Le Parc national des Prairies: un des derniers fragments de la prairie mixte du Canada
Les ingénieurs à fourrure du parc national des Prairies
Chevêche des terriers scrutant le paysage depuis un rocher dans le Parc national des Prairies
Photo: Mélanie Jean (2016)
Le parc national des Prairies près de Val-Marie, dans le sud de la Saskatchewan, préserve l’un des derniers fragments de la prairie mixte du Canada. En raison du sol fertile et de sa facilité à être converti en terres agricoles, la majeure partie de la prairie naturelle avait disparu de l’Amérique du Nord avant 1920. Les parcelles restantes sont souvent menacées par des espèces envahissantes, ou le développement agricole et urbain. Malgré tout, dans plusieurs régions on tente de restaurer des terres agricoles vers un état plus naturel et on dénote des exemples positifs de restauration écologique. La prairie mixte du sud de la Saskatchewan présente également un excellent exemple de la complexité des systèmes écologiques et de l’interdépendance des espèces qui y habitent.
Si vous avez déjà visité le parc, un des points culminants de la visite aura probablement été la visite des colonies de chiens de prairie (black-tailed prairie dogs, Cynomys ludovicianus), un sympathique rongeur au comportement social, et une espèce menacée au Canada. Les chiens de prairie sont non seulement divertissants à observer, ils occupent un rôle clé dans l’écosystème des prairies. On les considère comme une espèce ingénieure clef-de-voûte, c’est-à-dire une espèce qui a un effet disproportionné sur son environnement par rapport à sa biomasse ou abondance puisqu’elle modifie son habitat et crée un espace dans lequel d’autres espèces prospèrent. La disparition d’une espèce clef-de-voûte ou ingénieure d’un écosystème entraîne généralement une cascade de répercussions sur tous les niveaux de l’écosystème. Dans le cas des chiens de prairie, de nombreuses espèces, dont plusieurs ont aussi un statut de précaire de conservation, dépendent de leur activité. Certaines utilisent leurs terriers, comme la chevêche des terriers, ou en sont des prédateurs, comme le putois, le renard véloce et le blaireau.
Un «village» typique de chiens de prairie comprend un grand nombre de monticules de terre, marquant l’entrée d’un terrier, et l’herbe y est coupée court en raison du broutement intense par les chiens de prairie, ce qui contraste avec les hautes herbes du reste de la prairie. De nombreuses espèces d’oiseaux, telle la sturnelle de l’Ouest, utilisent cet habitat; dans un paysage sans arbres, un monticule entouré d’herbes rases est un excellent perchoir. Pendant de nombreuses années, les chiens de prairie ont été chassés et empoisonnés puisqu’ils étaient considérés comme des compétiteurs pour le bétail. En conséquence, le nombre de chiens de prairie dans les plaines a été dramatiquement réduit, et les colonies se sont retrouvées isolées. En raison du rôle clé des chiens de prairie, leur disparition a entraîné des répercussions sur nombre d’espèces, en particulier la chevêche des terriers et le putois à pieds noirs.
Les visiteurs attentifs pourront observer la chevêche des terriers (burrowing owl, Athene cunicularia), une autre espèce menacée au Canada, qui aime lorgner le paysage du haut d’un monticule. La chevêche des terriers est une espèce de chouette avec de longues pattes qui niche dans les terriers abandonnés par les chiens de prairie. La chevêche occupait autrefois la majeure partie de la prairie mixte canadienne et son aire de répartition s’étendait de Winnipeg à Calgary, et jusqu’à Prince-Albert. Les populations sont maintenant disparues, principalement en raison de la perte de leur habitat suivant le déclin des chiens de prairie. Mais des efforts de réintroduction sont en cours. Nature Saskatchewan a un programme de protection de la chevêche lancé en 1987 en partenariat avec des propriétaires terriens de la région. On estime la population de la chevêche en Alberta et en Saskatchewan à moins de 1000 couples, et de ce nombre environ 200 se trouvent en Saskatchewan.
Le putois à pieds noirs (black-footed ferret, Mustela nigripes) qui dépend du chien de prairie comme source de nourriture est un exemple extraordinaire de sauvegarde in extremis. Dans les années 1970, le putois était considéré comme une espèce éteinte, jusqu’en 1981, alors qu’un chien vivant sur un ranch au Wyoming ramena un putois mort à son maître, ce qui a permis de découvrir la dernière colonie de putois au monde. La colonie a initialement été laissée dans la nature, mais lorsqu’une maladie a menacé de les faire disparaître, les 18 derniers individus ont été capturés et un programme d’élevage en captivité a été lancé. Tous les putois vivants aujourd’hui sont donc des descendants directs de ces 18 individus. Malgré tout, des populations sauvages fragiles de putois sont maintenant établies au Mexique, aux États-Unis, et, depuis 2009, dans le parc national des Prairies. Le succès de la réintroduction en Saskatchewan est encore incertain puisque ce site se trouve à la limite nord de l’habitat du putois et que les chiens de prairie dont ils dépendent sont aussi menacés. Néanmoins, au moins deux générations de putois sont nées en nature dans le parc, ce qui est un succès en soi.
L’exemple de la conservation des chiens de prairie montre qu’en protégeant une espèce on peut par conséquent protéger tout un écosystème.
Pour en savoir plus :
http://www.pc.gc.ca/fra/pn-np/sk/grasslands/edu/edu4.aspx
http://www.naturesask.ca/what-we-do/stewards-of-saskatchewan/operation-burrowing-owl<
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