Un demi-siècle de langues officielles
Drapeaux de la francophonie canadienne
2019… La Loi sur les langues officielles aura tourné 50 fois autour du Soleil quand le prochain hiver viendra givrer nos fenêtres. On ressortira les tricots aussi serrés que possible, pure laine, comme on le faisait à l’époque où le francophone naissait Canadien-français à la grandeur du pays.
Il y a fort à parier que les mois à venir seront meublés de tous les bilans, des plus beaux aux plus sombres. Certains crieront au désespoir. D’autres évoqueront de belles avancées annonciatrices de jours meilleurs. Quoi choisir? Ni l’un ni l’autre. La réalité se présente toujours en d’infinies nuances.
Quoi qu’on en dise, le Canada français d’aujourd’hui n’est pas celui des années 60. Il a progressé à bien des égards. Les écoles en milieu minoritaire se remplissent dès qu’elles ouvrent leurs portes, les services dans les deux langues officielles sont plus accessibles, les programmes de soutien aux minorités ont gagné en envergure et les anglophones sont de plus en plus nombreux à apprendre le français.
Une francophonie renforcée
L’étiquette du Canadien-français est déchirée depuis longtemps. Cette nation distincte et homogène a disparu. On est devenus Québécois, Acadiens, Franco-ontariens, Fransaskois, Franco-Ténois, etc. Les communautés ont gagné en affirmation identitaire.
Qui plus est, ce ne sont plus les seuls fils et filles des colons français qui portent la langue de Molière entre nos trois océans.
J’ai rencontré Jean de Dieu Tuyshymi, un Rwandais, sous les aurores boréales des Territoires du Nord-Ouest. Dans mes classes, je vois défiler de jeunes Africains, des Belges, des Français qui adoptent le Canada.
En Acadie, j’ai rencontré Marcel Arpin, un Acadien du nord du Nouveau-Brunswick, qui me racontait avec enthousiasme l’arrivée de Russes et de Philipins à Kedgwick et Saint-Quentin, deux communautés forestières francophones jusqu’à l’os.
Le R1er, Christian Djohoussou de son vrai nom, est un artiste originaire du Bénin. Il était au Grand rassemblement des Franco-Ontariens, organisé en riposte aux coupes du gouvernement de Doug Ford dans les affaires francophones.
Oui, voilà de quoi être optimiste. Le français a une meilleure assise institutionnelle et des étrangers viennent en renfort.
Une Loi avec plus de dents
Mais comment oublier qu’après un demi-siècle passé à promouvoir l’égalité linguistique, on rencontre encore des élus du peuple déterminés à faire main basse sur les acquis des francophones?
Un demi-million de Franco-Ontariens commence 2019 sous la houlette d’un premier ministre qui ne donne pas cher de la francophonie.
Un quart de million d’Acadiens sont gouvernés par un Parti conservateur minoritaire obligé d’écouter l’Alliance des gens, un petit parti hostile au fait français.
En 2019, le fédéral va se consacrer à la modernisation de la Loi sur les langues officielles. La Fédération des communautés francophones et acadienne veut que la prochaine mouture ait des dents pour se faire respecter, qu’elle fasse une plus grande place à la dualité linguistique dans les écoles et dans l’immigration, et qu’elle accorde un plus grand rôle aux communautés elles-mêmes pour assurer leur développement.
Elle tient aussi à ce que les ententes fédérales-provinciales ne soient plus l’occasion de laisser des services glisser dans les gouttières. Une de ces ententes avec la Colombie-Britannique a provoqué la fermeture de centres d’aide à l’emploi francophone.
On sait depuis ce qu’il est convenu d’appeler l’Affaire Doug Ford que la francophonie canadienne est bien vivante et qu’elle entend se défendre quand on la brusque. On sait aussi, hélas, que la dualité linguistique n’a pas encore pénétré le tissu social canadien dans toutes ses fibres. Il en résulte un tricot aux mailles béantes qui laissent passer le froid.
Pas de doute, il y a encore du pain sur la planche pour un autre demi-siècle. Plus qu’un souhait : Que la nouvelle loi sera à la hauteur de cette nécessité.
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Réjean Paulin
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