Luca ouvre les yeux et voit un ciel étoilé sans nuages à travers le feuillage d’un arbre.
– Bien dormi ? demande une voix rocailleuse.
Luca sursaute. Il se retourne et voit un cowboy accroupi devant un feu de camp en train de se verser une tasse de liquide fumant. L’homme porte un énorme chapeau, une chemise blanche, un jean et des bottes à talons hauts. Déboussolé, Luca reste silencieux. Aussitôt, il ressent une présence agitée tout près de lui. Il tourne la tête et se retrouve nez à nez avec son chien qui se met à lui lécher le visage avec frénésie.
– Lasso ! Mon Lasso ! s’exclame Luca.
L’animal couine d’excitation tout en poursuivant son léchage. Il gigote tellement que Luca a peine à le flatter. Tout comme son chien, Luca ne se contient plus. Lasso lèche les larmes qui ruissellent sur le visage de son maître retrouvé.
– Il était impatient de te revoir, dit le cowboy.
Luca savoure les retrouvailles tout en sachant qu’elles sont impossibles. Des tas de questions lui traversent l’esprit : « Où suis-je ? Comment suis-je arrivé ici ? Est-ce que je suis mort ? Comment Lasso peut-il sembler aussi réel ? Qu’est-ce que Clint fait avec nous ? » Car Luca a reconnu le cowboy. Il s’agit de Clint, le maître de Smoky.
Quand Lasso se calme enfin, épuisé, il s’étend à côté de Luca qui essaie de reprendre ses esprits. Allongé dans l’herbe au pied d’un arbre, il retrace le fil des évènements. Le désir d’en finir, la note laissée à ses parents, la laisse autour de son cou, la suffocation puis la libération. Luca s’assoit et s’examine. Il porte les mêmes vêtements que dans son plus récent souvenir, jean et polo bleu, à la différence près qu’ils semblent neufs. Les couleurs sont plus vives. Il lève les bras, plie une jambe, puis l’autre. Ses membres fonctionnent normalement. Il porte ses mains à son cou libre de toute entrave. Il se racle la gorge et ne ressent aucune douleur, aucun inconfort.
Il balaye du regard les alentours pour tenter de comprendre où il se trouve. Il ne reconnait pas l’endroit, mais il note qu’il y règne un silence absolu. Aucun bruit, aucun chant d’oiseau, aucun bruissement de feuilles, pas de vent, pas même une légère brise. Un tel silence est inquiétant.
– Tu te demandes où tu es, Sonny ?
Luca regarde le cowboy sans lui répondre.
– Tu te demandes qui je suis ? dit le cowboy avant de prendre une gorgée de thé.
– Je sais qui vous êtes.
– Pourquoi tu dis « vous » ? Je suis tout seul.
– Je dis vous parce que vous êtes plus vieux que moi et qu’on ne se connait pas.
– Tu viens de dire que tu sais qui je suis. Décide-toi.
– Je sais qui vous êtes, mais on n’est pas des amis.
– Ah, je comprends ! dit le cowboy en souriant. J’avais oublié cette règle en français. Tellement plus fancy que l’anglais. Tu peux me dire « tu », tu sais.
Luca garde le silence.
– Comme ça, tu sais qui je suis.
– Vous êtes Clint.
– Non, dit le cowboy. J’suis pas Clint.
– Vous êtes qui, alors ?
– Je suis Will. Will James.