L’univers satirique de Claude Cloutier
Claude Cloutier, c’est d’abord un bédéiste qui se fait connaître dans les années 1970 avec les aventures de Gilles la Jungle contre Méchant-Man publiées dans le magazine québécois Croc. Les lecteurs ont alors pu y découvrir un sens de l’humour distordu et un génie comique bien différent de ce qui était publié à l’époque.
En 1984, Claude Cloutier réalise son tout premier film d’animation intitulé Le colporteur qui se retrouve en compétition au Festival de Cannes. Pendant 30 ans, l’artiste va continuer d’entremêler l’art de la bande dessinée et celui du cinéma d’animation.
Cette année, l’Office national du film (ONF) a choisi de lui rendre hommage en diffusant plusieurs de ses œuvres culte, dont Overdose, Isabelle au bois dormant, La tranchée, Autos Portraits et Mauvaise herbes.
Le film d’animation Isabelle au bois dormant (2007) a été réalisé par Claude Cloutier.
Crédit : Site web de l’ONF
Le film Overdose, sorti en 1994, revêt l’apparat de la célèbre expression « métro, boulot, dodo ». Le court métrage dépeint le rythme incessant d’une société ancrée au cœur des répétitions, d’actions journalières et autres mécanismes, garantissant la fonctionnalité, rentabilité et productivité de l’être humain.
Avec Isabelle au bois dormant, l’artiste fait un pied de nez à Charles Perrault et aux frères Grimm en décentralisant la portée féerique et fantasmagorique du conte. Ici, pas de mauvais sorts ou de quenouilles, on se concentre sur le personnel de maison rassemblé autour de la belle endormie.
Aux allures de running gag, les subterfuges s’enchaînent pour tirer la princesse de son sommeil profond. En bonne satire sociale, le film explore la déformation des visages et des corps, opposant ainsi la beauté idéale à la laideur dans l’image.
Le réalisateur inclut d’ailleurs toutes sortes de figures dans son cadre, certaines mythologiques comme le dieu Pan, lui-même satyre, et d’autres plus historiques tel le roi Henri VIII, probablement à la recherche d’une potentielle future épouse pour monter sur l’échafaud.
Quant à lui, le court métrage La tranchée est à couper le souffle tant du point de vue technique qu’artistique. Le film est un clair-obscur à la Caravage, dépeignant l’enfer vécu par les soldats dans les tranchées pendant la guerre.
Claude Cloutier mise principalement sur une atmosphère sombre, un aspect granuleux, presque sale, de l’image et un montage au rythme soutenu. Le coup de crayon est précis et le message fort.
Avec ses deux dernières réalisations, Autos Portraits sortie en 2015 et Mauvaises herbes sortie en 2020, l’artiste aborde la thématique de l’évolution des êtres au cœur d’une société de plus en plus compétitive et parfois impitoyable.
Mauvaises herbes a par ailleurs été présenté en sélection officielle dans plus de 25 festivals à travers le monde, remportant six prix, dont celui du Meilleur court métrage animé au Festival du court métrage de New York City en 2021.
En d’autres mots, l’œuvre de Cloutier est protéiforme. Et c’est brillamment au travers de l’ironie, de la dérision et des références littéraires et historiques que l’artiste vient transmettre sa vision du monde dans le but d’éveiller l’esprit de son public.
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