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Chronique environnement

Le parc national de Wood Buffalo en déclin

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Parc national de Wood Buffalo
Un rapport du gouvernement canadien, publié pendant l’été 2018, fait état d’une triste situation dans le parc national de Wood Buffalo (PNWB) situé en Alberta et aux Territoires du Nord-Ouest. Ce parc, inscrit sur la liste des Sites du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en raison de ses paysages, sa biodiversité et ses habitats fauniques exceptionnels, pourrait être déplacé sur la liste des Sites du Patrimoine Mondial en Danger.

D’une superficie de 44 807 km2, le PNWB est le plus grand parc national au Canada. Ce parc a été créé en 1922 afin de protéger la dernière harde de bisons des bois sauvages en liberté au monde. D’ailleurs, à ce jour, ce parc contient la plus grande population de bisons sauvages à l’échelle mondiale. Le PNWB abrite également le seul site de nidification des grues blanches, une espèce en danger, qui demeure intact. Le delta des rivières Athabasca et de la Paix, en Alberta, est l’un des plus grands deltas intérieurs au monde et le plus grand delta en zone boréale. Cet écosystème extrêmement diversifié contient de la prairie, des plaines salées, de la forêt boréale, des milieux humides et des cours d’eau. La variété de milieux humides, formés par ce delta, permet à des milliards d’oiseaux migrateurs en provenance de plusieurs voies de migration continentales d’y converger pour se reproduire.

Les peuples cris et dénés occupent ce territoire depuis des générations et en dépendent pour leur subsistance physique et culturelle. C’est pour toutes ces raisons que le parc est devenu un Site du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1983. Le delta et l’aire de nidification des grues blanche sont aussi désignés comme milieux humides d’importance internationale par la convention Ramsar sur les milieux humides et la protection des oiseaux migrateurs.

Or, en 2014, la nation crie Mikisew a contacté l’UNESCO pour signaler à cette organisation leurs craintes issues de leurs observations qui annoncent le déclin rapide du parc. En effet, les membres de la communauté ne boivent plus l’eau des lacs et rivières du parc par crainte de contamination, ils ne peuvent plus accéder à certaines régions du parc en raison de la baisse du niveau des rivières, et ont rapporté des goûts et des difformités anormales dans les poissons et le gibier sauvage prélevés.

Un rapport de l’UNESCO produit en 2016 lançait un signal d’alarme au sujet du parc : « des preuves de longue date, concevables et cohérentes de graves problèmes environnementaux et de santé humaine ». Le tout est empiré par l’absence d’organismes indépendants pour analyser et résoudre ces problèmes. Ce rapport présentait aussi 17 recommandations pour améliorer la situation du PNWB et donnait au Canada jusqu’en décembre 2018 pour déterminer comment les efforts de conservation pouvaient être ajustés. Un rapport de Parcs Canada, paru cet été en réponse à ces demandes, a démontré que le parc était en déclin selon 15 des 17 indicateurs. Si des mesures ne sont pas prises pour renverser rapidement ces tendances, le site pourrait être placé sur la liste grandissante de Sites du Patrimoine en Danger.

La complexité et la sévérité des facteurs affectant le PNWB sont exceptionnelles et l’absence de mécanismes appropriés pour bien étudier leurs impacts complique encore plus la chose. Cependant, les principales causes du déclin du PNBW, identifiées par les scientifiques qui ont rédigé le rapport fédéral, sont le développement industriel intense (le parc se trouve en aval de zones d’exploitation de sables bitumineux), la construction de barrages hydroélectriques, les changements climatiques et les cycles naturels. Et l’un des éléments clés responsables des problèmes observés dans le parc est la baisse du débit des rivières de la Paix (déclin de 9 %) et Athabasca (déclin de 26 %), ce qui provoque un assèchement du delta. Les raisons qui expliquent cette baisse sont la construction du barrage Bennett sur la rivière de la Paix en Colombie-Britannique, les changements climatiques des 50 dernières années qui ont réduit l’approvisionnement des rivières et les opérations gazières et pétrolières au nord de l’Alberta. Ces dernières pompent d’énormes quantités d’eau de la rivière Athabasca afin de soutenir, notamment, l’extraction du pétrole des sables bitumineux. De futurs projets de barrage (site C sur la rivière de la Paix) et de développement pétrolier (Teck Resources, 30 km au sud du PNWB) risquent de réduire les niveaux d’eau encore plus.

La baisse des débits d’eau a entrainé toute une cascade de conséquences : une réduction de l’habitat du bison, de plus en plus de plantes envahissantes remplacent la végétation indigène, la baisse du nombre d’oiseaux migrateurs, la disparition des rats-musqués autrefois trappés par les premières nations, et la mortalité de poissons dans une eau stagnante avec peu d’oxygène dissous. Les bas niveaux d’eau concentrent aussi des polluants chimiques : les œufs d’oiseaux contiennent des métaux lourds et des hydrocarbures, alors que la concentration de mercure dans les poissons augmente. On ne peut pas, pour l’instant, attribuer une source certaine à ces polluants tout comme nous l’avions fait à ceux produits par l’extraction des sables bitumineux. En effet, les feux de forêt, l’agriculture et les activités forestières en amont pourraient également être en cause. Le risque de déversement de polluants dans les cours d’eau en provenance des nombreuses installations minières le long des rivières demeure néanmoins présent.

Le gouvernement fédéral a engagé un budget de 27 millions de dollars pour la préservation du PNWB, mais le développement industriel, municipal et agricole en amont du parc continue à augmenter. L’écosystème du PNWB et ses facteurs de perturbation sont très complexes. Cependant, cette complexité ne devrait pas empêcher les actions selon le principe de précaution. Selon le rapport de l’UNESCO, il est important que le gouvernement du Canada et l’industrie trouvent des solutions de gestion et de conservation du parc qui incluent, de manière significative, les peuples autochtones et leur savoir traditionnel. La décision finale de l’UNESCO sera prise après décembre 2018.


Pour en savoir plus…

https://www.pc.gc.ca/fr/pn-np/nt/woodbuffalo/info/SEA_EES/bulletin
https://www.theglobeandmail.com/politics/article-canadian-provincial-federal-governments-must-meet-conservation/
https://www.theguardian.com/world/2018/jun/26/canada-wood-buffalo-national-park-report-climate-change
https://globalnews.ca/news/4296968/wood-buffalo-national-park-environmental-assessment/
https://www.thestar.com/news/canada/2018/07/15/almost-every-part-of-canadas-largest-national-park-is-deteriorating-study-says.html

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