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La démocratie à l'ère des conspirations

La démocratie à l'ère des conspirations

L'Histoire dira peut-être, un jour, que le moment où Donald Trump a dénoncé le vote par courrier comme étant frauduleux marqua le début de l’effondrement de la démocratie américaine. J'exagère ? Je me trompe ? Je l'espère. En fait, je n'ai jamais autant souhaité me tromper de ma vie.

Lorsqu'on a demandé récemment au président américain si, advenant la victoire de Joe Biden aux présidentielles de novembre, il reconnaîtrait sa défaite, il a répondu qu'il faudrait voir, qu'une transition pacifique n'était pas garantie, qu'il avait prévenu que seules des élections truquées pourraient expliquer sa défaite. La situation est telle que le Pentagone a cru bon de rappeler, plutôt deux fois qu'une, que les forces armées ne se mêleraient pas de ça.

Dans une lettre adressée au Congrès en août, le général Mark Milley (Chairman of the Joint Chiefs of Staff) a précisé qu'en cas de différend concernant un aspect des élections, il incombait aux cours de justice américaines et au Congrès, et non pas aux forces armées, de résoudre le problème. Logique. Mais... Il y a un président et son procureur général, William Barr, qui se fichent éperdument des institutions, des lois, des principes de gouvernance démocratique. Il y a sa base, souvent armée, qui carbure aux théories conspirationnistes.

La marmite conspirationniste

« La théorie de la conspiration, a dit le philosophe autrichien Karl Popper (1902-1994), exprime ce point de vue selon lequel ce qui se produit dans la société, y compris ce que les gens, d’une manière générale, n’aiment pas, comme la guerre, le chômage, la misère, la pénurie, résulte des desseins de quelques individus ou de quelques groupes puissants. » 

La dernière en date, QAnon, est née aux États-Unis il y a quelques années et est en plein essor depuis la pandémie. Ses tenants affirment qu'un État profond (Deep State), dirigé par une clique élitiste composée de satanistes pédophiles, contrôle le gouvernement américain et le monde, et que Donald Trump a été choisi pour sauver la planète, ou du moins les É.-U., de ce fléau.

QAnon, c'est aussi une immense marmite dans laquelle mijotent plus ou moins toutes les théories complotistes : la pandémie est une machination, les médias sont menteurs, les vaccins causent l'autisme, les démocrates sont des communistes, la terre est plate, on n'est pas allé sur la lune, etc.  Tous les complotistes s'y retrouvent. 

Sur des forums anonymes, le mystérieux "Q" publie des messages cryptiques que ses partisans sont invités à décoder pour découvrir la “ vérité " que cachent les politiciens et les médias.  Des milliers d'adeptes de partout, y compris dans nos Prairies - comme en témoignent des messages étonnants publiés sur Facebook, discutent entre eux, créent des mots-clics sur les médias sociaux, tirent toutes sortes de conclusions sur n'importe quoi et partagent le fruit de leurs “ recherches ".

Trump a dit de QAnon qu'il connaissait peu le mouvement, mais que ses adeptes étaient de “ vrais patriotes " qui avaient le mérite de l'aimer. Lui et les membres de sa famille ont souvent retweeté des gazouillis de QAnon. 

Recette pour des lendemains sombres

Selon Gregory Stanton, président fondateur de Genocide Watch, la théorie de QAnon est un calque des Protocoles des sages de Sion, objet de propagande du début du 20e siècle dont Hitler et le Parti nazi ont fait leur pain et leur beurre. Il suffit de lire Fascism A Warning, de Madeleine Albright, pour comprendre que tous les ingrédients qui ont permis l'ascension du IIIe Reich, de Mussolini et autres dérives autoritaires se retrouvent dans QAnon et les discours de Trump : les élites sont pourries,  les institutions sont corrompues, les médias mentent, le peuple est victime d'immenses machinations. Seul un sauveur peut faire le ménage là-dedans.

On peut penser qu'à moins d'une victoire écrasante de Biden, Trump déclarera que les élections ont été truquées. Ce ne serait pas la première fois. En 2012, il a dit que la victoire d'Obama était due à des élections truquées. En 2016,  il a affirmé que s'il perdait, ce serait à cause d'élections truquées. Rebelote en 2020. Sauf que cette fois, il occupe le terrain et tout indique qu'il ne le cèdera pas.

Comme je disais, j'espère que je me trompe...

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Mychèle FortinMychèle Fortin

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 - jeudi 14 novembre 2024