Le premier ministre Justin Trudeau prenait la parole lors de la récente retraite du Cabinet fédéral. Peu après, le chef libéral annonçait l’intention du gouvernement d’appuyer les médias d’information.
Photo : Facebook PMJT
Le prochain budget fédéral comprendra une aide pour l’industrie de l’information en pleine transformation. C’est ce qu’a révélé Justin Trudeau lors d’une entrevue publiée dans le journal Le Droit du 20 janvier. Sur les intentions du premier ministre, le cabinet de la ministre Mélanie Joly a donné des précisions qui semblent favorables aux médias en milieu minoritaire.
« Je suis préoccupé parce qu’on ne peut pas avoir une démocratie en santé si les citoyens ne sont pas bien informés, a déclaré le chef du gouvernement. C’est essentiel pour le bon fonctionnement de notre société, et pas seulement pour la démocratie. »
Le premier ministre a reconnu le malaise dans les salles de nouvelles généré par le changement dans les habitudes de consommer de l’information. « Donc, comme on le fait pour bien des industries, je trouve que le gouvernement a la responsabilité d’aider et de faciliter cette transition. »
La nouvelle donne enfin espoir au président de l’Association de la presse francophone, Francis Sonier, après deux ans de pression pour obtenir l’attention du fédéral. « C’est drôlement intéressant d’entendre le premier ministre tenir ce genre de propos et ce n’est pas une coïncidence : on sent que ça bouge. »
Le porte-parole de 18 journaux hors Québec révèle que de récents contacts ont eu lieu avec le ministère chargé de gérer les publicités fédérales dans les médias. « On a eu des discussions avec Services publics et Approvisionnement Canada, ça devient très encourageant. Il y a une sensibilité qu’on ne sentait pas durant les derniers mois. »
« Nous allons tenir compte des différences linguistiques »
Rappelant la hausse du budget de la Société Radio-Canada et du Fonds pour les périodiques, le premier ministre a confié que le gouvernement étudie « les façons de financer cette transition et d’aider au développement d’un modèle qui fonctionne pour l’industrie, pour les gens qui y travaillent, et pour les consommateurs qui ont besoin d’une information de qualité et fiable. Donc un a un rôle à jouer là-dedans, et on va en avoir plus à dire après le budget. »
Francis Sonier est encouragé par ces détails. « Oui, il faut appuyer l’industrie et aussi les travailleurs. Il y a eu beaucoup de coupures dans les ressources humaines et ça veut dire moins de qualité. Comme l’a dit le premier ministre, pour une démocratie saine, ça prend des médias forts. »
L’attaché de presse de la ministre Joly, Simon Ross, confirme les plans du premier ministre. « À travers nos consultations et les travaux du Comité permanent du Patrimoine canadien, les Canadiens nous ont clairement fait part de l’importance qu’ils accordent à leurs nouvelles et à leur information locales. Notre approche sera de soutenir l’innovation, l’adaptation et la transition vers le numérique. »
Trois autres éléments détaillent les objectifs du gouvernement visant notamment les milieux minoritaires. « Nous prendrons des mesures pour soutenir l’information locale de qualité. Cependant, toutes nos actions devront respecter l’indépendance journalistique. Nous allons favoriser l’expérimentation et continuer à tenir compte des différences régionales et linguistiques. »
« On se fait vampiriser par Facebook et Google »
En entrevue, le premier ministre s’est montré sensible à la frustration des journalistes qui voient leurs articles repris dans les médias sociaux qui, en même temps, piratent leurs revenus publicitaires et appauvrissent les salles de nouvelles. « Je viens de lire un livre très intéressant qui parlait de la mauvaise décision du New York Times de permettre à Facebook d’accéder à leur contenu ».
Cette question fait sursauter le président et éditeur du Droit, Pierre-Paul Noreau. « On est inquiet de constater que le fédéral investit massivement lui-même dans Facebook et Google et délaisse les médias de son propre pays, comme s’il avait conclu qu’il n’y a pas de valeur là-dedans. »
Selon l’éditeur, les médias tentent de se débrouiller. « On est sur Internet, on a développé des applications, on travaille très fort pour offrir de nouveaux programmes à nos partenaires. Mais on se fait vampiriser par Facebook et Google qui prennent nos contenus sans payer de redevances. » Il rappelle que lorsque les journaux canadiens vendent des annonces, ils paient des taxes, alors que les géants du Web en sont exempts.
Justin Trudeau a réitéré en entrevue que l’aide fédérale n’épargnera pas les modèles d’affaires qui ne fonctionnent plus, mais appuiera les nouvelles approches. Cette affirmation contrarie Pierre-Paul Noreau : « Dites-moi où vous les voyez, les nouveaux modèles. Je ne vois pas qu’il y en ait au Canada qui ont trouvé la formule magique. Elle n’existe pas. »
Aucune date n’a encore été fixée pour l’annonce du budget 2018.