Fonds l'Eau vive banniere
Close
La langue mitchif expliquée au grand public
Leslie Diaz

La langue mitchif expliquée au grand public

Le 16 janvier 2023, l’organisme à but non lucratif ACFAS-Saskatchewan a accueilli Chantale Cenerini, professeure de linguistique à l’Université de la Saskatchewan, dans le cadre de la conférence Les histoires métchif : Comment la co-construction du discours valide l’histoire orale. L’occasion d’en apprendre plus sur la langue mitchif et ses traditions orales.

« Dans ce travail de recherche, on évalue la co-construction de récits dans le but de contextualiser l’expérience et la conscience collective des Métis, introduit Chantale Cenerini. L’objectif est de contribuer aux domaines de l’histoire, de l’anthropologie et des études autochtones en plus de la linguistique. »

Un travail d’écoute

Le projet, qui a démarré en 2015 et qui se poursuit aujourd’hui, s’articule autour des communautés métisses de Saint-Eustache et Saint-Laurent au Manitoba, où l’universitaire s’est rendue en 2018 dans le but de recueillir des témoignages.

Image
Chantale Cenerini, professeure de linguistique à l’Université de la Saskatchewan Crédit : site web de l’Université du Manitoba

Les Métis originaires de cette région parlent une variété langagière connue sous le nom de mitchif, ou mitchif-fransay, laquelle est une variété du vieux français largement influencée par les langues algonquiennes comme le cri et le saulteaux.

La professeure est allée recueillir les récits de trois groupes de ces locuteurs, composés de trois à six personnes, afin d’évaluer le processus de co-construction d’un récit.

« Dans ces témoignages audio, les locuteurs interagissent les uns avec les autres pour relater une histoire collective, explique la professeure. Ils y donnent des indications d’accord, de désaccord, ou contribuent au récit dans le but d’obtenir une perspective interne et intime sur l’histoire, les traditions et le mode de vie de la communauté. »

Au cours de ces rencontres, les locuteurs ont ainsi narré des histoires drôles, de souvenirs d’antan, des récits traditionnels, mais surtout des expériences scolaires, de perception sur la langue et leurs relations avec les francophones.

Les Métis et le mitchif

Les Métis sont un peuple autochtone issu de plusieurs générations d’intermariage entre Européens et Autochtones, notamment des femmes cries et ojibwées. Leur territoire traditionnel s’étend de l’Ontario à l’Alberta.

« Le mitchif-fransay puise ses origines de la région des Grands Lacs, l’endroit d’origine de plusieurs familles métisses qui sont arrivées à la rivière Rouge. Cette variété langagière est reconnue comme étant une langue unique et singulière aux Métis », précise Chantale Cenerini.

Le mitchif-fransay était un vieux français parlé par les voyageurs canadiens-français et qui a été fortement influencé par des langues algonquiennes. Ce peuple polyglotte, qui a maintenu des relations avec plusieurs groupes et nations de l’Ouest canadien, offre plusieurs caractéristiques linguistiques singulières.

La langue n’était pas parlée dans tout le territoire métis, mais était bien présente dans certaines communautés des Prairies comme à Saint-Laurent, Saint-Eustache et Saint-Ambroise au Manitoba, ou encore en Saskatchewan avec les communautés de Saint-Louis et Batoche, dont on retient la fameuse bataille de 1885.

L'arrivée des immigrants canadiens-français et bretons, ainsi que des prêtres et des religieuses au sein du système scolaire, change la perception des gens sur la langue. Par ailleurs, certaines indications de traits phonologiques propres au mitchif émergent dès le milieu du 19e siècle.

La conférencière rappelle notamment l’affirmation du prêtre Lavallée, anthropologue natif de Saint-Laurent sur l’identité métisse : « Ce n’est pas qu’une variété non standardisée du français, mais c’est la langue maternelle des Métis de Saint-Laurent. »

L’importance de l’histoire orale

En ce qui concerne la Saskatchewan, la professeure explique que le mitchif est marqué par quelques règles grammaticales, comme la neutralisation du genre dans les pronoms de la troisième personne, l’omission du pronom sujet, ainsi que par la grande influence algonquienne.

« Le peuple mitchif possède un riche folklore de contes, dont les récits de Wiisakaychak, Nanabush ou Nanabozho, Chi-Jean, le Rougarou ou encore le Windigo », relève la conférencière.

