Guide alimentaire : Nouvelles recommandations, nouvelles controverses ?
Les producteurs laitiers accueillent mal ce nouveau guide
C’est le 22 janvier que la ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, a présenté officiellement au grand public le concept du nouveau Guide alimentaire canadien. La plus récente édition du guide arc-en-ciel datait de 2007.
Le nouveau guide se veut plus actuel, avec des ressources complémentaires facilement accessibles en ligne ou à l’aide d’appareils mobiles.
Sur le guide alimentaire canadien en bref, les quatre groupes alimentaires traditionnels ont été remplacés par un groupe de légumes et de fruits, un groupe d’aliments à grains entiers et un groupe d’aliments protéinés. L’image suggère une demi-assiette de légumes et fruits pour un quart de grains entiers et un quart d’aliments protéinés.
La satiété plutôt que les portions
Autre fait important, le guide a aboli le nombre de portions recommandées pour chaque Canadien selon la tranche d’âge au profit du sentiment de satiété.
Les concepteurs et représentants de Santé Canada estiment que les Canadiens doivent viser de telles quantités dans la mesure du possible, tout en écoutant notre corps et favoriser les fruits et légumes et les aliments protéinés d’origine végétale. « Manger des aliments protéinés d’origine végétale plus souvent favoriserait une meilleure santé, » déclarait, lors d’une conférence de presse d’information technique réservée aux médias, Docteur Alfred Aziz, qui deviendra directeur général de la politique, de la promotion et de la nutrition à Santé Canada, cette année.
Le nouveau guide mise aussi sur des compétences alimentaires. Cuisiner plus souvent, manger en bonne compagnie, se méfier du marketing alimentaire et limiter la consommation d’aliments riches en sodium, en sucres ou en gras saturés sont des concepts à privilégier selon Santé Canada. Suivre les compétences alimentaires recommandées dans le document permettrait même de réduire les déchets au Canada.
Également, l’eau est la boisson de choix dans le guide. Prendre un repas accompagné d’un grand verre d’eau est la meilleure option qui soit. Un aspect qui ébranle les fervents défenseurs du verre de lait. On recommande encore le lait, mais il devrait être plus faible en gras. On prône aussi d’éviter autant que possible les boissons sucrées.
Les produits laitiers
Depuis le début du mois de janvier, l’abolition de la catégorie des produits laitiers et substituts a suscité beaucoup d’inquiétude chez les producteurs comme chez les consommateurs. En fait, les produits laitiers ne sont pas écartés du guide, mais ils sont maintenant joints à la catégorie d’aliments protéinés.
Début janvier, un rapport préliminaire produit par la compagnie Earnscliffe Strategy Group pour Santé Canada a été présenté à des groupes de Canadiens de différents milieux et différentes origines afin de faire un choix plus éclairé sur le nouveau « look » du guide. Selon les commentaires alors formulés, ce nouveau guide pourrait créer une confusion chez les Canadiens quant à la réelle valeur nutritive du lait.
Isabelle Neiderer, diététiste agréée et directrice de la nutrition et de la recherche des Producteurs laitiers du Canada (PLC), défend la place du lait : « Les données scientifiques récentes démontrent clairement que la consommation quotidienne de deux à quatre portions de produits laitiers a un rôle bénéfique à jouer dans la promotion de la santé des os et la prévention de plusieurs maladies chroniques que Santé Canada veut combattre avec le nouveau Guide alimentaire, notamment l’hypertension, le cancer colorectal, le diabète de type 2 et l’AVC. »
Le président des Producteurs laitiers du Canada avait même ajouté que : « Non seulement cela nuirait au secteur laitier et aux centaines de milliers de personnes qui en dépendent pour gagner leur vie, mais cela risquerait aussi de nuire aux consommateurs canadiens en créant de la confusion au sujet de la valeur nutritive des produits laitiers. » Il ne faut pas oublier que les producteurs de lait ont récemment eu la vie dure en réponse aux nouvelles ententes et accords commerciaux signés par le gouvernement fédéral.
Suite à la sortie officielle du guide, les PLC ont rappelé certains des bienfaits pour la santé que procurent les produits laitiers : « … les recherches continuent de confirmer que les protéines du lait figurent parmi les meilleures disponibles, mais les avantages nutritionnels des produits laitiers vont bien au-delà de cette teneur en protéines », pouvait-on lire dans un récent communiqué.
Il faut se rappeler que dans le guide de 2007, il était recommandé de boire du lait écrémé ou du lait 1 % ou 2 % M.G et d’en boire 500 ml par jour pour avoir assez de vitamine D. Aucune mention de ce genre n’est faite dans le nouveau guide.
Au Canada, selon les dernières données de Statistiques Canada en 2017, c’est plus de 221 000 emplois à temps plein qui sont soutenus grâce au secteur du lait canadien. L’abolition de la catégorie des produits laitiers à part dans le guide aura une influence sur la consommation du lait des habitants du pays?
Ariane Lalande-Borris, nutritionniste, avance que le Canada s’est peut-être inspiré du nouveau Guide alimentaire du Brésil, paru en novembre 2015. Point que Santé Canada n’a pas nié rappelant que le processus du nouveau guide a regardé plusieurs autres documents officiels de différents pays dans ses études. Le guide du Brésil ne recommande pas de portions et ne contient pas de groupes alimentaires. Il vise à donner le gout aux Brésiliens de se faire à manger, tout en étant axé sur la nutrition, la santé, la prévention des maladies et les aspects culturel et environnemental du peuple.
« Le changement est bénéfique, déclare la nutritionniste, car les connaissances évoluent et les recommandations doivent s’adapter aux nouveaux défis des consommateurs. » Elle ajoute aussi que plusieurs nouveaux aspects sont intéressants : « Privilégier des aliments frais et moins transformés, l’ouverture du nombre de portions versus l’écoute de notre corps avec les signaux de faim et de satiété et retrouver le plaisir de manger et de cuisiner à la maison seront des concepts plus présents et concrets pour les Canadiens. »
L’évolution du guide alimentaire
Le guide tel que nous le connaissons n’a pas toujours ressemblé à l’arc-en-ciel de quatre couleurs représentant les quatre groupes. Le guide arc-en-ciel paru en 1992 et en 1977 un soleil et quatre groupes colorés. Il est à noter que dans la version du guide de 1961, il existait cinq groupes, puisque les fruits et les légumes formaient deux groupes distincts.
Diététiste professionnelle, Karine Landry du Nouveau-Brunswick, reste optimiste et réaliste : « Le message de prévention véhiculé par le nouveau guide demeurera le même, mais le moyen d’y parvenir sera tout de même différent! Plutôt que de suggérer la consommation quotidienne d’un nombre défini de portions de chacun des quatre groupes d’aliments, le guide proposera plutôt de savourer quotidiennement une variété d’aliments sains comme les légumes, les fruits, les aliments à grains entiers et les aliments protéinés. »
Nous sommes loin du premier guide alimentaire, les Règles alimentaires officielles au Canada » présentées en 1942. Ce guide était surtout conçu pour prévenir les carences nutritionnelles de la population et améliorer sa santé en temps de rationnement des vivres.
Un but qui n’a pas tant changé puisque Santé Canada continue d’aider la population canadienne à prôner la consommation d’aliments nutritifs et à promouvoir une alimentation saine pour tous les Canadiens et les Canadiennes.
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