Le mont Bourgeau ; une cime altière et vertigineuse au nom à hauteur d’homme
Mont Bourgeau
Le mont Bourgeau peut être aperçu depuis le pont qui enjambe la rivière Bow à Banff.
Majestueux, grandiose, spectaculaire, le mont apparaît au tournant d’une courbe de la transnationale. La route s’insinue entre les sommets colossaux des Rocheuses et dévoile, le moment venu, le puissant profil de la montagne qui appartient au chaînon connu sous le nom : Massive Range*. Sans doute une si magnifique éminence méritait-elle d’être coiffée du nom d’un dieu olympien. Pourtant on lui a attribué celui d’un mortel, celui d’un homme simple et besogneux, souriant et attentif, constant et fébrile. Cet homme c’est Eugène Bourgeau.
Ce Savoyard naît en 1813 à Brizon, commune de Haute-Savoie dans le sud-est de la France. Fils de berger, il apprend les rudiments de la botanique auprès de Nicolas-Charles Seringe, directeur des Jardins botaniques de Lyon. En 1843, alors qu’il atteint la trentaine, il se rend à Paris et s’attache au service de l’un des botanistes les plus réputés, Philip Barker Webb, lequel lui confie la conservation de son herbier.
Quatre ans plus tard, l’Association botanique française le nomme botaniste-collectionneur. Ses recherches botaniques l’amènent en Corse, dans les Canaries, en Espagne, au Portugal et en Algérie. Sa réputation grandit.
William Jackson Hooker, directeur des Jardins botaniques royaux de Kew, pour qui Bourgeau est « the prince of botanical collectors » fait en sorte qu’il participe à la fameuse expédition de l’Ouest canadien financée par le gouvernement britannique. Dirigée par John Palliser, le corps expéditionnaire accueille d’autres spécialistes : James Hector, géologue, naturaliste et chirurgien, Thomas Wright Blakiston, naturaliste chargé des relevés du champ magnétique terrestre et John William Sullivan, astronome.
Bourgeau ne parle pas l’anglais, mais Palliser maîtrise suffisamment le français pour pallier cet aléa.
À l’été 1857, le corps expéditionnaire atteint fort Garry. Puis, il franchit la rivière Souris, s’attarde à la Roche Percée et aux lacs Qui Appelle [sic]. En octobre les explorateurs atteignent le fort Carlton où ils établissent leurs quartiers d’hiver. Pendant la saison froide, ne pouvant augmenter sa collection de plantes, Bourgeau arpente les berges de la rivière Saskatchewan Nord et procède à l’examen des arbres. Il s’affaire à épauler avec zèle les membres chargés des relevés des variations du magnétisme et des observations météorologiques. Bourgeau affronte sereinement des froids sibériens (-40⁰) et demeure le plus joyeux membre de l’équipe.
Au mois de juin 1858, l’expédition reprend sa route vers la rivière à la Bataille (Battle) puis la rivière la Biche (Red Deer). Arrivé au piémont des Rocheuses, le groupe se divise. Bourgeau et Hector pénètrent à l’intérieur des montagnes par la voie qu’emprunte aujourd’hui la transcanadienne. C’est lors de l’exploration de la vallée de la Bow que James Hector honore Bourgeau en baptisant de son nom l’un des plus majestueux monts qui dominent la vallée.
À l’automne, tout le groupe se replie vers le fort Edmonton où il passera l’hiver. Au mois de mai 1859, Bourgeau fait ses adieux aux membres de l’équipe, car il doit honorer d’autres engagements. Il est attendu en Lycie, région de la Turquie en Asie Mineure où il doit poursuivre d’autres travaux de botanique. Il quitte les membres de l’expédition qui prolonge un séjour qui ne devait durer que deux années. En chemin, il herborise sur plusieurs îles du lac Winnipeg.
De l’expédition, Bourgeau rapporta 1 200 espèces dont certaines recueillies à plus de 2 500 mètres.
On le retrouve par la suite à Nice, puis dans les Alpes pontiques, puis en Espagne et enfin au Mexique où il poursuit ses herborisations.
Nommé chevalier de la Légion d’honneur, il termine ses jours à ranger ses collections au Musée d’histoire naturelle à Paris. À la suite de ses missions, il aura confié plus de 15 000 spécimens à des botanistes parmi les plus réputés de l’époque.
Palliser écrivit à son propos: “We were very sorry indeed to lose our friend, who was a great favourite with us all. In addition to his acquirements as a botanist, he united the most sociable jovial disposition, ever ready not only to do his own work, but to assist anyone else who asked him.”
*Le mont Bourgeau peut également être aperçu depuis le pont qui enjambe la rivière Bow à Banff.
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Carol Léonard
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