Gaetan Benoit fait un pied-de-nez au cancer
Il y a un an, la foudre s’est abattue sur la vie de Gaetan Benoit, réalisateur à Radio-Canada bien connu de la fransaskoisie. Lorsque le jeune quarantenaire se réveille ce matin-là, il est loin de se douter du mal qui pèse au-dessus de sa tête et qui va transformer sa vie, pour le pire, mais aussi le meilleur.
Picotements dans le bras gauche. Tremblements. Convulsions. Perte de connaissance. Ambulance. Scan. Biopsie. Tumeurs au cerveau. L’enchaînement des événements ne laisse guère de temps pour avaler et digérer cette pilule amère, venue de nulle part. « C’était un choc total. J’avais zéro symptôme avant, alors je ne m’y attendais pas du tout », se remémore Gaetan.
Une course contre la montre
C’était il y a un an, presque jour pour jour. En pleine pandémie. Le jeune homme originaire de Prince Albert se souvient de la petite chambre d’hôpital, du docteur, du diagnostic, de sa douleur, mais aussi, et surtout, de la chance qu’il a eue.
« Heureusement, j’ai été diagnostiqué rapidement. Parfois, ça traîne des mois, voire des années avant de savoir et les gens doivent vivre avec des migraines, des pertes de mémoire. Alors que moi, j’ai eu une crise le samedi matin, mes résultats le soir même, une biopsie le lundi, et voilà, j’ai un cancer assez agressif et inopérable dans mon cerveau. »
Les médecins lui donnent cinq ans à vivre, tout au plus. Une fois le verdict tombé, tout se précipite, s’enchaîne et se déchaîne. « C’est le début de l’acceptation et puis du partage avec tout le monde dans ma vie. Faire des appels, parler aux gens, s’occuper de toute la logistique avec le travail et les assurances », témoigne Gaetan.
Une thérapie par l’humour
Un tourbillon infernal dans lequel le quarantenaire saute à pieds joints pour recommencer à vivre sa vie, fidèle à lui-même, avec tout l’entrain et l’énergie qui le caractérisent. Et pour cela, il n’a pas une minute à perdre.
« Je ressentais le besoin d’en parler très ouvertement. Je suis un peu une personnalité du fait que j’ai souvent été sur les ondes, à la radio et à la télé, j’ai donc eu l’idée de pondre un sketch et de produire une vidéo pour l’annoncer », indique-t-il.
Dans la vidéo, la P’tite cuisse fransaskoise, alias Gaetan Benoit, entre dans le ring pour tirer la jambette à son ennemi juré, le dévoreur de cerveau, incarné par l’impressionnant Marc Hounjet. Entrent aussi en scène le non moins célèbre Roger Dallaire à titre d’annonceur et la compagne de vie de Gaetan, Katrine Deniset, en tant qu’agente de l’athlète. Le tout rythmé par la chanson Et après tout ça du groupe fransaskois Hart-Rouge.
« Je voulais en rire et me moquer de cette chose, ne pas la laisser avoir le dessus et rendre tout cela un peu plus léger pour moi-même et mon entourage. Je ne voulais pas rester en dessous de ce nuage de cancéreux », souligne le Fransaskois.
Un « cadeau » inattendu
D’un naturel peu anxieux, et plutôt à l’aise avec l’incertitude et le changement, Gaetan dit avoir toujours vécu sa vie sans trop se soucier du lendemain : « C’était presque un problème en fait et je suis resté célibataire longtemps à cause de cela », plaisante le jeune homme.
D’une certaine façon, il en est même arrivé à considérer cette épreuve comme « un cadeau ». « Je me sens parfois mal de dire ça, surtout pour mes proches, mais en toute honnêteté, ça m’a changé pour le mieux. Je ne suis certainement pas devenu un grand sage pour autant, mais je suis plus sensible, remarque Gaetan. Je suis maintenant beaucoup plus empathique et sensible aux fardeaux, aussi bien physiques, psychologiques, qu’émotionnels que les gens doivent porter. »
Si la gratitude a toujours été au cœur de son attitude, Gaetan reconnaît avoir toujours su qu’il était « un homme blanc » avec plein de privilèges et à quel point il avait été chanceux de grandir dans une petite communauté fransaskoise et anglophone de Prince Albert et d’avoir eu le cheminement qu’il a eu. « Je ressens beaucoup de gratitude. Pour ma famille, ma conjointe, tous les gens qui m’entourent », dit-il.
