Droits constitutionnels : les francophones doivent-ils envier les Autochtones ?
Anne Lévesque, avocate
L’avocate Anne Lévesque a défendu des causes en matière d’égalité pour les Premières nations et pour les minorités francophones.
Photo : Gracieuseté
Les communautés francophones espèrent que le gouvernement fédéral bonifiera le prochain plan d’action pour les langues officielles, attendu en mars. En matière d’accès à la justice, elles exigent d’Ottawa « un énoncé de politique » qui affirme ses objectifs. Comment cette demande se compare-t-elle à l’approche des Autochtones pour obtenir le respect de leurs droits constitutionnels ?
Réagissant à l’acquittement du fermier saskatchewannais, Stanley Gerard, accusé d’avoir tué un jeune autochtone, Justin Trudeau a promis des solutions aux Premières Nations, dans un discours aux Communes, le 14 février. Le premier ministre a lancé une initiative visant l’abrogation de la Loi sur les Indiens et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones. Le fédéral voudrait ainsi éviter le fardeau de longs et couteux recours aux tribunaux.
Faut-il envier cette promesse faite aux Premières Nations quand on pense à la centaine de causes en éducation française depuis 1982 et aux 15 années de stagnation de la stratégie nationale d’accès à la justice en français ?
« Ce n’est pas la première fois que le gouvernement fait des annonces vides de sens », indique l’avocate albertaine Anne Lévesque. « Les partenaires autochtones avec qui je parle trouvent que c’était juste une annonce : il n’y a pas de financement ni d’engagement concret. Les attentes sont en fait très basses.
« D’avoir une annonce comme ça qui s’appliquerait à la justice en français, ça ne serait pas du tout prometteur, » explique l’Albertaine basée à Ottawa. « Sans plan d’action concret avec du financement, je me méfierais énormément. »
Une 5e ordonnance de non-conformité contre Ottawa
Anne Lévesque reconnaît qu’il existe une perception de changement relativement aux droits des Premières Nations. Mais pour illustrer l’approche courante d’Ottawa, elle rappelle sa participation depuis des années à une cause pancanadienne sur la discrimination systémique à l’endroit de 163 000 enfants autochtones.
« On a eu une décision contraignable du Tribunal canadien des droits de la personne qui forçait le gouvernement à financer de façon équitable. Le gouvernement a dit qu’il acceptait la décision et n’a pas contesté. Mais il a continué à discriminer et on est toujours devant les tribunaux. » Dans cette affaire, le Tribunal a émis, le 1er février, une 5e ordonnance de non-conformité.
Selon elle, les gouvernements fédéraux successifs se sont tous engagés à modifier la relation avec les Autochtones, mais rien n’a changé dans les réserves. « On voit encore des problèmes de qualité de l’eau qui posent un risque à la santé, on continue à se suicider parce qu’on n’a pas d’accès à des services de santé mentale. »
Anne Lévesque souligne le contraste dans la relation fédérale avec les francophones et les Premières Nations. « Avec les Autochtones, on a des engagements, mais pas d’action, ce qui n’est pas du tout souhaitable. Les francophones hors Québec semblent moins un enjeu prioritaire pour le gouvernement, il n’y a pas d’engagement concret et c’est inquiétant. »
L’avocate ne croit toutefois pas qu’il faut se mobiliser pour obtenir une annonce comme celle des Communes la semaine dernière. « Ce qu’il nous faut, c’est la feuille de route fédérale. On a un plan, on sait exactement ce qu’on veut. On a juste besoin de financement et d’une annonce maintenant. »
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