Il existe un débat dans certaines provinces sur la pertinence d’augmenter de façon drastique le salaire minimum à 15 $ l’heure. L’argument principal est la difficulté de « joindre les deux bouts » pour une personne, ou une famille, travaillant à ce seuil minimal.
Les analystes économiques sont divisés; les uns arguent que l’augmentation brutale (de 20 à 25 % environ) oblige les employeurs à diminuer leur personnel, les heures de travail, les conditions et bénéfices et à augmenter les prix de leurs biens et/ou services. Un aperçu rapide de l’Ontario (qui est passé de 11,60 $ l’heure à 14 $ l’heure) démontre qu’il y a effectivement une réaction, incluant un mélange de ces conséquences, chez les entreprises qui emploient un nombre significatif de personnes au salaire minimum. L’autre groupe pense que l’augmentation du salaire fera augmenter la demande des biens et services, car les gens auront plus à dépenser. Mais qui, au juste, aura plus à dépenser si ça coûte plus cher avec moins d’heures de travail ?
Les questions que l’on ne pose pas :
Pour qui au juste voulons-nous un salaire minimum à 15 $ l’heure ? Réponse : pour ceux et celles qui travaillent « à temps plein » et dont c’est l’unique, ou presque, source de revenu. Alors, qui travaille au salaire minimum ? Nous retrouvons les étudiants et les jeunes qui débutent sur le marché du travail. Ce groupe est novice et a une faible productivité. C’est connu, ils apprennent la vraie vie au travail, qui n’a rien à voir avec l’école trop permissive. Comme employeur, si on donne 15 $ l’heure, on veut recevoir 15 $ l’heure. Second groupe; les immigrants. La majorité de ceux-ci ont la capacité d’offrir la productivité recherchée et l’éducation qui y est associée. L’ennui c’est le « facteur d’équivalence », la perception (vraie ou fausse) qu’a l’employeur de leur éducation et expérience de travail dans leur pays d’origine, par rapport à ce que l’on attend d’une personne avec un profil identique au Canada. Ce facteur est amplifié par les politiques d’embauche discriminatoires de presque tous les organismes gouvernementaux et paragouvernementaux, qui demandent une éducation ou une expérience de travail canadienne reconnue. Bref, leurs diplômes ne valent rien. Mais ils doivent bien vivre.
Il reste alors les autres. Qu’est-ce qui fait qu’ils travaillent au salaire minimu ? Ont-ils une spécialité ou terminé leurs études secondaires ? L’éducation est une des clés de la réussite et du salaire qui vient avec. Mais on peut aussi se demander: qu’est-ce que ceux qui gagnent actuellement 15 $ l’heure ont fait que ceux qui sont au salaire minimum (10,96 $ en Saskatchewan) n’ont pas fait ? Ils ont gravi les échelons, démontré leur efficacité et leur productivité. Ils ont étudié mieux et plus longtemps, bref « ils ont travaillé à leur succès ».
Oui il y a des pas chanceux, mais les vrais pas chanceux vont finir par trouver leur chance. Les paresseux, même à 15 $ l’heure, vont rester paresseux. Si on veut plus, on doit VALOIR plus. Allons-nous maintenant pousser la culture de la médiocrité de nos écoles vers le marché du travail en obligeant les employeurs à embaucher des gens malgré leur faible productivité ?
Ici vient l’importance du seuil de revenu minimal. L’ennui, c’est que les gouvernements, qui devraient le mettre en place, préfèrent « pelleter » le problème dans la cour des employeurs, parce que ça coûte moins cher aux contribuables, jusqu’à ce que la productivité nationale s’en ressente.
C’est une solution simpliste, à forte saveur électorale, qui ne s’attaque pas à la racine du problème et vise les mauvaises personnes. Pousser le salaire minimum trop haut, c’est encourager la médiocrité qui transpire de nos écoles vers le milieu du travail en récompensant ceux et celles qui n’ont pas fait les efforts. On doit par contre encourager la persévérance de ceux et celles qui veulent vraiment améliorer leur avenir avec des programmes adaptés leur permettant de vivre raisonnablement et décemment sans avoir à craindre tout le temps les fins de mois.
Michel Clément - Regina