Il évoque aussi les nombreux cercles d’amis, de collaborateurs et de collègues formés au fil du temps qui l’entourent encore. « Des fois, on oublie ces cercles d’amis, on s’éloigne, on oublie, et ça prend des moments traumatisants pour s’en rappeler. » Et de reprendre le vieil adage selon lequel il faut tout un village pour élever un enfant : « Et il faut aussi tout un village pour appuyer un cancéreux ! »
Gaetan se réjouit aussi d’avoir pu compter sur la communauté fransaskoise et sur son infaillible soutien. « Ça m’a fait tellement chaud au cœur, j’y tiens beaucoup à cette communauté. Puis, juste de voir qu’elle est là pour m’appuyer, c’est très émouvant, et ça m’a beaucoup aidé. »
Des racines bien vivantes
Personnalité attachante, Gaetan a toujours occupé une place de choix dans le cœur des Fransaskois et, lorsqu’il a eu besoin d’un coup de pouce financier pour transformer un de ses rêves en réalité, la Fondation fransaskoise a répondu présente.
« J’ai beaucoup travaillé pour le Francothon et je ne pensais jamais demander de l’argent à la Fondation ! Grâce à ce financement, je vais pouvoir sortir un album de mes compositions et payer mes amis, des professionnels de la musique, à leur juste valeur », se réjouit l’artiste.
Le cœur comblé
Cet album, dont la sortie est prévue pour novembre, reflète la réalité fransaskoise du jeune homme, puisant dans la country, le western, le folk, et même le gospel. Le fil conducteur reste l’humour avec de nombreux clins d’œil à sa communauté d’origine et à la formule du cabaret et spectacle de variétés.
En attendant cette sortie, les projets continuent d’affluer pour Gaetan Benoit : « Tout ça m’allume et me comble le cœur et l’esprit. C’est un autre cadeau que le cancer m’a donné », ose-t-il.
C’est surtout le temps qui lui est cher, le temps de mener à bien des projets et des collaborations. « Ça me dérange quand les gens pensent que je veux laisser une trace, un héritage ! Je continue de faire exactement ce que je faisais avant. Ce ne sont pas des projets de mort, ce sont des projets de vie », insiste-t-il.
Une vie bien remplie qu’il s’apprête à unir à celle de Katrine lors d’un mariage-guinguette qu’ils célébreront début septembre. Une guinguette est une fête populaire dansante au bord de l’eau, un mot et concept français que Gaetan avait puisé d’un conte de Maupassant et qu’il avait soigneusement conservé dans son « baluchon de mots », attendant la bonne occasion pour le ressortir.
Tourné vers l’avenir
L’année qui vient de s’écouler n’a pas été de tout repos pour le Fransaskois. Les traitements de radiation et de chimiothérapie ont réussi à stabiliser son état de santé de et à ralentir la progression du cancer.
« Je me trouve très chanceux, car j’ai eu peu d’effets secondaires jusqu’à maintenant et les tumeurs réagissent bien aux traitements. J’essaie juste de bien manger et de faire de l’activité pour garder la forme », dit-il.
S’il reste positif, Gaetan est également réaliste face à sa maladie et à l’espérance de vie que lui ont donnée les médecins. « Je ne m’attends pas à une guérison miraculeuse. Pour l’instant, je suis en rémission, mais le cancer va revenir, c’est juste une question de temps. »
Le jeune homme n’est pas non plus du genre à vivre avec une épée de Damoclès planant au-dessus de sa tête, préférant au contraire « ne pas passer trop d’énergie là-dessus, à penser à ce qui pourrait arriver ».
Malgré tout, la peur vient parfois lui rendre visite : « Quand ça reviendra, quand ça décidera de pousser à nouveau, est-ce que je vais perdre mon énergie, mes facultés cognitives ? », se questionne-t-il.
« Katrine et moi sommes tous les deux rêveurs, indique Gaetan. Ça a approfondi notre relation, on collabore sur toutes sortes de projets. » Les deux tourtereaux continuent donc de vivre leurs rêves, d’en faire profiter les autres et, comme le dit la chanson de Hart-Rouge, à imaginer que tout ce qu’ils voient est à la portée de leurs doigts.
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