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S'exprimer autrement
Cette chronique, en collaboration avec La Cité universitaire francophone,  offre des textes dont les auteurs ont en commun d’avoir choisi le français comme langue seconde.

Immigration francophone : le mieux vivre-ensemble au cœur des débats

Immigration francophone : le mieux vivre-ensemble au cœur des débats
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Organisé virtuellement du 9 au 11 mars, le Forum régional de l’immigration francophone dans les Prairies et les Territoires du Nord-Ouest n’a pas éludé le débat du moment dans la communauté fransaskoise avec la tenue d’un panel entièrement dédié à la discrimination et l’intimidation. 

« Les femmes, les chiens et les noyaux, plus on les bat, meilleurs ils sont. » « Les femmes, c’est comme des omelettes, elles ne sont jamais assez battues. » Ou encore : « Bats ta femme tous les matins, si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait. »

Abdoulaye Yoh

Abdoulaye Yoh

Le conférencier Abdoulaye Yoh a démarré son intervention par ces trois adages chocs. À quel pays ou à quelle culture sont-ils associés, a-t-il demandé ? L’Angleterre, la France et le Québec, respectivement, a soutenu l’universitaire. Un exercice percutant qui a permis d’examiner les préjugés des participants au panel sur l’initiative contre la discrimination et l’intimidation. 

« On pourrait croire que ces trois citations proviennent de pays moins avancés, mais il s’agit bien de trois citations originaires de l’Angleterre, de la France et du Québec. Ce sont des préjugés encore ancrés partout dans le monde », souligne Abdoulaye Yoh, docteur en éducation, directeur administratif au Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) et bénévole pour plusieurs organismes fransaskois. 

Des préjugés qui ont la peau dure

Le panel a eu lieu lors de la troisième journée du forum organisé par le Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan (RIF-SK), en collaboration avec ses pairs du Manitoba (RIF-MB), de l’Alberta (RIFA) et des Territoires du Nord-Ouest (RIFTNO). 

Une initiative qui fait écho à la formation Osons le mieux-vivre communautaire, lancée début mars par l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS), le Conseil culturel fransaskois (CCF) et le CÉF afin de lutter contre les discriminations dans la communauté fransaskoise.

Abdoulaye Yoh, qui est le concepteur et l’animateur de cette formation, est revenu lors du panel sur le concept de race. D’après lui, tous les humains sont issus de la même souche et, de ce fait, appartiennent à une seule espèce, la race humaine. Citant plusieurs références et faits historiques, l’intervenant soutient que la race est une construction sociale ayant longtemps servi à catégoriser, hiérarchiser et essentialiser les individus pour justifier le colonialisme, le racisme et la discrimination sous toutes ses formes.

Abdoulaye Yoh a également explicité le racisme systémique, un concept de plus en plus présent dans les médias et les discours des mouvements politiques et sociaux. « Le racisme systémique va au-delà de la conduite des individus ou de leurs intentions, bonnes ou mauvaises. Il s’agit d’un racisme dont les racines se retrouvent même dans les fondements du système de la société », indique-t-il. 

Mieux comprendre pour guérir

Pour le Fransaskois d’adoption, le sexisme et le racisme systémique sont deux phénomènes similaires en cela qu’ils sont tous deux ancrés dans les fondements de la société patriarcale encore dominante aujourd’hui. 

Qu’en est-il, alors, de la discrimination et de l’intimidation, deux fléaux qui ont récemment défrayé la chronique dans la communauté fransaskoise ? Abdoulaye Yoh rappelle ici que la discrimination est liée aux traits de la personne comme l’ethnie, le genre, l’orientation sexuelle, l’âge ou d’autres attributs personnels. L’intimidation, elle, est un comportement visant à mettre mal à l’aise avec la présence d’un déséquilibre entre le pouvoir perçu et réel.

Si la discrimination est souvent moins complexe à identifier, ce n’est pas toujours le cas pour l’intimidation. D’après l’animateur, le conflit, les divergences d’opinions, l’expression avec un ton ferme, l’encadrement légitime et les mesures disciplinaires en milieu professionnel ne constituent pas de l’intimidation.

En revanche, la véritable intimidation peut prendre la forme de rumeurs répétées sans preuve ou d’attitudes et de conduites agressives ayant pour objectif de mettre à mal la partie ciblée, souligne l’expert.

Autre phénomène décortiqué par Abdoulaye Yoh : les micro-agressions. Assez récurrentes dans des pays qui accueillent un flux important d’immigrants comme le Canada, ces dernières peuvent prendre la forme de blagues, de compliments ou d’une mauvaise prononciation ou appellation des noms des personnes issues des minorités, bien qu’elles soient souvent exprimées sans intention malveillante.

Vers un mieux vivre-ensemble

« Il est très important aujourd’hui de sensibiliser tout le monde à ces fléaux, car leurs effets sont néfastes sur les individus, d’autant plus que la génération actuelle se montre plus sensible à ces questions », tranche l’intervenant. 

L’intervention d’Abdoulaye Yoh a été très appréciée par les représentants d’organismes responsables de l’accueil des nouveaux arrivants francophones et des autres organismes communautaires. A suivi un échange intéressant entre eux avec un quasi-consensus sur la nécessité de sensibiliser et d’éduquer la communauté pour une meilleure cohabitation entre les différentes composantes de la société canadienne. 

Clôturé le jeudi 11 mars, le forum aura passé au crible plusieurs préoccupations et questions en lien avec l’immigration francophone dans les provinces de la Saskatchewan, de l’Alberta, du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest. 

Les représentants du gouvernement fédéral ont par ailleurs réitéré l’importance de l’immigration francophone pour la vitalité des communautés en situation minoritaire, rappelant plusieurs mesures déployées pour atteindre l’objectif de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec.

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