Traditionnellement, les histoires métisses étaient racontées durant le temps de travail. L’histoire orale offre ainsi une perspective interne, presque intime, sur une communauté.

À cet égard, selon Jan Vansina, historien et anthropologue belge décédé en 2017, « sans la tradition orale, on ne saurait rien sur plusieurs régions du monde, sur leur façon de penser et de percevoir ce dernier ».

Le processus de recherche enseigne également que l’auditoire a toujours un rôle à jouer dans le façonnement du discours, que ce soit pour un récit ou une conversation. Et que, lorsque plusieurs locuteurs racontent ensemble un récit, les éléments de co-construction deviennent encore plus prévalents dans le discours.

En d’autres termes, les interactions des récits de groupe contribuent à construire une histoire orale riche et dynamique qui se transmet de génération en génération.

Le mitchif en quelques mots
D’après des informations de l’Encyclopédie canadienne Le mitchif est parlé par les Métis dans certaines régions des Prairies, notamment au Manitoba et en Saskatchewan. Il s’agit d’un mélange de cri et de français, influencé également par l’anglais et d’autres langues autochtones comme l’ojibwé. Le mitchif possède le statut de langue menacée. D’après des données datant de 2016, Statistique Canada estime que moins de 1 200 personnes sont locutrices de la langue, en faisant malgré tout la langue métisse la plus parlée.

 

Une chanson en mitchif
Chanson di la gornouillere de Pierriche Falcon, un chansonnier métis, composée en 1816 après la victoire des Métis contre Lord Selkirk, à la bataille de la Grenouillère à Winnipeg  
Oh! Si vous avez vu tout si anglais,
Ipi li bois bruli apres. (bis)
Di butte aen butte li Anglais culbutay.
I li bois bruli jetai di cri di jaaye!
Imprimer
5818

Leslie DiazLeslie Diaz

Autres messages par Leslie Diaz
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan

Le CCS sur Facebook

Nouvelles du CÉCS

Zenon Park s’intéresse au projet Éco-Ouest

À la suite d’une demande auprès du CÉCS (Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan) par la municipalité de Zenon Park, une rencontre avec le comité du projet Éco-Ouest a été réalisée....

Un concours de photos qui se termine couronné de succès!

Et voilà! La troisième et dernière édition du concours de photos Capturez la Saskatchewan vient tout juste de tirer à sa fin! Grâce à ce concours qui s’est déroulé sur près d’une année complète,...

Coop de services et groupe d’achats pour le réseau fransaskois

Le 30 mars dernier était une journée riche en nouveaux projets pour le réseau associatif fransaskois. En effet, le CÉCS a convié les organismes du réseau à une rencontre visant la mise sur pied...
RSS
Première2021222325272829Dernière

Actualité économique

Le FDÉFP, une bouffée d’air pour la fransaskoisie Le FDÉFP, une bouffée d’air pour la fransaskoisie

Le FDÉFP, une bouffée d’air pour la fransaskoisie

Grâce aux financements du Fonds de développement économique francophone des Prairies (FDÉFP), trois organismes fransaskois peuvent concrétiser...
4672
La Belgique tisse des liens avec la Saskatchewan La Belgique tisse des liens avec la Saskatchewan

La Belgique tisse des liens avec la Saskatchewan

L'ambassadeur de Belgique au Canada, Patrick Van Gheel, a effectué une visite officielle en Saskatchewan du 24 au 27 octobre afin de...
6122
Le CÉCS dresse le portrait des régions Le CÉCS dresse le portrait des régions

Le CÉCS dresse le portrait des régions

Disponibles sur le site du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS) depuis la mi-juin, six rapports statistiques offrent un...
5538
Gaspillage alimentaire : la Saskatchewan veut mieux faire Gaspillage alimentaire : la Saskatchewan veut mieux faire

Gaspillage alimentaire : la Saskatchewan veut mieux faire

Depuis le 3 août, une nouvelle application, Too good to go, permet aux habitants de Regina et de Saskatoon de réduire leur gaspillage alimentaire....
5582
RSS
12345678910Dernière
Conditions d'utilisationDéclaration de confidentialité© Copyright 2024 Journal L'Eau Vive. Tous les droits sont réservés.
Back To Top