Loin des mythes, la véritable histoire de la communauté chinoise de Moose Jaw
Le court métrage Le tunnel et la fortune, réalisé par Weiye Su et disponible depuis peu sur le site de l’Office national du film (ONF), rétablit la vérité au sujet de la communauté chinoise de Moose Jaw, établie depuis maintenant 150 ans. Loin de vivre dans les tunnels, cette dernière a ouvertement contribué au développement de la province. Jon Montes, l’un des producteurs du film, revient sur l’intérêt du documentaire.
En tant que producteur, qu’est-ce qui vous a attiré dans le sujet de ce documentaire ?
Comme producteur, on cherche quelque chose qui nous fasse nous lever de notre siège, qui attire l’attention. Il y avait là deux choses pour moi : les tunnels sous la ville de Moose Jaw, et ce mythe urbain que des Chinois vivaient là-dedans au début du 21e siècle.
C’est donc l’originalité du sujet qui vous a conquis ?
C’est une histoire de la Saskatchewan qu’on ne connaît pas et dont on ne parle pas beaucoup. On parle des communautés sino-canadiennes plutôt dans l’ouest du Canada et à Toronto, mais à Moose Jaw il y a eu l’une des plus grosses communautés chinoises du Canada, même si c’est très différent aujourd’hui.
Le documentaire tord donc le cou à la légende urbaine selon laquelle des Chinois auraient vécu dans les tunnels de Moose Jaw. D’où vient cette légende ?
Il y avait d’autres endroits au Canada où cela s’est passé, alors je crois que c’est de là que ces mythes urbains sont sortis. Mais pour la communauté avec laquelle on a discuté pour le documentaire, ça ne fait pas partie de leur histoire.
Le documentaire met en scène la famille Chow, immigrée à Moose Jaw dans les années 1950. Quelle importance cette famille revêt-elle ?
La famille Chow est la deuxième famille chinoise à avoir immigré en Saskatchewan. Gale et Myrna [les parents] sont parmi les plus âgés de la communauté, ils ont vécu beaucoup des changements du 20e siècle à Moose Jaw.
Pendant le tournage, ils étaient en train de déménager à Regina pour aller vivre avec leur fils Kyle. C’était un beau moment pour avoir des commentaires. C’était le deuxième grand déménagement de leur vie, le premier étant celui de la Chine.
En plaçant cette famille au cœur du documentaire, il s’agissait aussi de redonner la parole aux premiers concernés plutôt que de parler en leur nom ?
Exactement. C’était de créer un peu d’espace pour qu’ils puissent avoir leur parole et leur voix.
On voulait offrir une autre version de l’histoire, avec une perspective qui venait de l’intérieur de la communauté et non pas de l’extérieur.
C’est une évolution très positive dans l’industrie du cinéma et du documentaire. Jusqu’à présent, on a souvent eu des interprétations par des gens qui ne viennent pas des communautés minoritaires. Il n’y a pas de manque de respect, mais on rate quelque chose dans la compréhension de l’histoire.
C’est aussi la contribution des Sino-Canadiens au développement des Prairies qui est mise en avant dans ce court métrage. Est-ce un fait encore trop méconnu selon vous ?
Oui. Un de nos buts était de corriger cette idée qu’il n’y avait pas de grande population chinoise dans les Prairies.
On parle beaucoup de l’immigration chinoise en Colombie-Britannique ou à Toronto et Montréal, mais l’expérience des communautés sino-canadiennes dans les Prairies est méconnue.
Quel héritage ces populations laissent-elles en Saskatchewan ?
Ce n’est pas juste un héritage : la communauté est toujours là et active. Et il y a toujours de l’immigration.
Pour moi, il faut avoir le sens de l’histoire pour que l’évolution de ces communautés se fasse de façon saine, avec de la dignité, de la connaissance et du respect.
Le court métrage revient aussi sur la répression subie par la communauté sino-canadienne au 20e siècle. Pourquoi était-ce important d’intégrer cette partie ?
Parce que c’est la réalité. Il faut reconnaître que ça s’est passé, même si le film n’est pas largement sur ce sujet.
Il y avait un système d’oppression qui était soutenu par des lois fédérales et provinciales. On a vu pendant la pandémie un grand racisme contre les Canadiens d’origine chinoise, alors il faut se souvenir de ça pour ne pas répéter l’histoire.
Quel message ou quelle émotion espérez-vous transmettre avec ce documentaire ?
On voulait offrir une autre perspective de la vie dans les Prairies, poser des questions à ceux qui sont absents de l’histoire du Canada, ouvrir à une diversité de perspectives pour avoir une image plus complète.
Pour visionner le documentaire Le tunnel et la fortune, rendez-vous sur le site de l’Office national du film (ONF).
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Lucas Pilleri
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