas. Au départ, c'est ça, la démocratie. Du bas vers le haut. Ça dépasse le droit de vote. Des millions de jeunes l'ont compris.
Le philosophe néerlandais Baruch Spinoza disait que pour que la démocratie fonctionne, les citoyens doivent avoir accès à une éducation de qualité, y compris une éducation citoyenne. Presque quatre siècles plus tard, nos systèmes d’éducation peinent à enseigner les notions du « vivre ensemble » et du bien collectif qui peuvent amener les individus à faire des choix éclairés quand vient le temps d’agir ou de choisir nos dirigeants. On a beau vanter les moult mérites de l'accès électronique aux connaissances, encore faut-il apprendre à penser. À faire la part des choses. Pour reprendre les mots de Montaigne : « Mieux vaut tête bien faite que tête bien pleine. »
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