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Tribune libre

NOTE: Les opinions exprimées sur cette pages sont celles de nos lecteurs et lectrices et ne reflètent pas nécessairement celles de l'Eau vive. Si vous désirez soumettre un texte veuillez le faire parvenir à redaction@leau-vive.ca.

L'esprit de ma fransaskoisie

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Québécoise, d’origine acadienne, je suis arrivée en Saskatchewan en 1994 après un séjour de 5 ans à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Dès mon arrivée je me suis impliquée avec la communauté fransaskoise. J’ai aidé à organiser le premier Mosaic, puis j’ai siégé à la Coopérative des publications fransaskoises. J’avais décidé de m’investir. Je me considérais Fransaskoise. Pour le travail, je suis retournée à Moncton trois ans (1996-1999) puis de retour en Saskatchewan, je me suis réengagée envers ma communauté, localement puis ensuite j’ai été élue présidente de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) en 2004. Même alors que j’étais présidente de notre organisme porte-parole, je me faisais dire souvent que je n’étais pas Fransaskoise, que je n’étais pas née, que je n’avais pas grandi ici. À chaque fois, cela me blessait profondément. J’étais investie dans cette communauté, ma communauté. Si je n’étais pas née ici, dans mon cœur, dans mon âme, j’étais Fransaskoise.

Vers la fin de 2005, l’ACF a créé la commission sur l’inclusion afin de mieux définir ce qu’est un Fransaskois ou une Fransaskoise. Je me rappelle que pendant les audiences publiques, l’intervention qui m’a le plus marquée était celle des jeunes qui sont venus nous dire que si on parlait de Commission sur l’inclusion, c’est qu’il y avait nécessairement exclusion et qu’on devait s’ouvrir sur le monde. Quelle belle leçon!

Lorsque le rapport de la Commission été publié en 2006, alors que je terminais mon mandat, finalement la définition qu’on donnait à la fransaskoisie, dans la toute première recommandation venait ajouter deux dimensions à celle du territoire et de la langue. Voici un extrait de cette recommandation :

L’action de choisir de vivre au moins une partie de sa vie en français en Saskatchewan fait partie de la définition de Fransaskois et de Fransaskoise : un Fransaskois ou une Fransaskoise est une personne qui s’identifie à la francophonie en Saskatchewan, actuellement ou dans le passé, que ce soit par la naissance, par le mariage, ou par adoption ou identification à la communauté fransaskoise, qui contribue à la vitalité de la langue française ainsi qu'à l’épanouissement et au développement des communautés francophones en Saskatchewan, tout en reconnaissant qu’il existe plusieurs façons d’y contribuer.

À moi, qui s’était sentie rejetée à plusieurs reprises en raison de mes origines, on venait confirmer que j’étais bel et bien Fransaskoise.

Treize ans plus tard, on nous apprend que l’on veut changer les statuts et règlements pour faire en sorte que seuls les citoyens canadiens ou résidents permanents pourraient être membre de notre organisme porte-parole. Pourtant, j’ai passé cette Loi sur les sociétés sans but lucratif au peigne fin, et je n’y ai rien trouvé qui interdit à quiconque d’être membre. Les seules restrictions que j’ai trouvées c’est qu’on y stipule qu’au moins le quart des administrateurs doivent être des résidents canadiens (au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés) et que tout le comité du conseil d’administration doit être composé d’une majorité de résidents canadiens. Pourtant, quand on lit les changements proposés on dit bien « selon » la Loi sur les sociétés sans but lucratif de 1995. Il me semble qu’on a interprété la Loi dans son sens le plus étroit. Si l’on prend la peine de mentionner qu’au moins le quart des administrateurs doivent être résidents canadiens, c’est que les autres n’ont pas besoin de l’être. S’ils peuvent être administrateurs ou membres du conseil d’administration, il va de soi qu’ils peuvent être membres.

Je suis d’avis que la définition établie dans la recommandation de la Commission sur l’inclusion rend tout à fait l’esprit de ma fransaskoisie, que si une personne réside en Saskatchewan depuis six mois ou plus, qu’elle s’investit dans sa communauté à sa manière et choisit de vivre une partie de sa vie en français, elle est Fransaskoise. L’immigration francophone est un pilier du développement et de la vitalité de notre communauté. Sans cet apport social et économique des nouveaux arrivants, notre communauté est vouée à s’effriter. Les réfugiés et nouveaux arrivants qui s’installent ici contribuent à notre communauté, à notre essor de mille et une façons et enrichissent notre communauté et nos vies.

C’est pourquoi je voterai non, à la modification proposée.

L’ACF est porte-parole de la fransaskoisie. Elle se doit d’être à l’écoute de toutes les composantes de la communauté et s’acharner à refléter les besoins de la communauté toute entière.

Marie-France Kenny 
Regina