Fransas’qui? Fransas’quand ?
Les fransaskois (Source Office National du Film du Canada)
Au bout de combien de temps devient-on vraiment Fransaskois? Cette question brûle les lèvres de beaucoup de gens. Voici mon idée sur le sujet…
Jusqu’ici, quand je voyageais, je n’ai jamais eu de réel problème identitaire: j’étais Française, expat’, Frenchy. Mais ici, en Saskatchewan, j’en perds mon latin et pour la première fois je suis amenée à me demander « Je suis quoi? Je suis qui? »
Fransaskois de souche vs Fransaskois d’adoption
J’ai élu domicile en fransaskoisie il y a maintenant 3 ans. Bien impliquée dans la communauté, je n’avais aucun doute: j’étais devenue Fransaskoise. À part entière. Puis un jour, je suis tombée sur un article sur Internet - de nos confrères du service public pour ne pas les nommer – dont le titre commençait par la formule « Un Fransaskois d’adoption ». Intriguée par cette formule, j'ai lu l’article qui traitait du voyage d’un jeune stagiaire français, en Saskatchewan depuis quelques semaines et pour quelques mois seulement. Ok, dans ce contexte, peut-être qu’on peut faire une distinction.
Puis il y a quelques semaines, je retombe sur cette formule « Une Fransaskoise d’adoption ». Je lis l’article et quelle n'est pas ma surprise de constater qu’il ne s’agit pas ici de stagiaire amenée à repartir dans quelques semaines, mais bien d’une compatriote installée à Saskatoon depuis plus de trois décennies. Cela m’a fait retomber sur terre: alors après trois ans, je ne suis finalement pas aussi Fransaskoise que je le pensais. En fait, je ne le deviendrai peut-être même jamais pour de vrai. Je serai toujours une Fransaskoise de seconde zone, d’adoption, une orpheline.
Pour devenir Canadien, la règle est simple à comprendre: il faut avoir passé 1095 jours sur le territoire. Je vais bientôt devenir citoyenne canadienne, mais je n’aurai toujours pas compris comment devenir citoyenne fransaskoise! Pourtant, quand on assiste à des réunions d’organismes ou à des assemblées générales, dès qu’il est question de définir un Fransaskois, tout le monde se rue sur le site de l’Assemblée communautaire fransaskoise pour se rafraîchir la mémoire et répéter d’une seule voix la seule définition faisant foi: « Un Fransaskois, c’est quelqu’un qui s’identifie à la communauté francophone de la Saskatchewan, que ce soit par naissance, par mariage, par adoption, ou simplement par identification. » Cette définition générique englobe tout le monde dans le but qu’on arrête d’accoler une formule telle que “de souche/pure laine/d’adoption” puisqu’en théorie nous sommes tous égaux en degré de fransaskoisie. Liberté, égalité, fraternité, fransaskoisie.
Fransaskois vs francophone de Saskatchewan
Mais cette définition a aussi ses détracteurs et certains francophones de la Saskatchewan ne souhaitent pas être identifiés en tant que Fransaskois. J’ai par exemple un ami québécois qui ne se sent pas fransaskois. Mais vraiment pas pantoute! Pour lui, « une définition globale de Fransaskois c’est une définition sans considération des réalités de chacun. Un francophone qui arrive ici et vit en français n’a pas beaucoup d’efforts à faire pour être Fransaskois. Mais je trouve que les personnes bilingues qui vivent dans la dualité linguistique et choisissent de s’identifier comme Fransaskois ont plus de mérite. Je les félicite de faire cet effort et de choisir le français! »
Après m’être interrogée sur les démarches et les délais pour devenir Fransaskois, je me suis aussi demandée si on pouvait perdre son statut de Fransaskois. En effet, si on suit une certaine logique, un Français installé depuis 30 ans en Saskatchewan est un Fransaskois d’adoption. Alors est-ce qu’un Gaudet installé depuis 30 ans en Ontario, qui revient dans les Prairies, revient en tant que Fransaskois de souche ou en tant que Franco-ontarien d’adoption? À méditer…
Fransaskois rémunéré vs Fransaskois bénévole
Certains font aussi la distinction entre ceux qui travaillent dans la fransaskoisie et ceux qui s’y impliquent bénévolement pendant leurs temps libres. Les Fransaskois de 9h à 17h du lundi au vendredi versus les auto-proclamés Fransaskois impliqués et désintéressés. Là encore, je peux comprendre que quand on travaille dans la fransaskoisie toute la semaine, on puisse avoir envie d’en sortir le week-end. Et vice-versa, quand on n'a que la fin de semaine pour profiter de sa francophonie, on y vient avec un plein d’enthousiasme qui ne doit cependant pas rabaisser le travail quotidien des personnes rémunérées par les organismes fransaskois.
En conclusion de ce rapide état des lieux qui n’engage que l’auteure de ces propos - et les lecteurs qui se reconnaîtront peut-être dans cette quête identitaire – j’ai envie de vous dire: « Fiers Fransaskois et Fransaskoises, sortez du placard et vivez votre fransaskoisie sans peur des préjugés! Fransaskois d’un jour ou Fransaskois de toujours, vous apportez tous quelque chose à la communauté. Sautez le pas et si c’est ce que vous ressentez vraiment, vivez votre fransaskoisie la tête haute. »
Je crois que j’ai répondu toute seule à ma question: Je suis qui? Je suis quoi? Je suis Fransaskoise. Pas d’adoption mais de conviction. Et au-delà de toutes les définitions!
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