Vieillir en fransaskoisie, tout un défi
Les 27 et 28 mai, la santé était à l’honneur en Saskatchewan avec la tenue du Forum Santé Vitalité 2022 organisé à Saskatoon par le Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS) et Vitalité 55+. Les deux organismes, dont les assemblées générales annuelles ont eu lieu au cours des rencontres, ont joint leurs efforts pour présenter un grand livre blanc sur le vieillissement des aînés fransaskois.
Commandité par Vitalité 55+ et réalisé par l’entreprise ontarienne Le CLÉ, le Livre blanc sur le vieillissement des francophones de la Saskatchewan dresse un portrait complet de la situation des aînés fransaskois.
« La raison principale qui a motivé ce travail de recherche, c’est le besoin d’un document synthétique sur lequel nous pouvons nous appuyer lors de discussions avec les gouvernements et les organismes de financement pour la mise en place de nouveaux programmes », indique Éric Lefol, directeur général de Vitalité 55+.
Un besoin d’autant plus important que les données concernant les aînés fransaskois sont rares. « Il n’existe aucun ouvrage qui trace un tel portrait dans la province. Il existe des données partielles et éparpillées qui ne peuvent pas être facilement utilisées dans le cadre de demande de financement pour de nouveaux programmes, ou de demande de soutien par les gouvernements », ajoute le responsable.
Un enjeu de société
En 2020, 18 % de la population canadienne était âgée de plus de 65 ans selon Statistique Canada. C’est en 2016 que, pour la première fois dans l’histoire du pays, le nombre de personnes de 65 ans et plus a dépassé celui des enfants de 14 ans et moins. Et, d’ici 2050, la proportion des aînés de plus de 80 ans aura triplé.
Comme à l’échelle nationale, les francophones de la Saskatchewan vieillissent plus rapidement que l’ensemble de la population de la province. En effet, l’âge médian des personnes dont le français est la première langue officielle parlée en Saskatchewan se situe à un peu plus de 55 ans, contre 37,2 ans pour les personnes dont l’anglais est la langue maternelle.
Une situation qui inquiète les organismes fransaskois concernés tels que Vitalité 55+ et le RSFS. « Les différents problèmes soulevés vont alimenter nos orientations stratégiques pendant plusieurs années pour développer de nouveaux programmes », assure Éric Lefol.
Des problèmes de fond
Le rapport compile les résultats d’une enquête statistique et documentaire, d’un sondage réalisé auprès de 83 aînés fransaskois en février dernier, et de quatre forums de discussion tenus en janvier et février de cette année.
Parmi les enjeux soulevés, l’accès difficile aux services de santé en français figure en première place avec plus de 70 % des répondants qui s’en plaignent. « L’accès est plus aisé dans les centres urbains qu’en milieu rural, mais ces services ne sont quasiment jamais disponibles en français », note Éric Lefol.
Aussi l’étude recommande-t-elle de développer des services de consultation en français à distance et de remédier à l’absence de services à domicile. « Il existe peu de services en anglais, et rien en français », déplore le porte-parole. Sans compter que ces services coûtent cher sans aide gouvernementale.
Le manque de transport pour les aînés en milieu rural fait aussi partie des préoccupations. Le rapport évoque ici la possibilité de développer une entreprise sociale « qui pourra mettre en contact les aînés qui ont besoin de services, de bénévoles ou de professionnels », commente Éric Lefol.
Enfin, l’isolement des aînés constitue un autre enjeu, plus marqué en ville qu’à la campagne. « Lorsque des aînés se retrouvent seuls en ville et qu’ils emménagent dans une maison de retraite ou un établissement de soins de longue durée, ils disparaissent de la communauté, observe Éric Lefol. Ce phénomène n’est pas aussi critique en milieu rural où les gens se connaissent mieux. »
Une difficulté lorsqu’on sait que près de 73 % des Fransaskois ayant participé au sondage disent avoir un sentiment très fort ou fort d’appartenance à leur communauté locale et que près de 80 % d’entre eux disent faire du bénévolat.
Rester chez soi
Vitalité 55+ aimerait voir un changement d’approche en matière de vieillissement. « Nous espérons que les gouvernements mettent en place des programmes d’aide pour permettre aux aînés de rester chez eux plus longtemps », rapporte le directeur de Vitalité 55+.
Car pour le moment, les financements visent plutôt à augmenter le nombre de lits dans les centres de soin de longue durée et d’y améliorer les services, un objectif « insuffisant et très coûteux » selon Éric Lefol.
« L’Australie et plusieurs pays européens ont mis en place différents modèles permettant aux aînés de bénéficier de services abordables dans leur maison. Les résultats de ces programmes montrent que les aînés restent en meilleure santé chez eux, dans un environnement qu’ils apprécient », précise-t-il.
Avant que cette nouvelle approche soit reconnue et acceptée, du chemin reste toutefois à parcourir. « Le potentiel existe, c’est certain. La question est de savoir à quel moment les gouvernements vont se décider à apporter des aides pour ces services à domicile », ponctue Éric Lefol.
Le Livre blanc sur le vieillissement des francophones de la Saskatchewan est disponible sur le site web de Vitalité 55+.
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