Élections 2015 et Sénat
Il faudra un jour nommer des sénateurs
Le Sénat canadien
Photo: Étienne Ranger
OTTAWA - Que veulent les Canadiens : le Sénat affaibli des conservateurs, aboli par les néo-démocrates ou non partisan comme le tentent les libéraux ? D’ici à ce que cette question soit réglée, les régions francophones du pays perdent des appuis au Parlement.
Un an et demi après la démission de Gérald Comeau, les francophones de la Nouvelle-Écosse ne sont toujours pas représentés au Sénat, même si la Fédération acadienne a présenté une liste de candidats potentiels.
« Il y a matière à s’inquiéter, déclare la directrice générale Marie-Claude Rioux. « On ne veut pas l’abolition du Sénat, on est d’accord qu’il devrait être non partisan – c’est la chose la plus évidente – et que les mandats soient limités. Et on a le droit d’avoir un membre qui nous représente. »
Gérald Comeau a été nommé au Sénat en 1990. Il était un des six sénateurs d’origine acadienne sur un total de neuf identifiés pour représenter les communautés francophones.
La francophonie ontarienne est aussi sans représentation depuis la démission en avril, pour des raisons de santé, de Marie Charette-Poulin. Elle a été la première Franco-Ontarienne au Sénat et était la seule représentante de cette province, après le départ du regretté Jean-Robert Gauthier en 2004.
Sur les 105 sièges, 20 sont vacants et quatre membres font l’objet de poursuites judiciaires.
L’Ontario compte six postes vacants, tandis que le Manitoba en compte trois. L’Ouest francophone demeure représenté avec Maria Chaput, du Manitoba, et Claudette Tardif, de l’Alberta. Quatre sénateurs contactés pour ce reportage ont préféré ne pas commenter.
Ian Roberge, Le directeur du département de science politique du Collège Glendon
Photo: Archives Francopresse
Selon le politicologue Ian Roberge, on ne doit pas s’attendre à des changements au Sénat, même en campagne électorale. « L’opposition va en parler pour dénoncer l’approche partisane du gouvernement, mais il n’y a pas grand monde qui aime le Sénat actuellement.
« À moins de quelque chose de formidable qui sortirait du procès du sénateur Mike Duffy, la question ne sera pas un enjeu, estime le professeur de science politique du Collège Glendon, de Toronto. « Mais un prochain premier ministre à Ottawa devra faire des nominations pour que la Chambre haute demeure fonctionnelle ».
Même impression du côté de Raymond Hébert, l’ancien professeur de l’Université de Saint-Boniface, qui constate le silence du premier ministre sur la question. « Stephen Harper boude le Sénat, il ne va pas faire de nominations. Mais sans doute qu’après les élections, le premier ministre (quel qu’il soit) devra en faire pour le faire fonctionner.
Réforme impossible
« La réforme du Sénat est impossible, note le politicologue, comme toute réforme constitutionnelle. Ceux qui disent que c’est possible, comme (le chef du NPD) Thomas Mulcair, nous mentent. Il faut vivre avec, comme l’a dit Stephen Harper après le jugement de la Cour suprême en 2014. Même si ça va à l’encontre de tout ce que la population voudrait.
Raymond Hébert, auteur et politicologue manitobain
Photo : Ryszard Mrugalski (2015)
« La piste de réforme la plus intéressante est celle de Justin Trudeau (le chef libéral) qui a exclu les sénateurs de son caucus. Si les autres partis étaient prêts à faire pareillement, on aurait un Sénat fonctionnel dans dix ans. Il faut que les changements viennent de l’intérieur. »
Ian Roberge rappelle que la Cour suprême a insisté sur le rôle essentiel du Sénat pour défendre les régions. « Il est important d’avoir des sénateurs qui représentent les femmes, les autochtones et les communautés en situation minoritaire. Mais jusqu’à quel point ces sénateurs sont efficaces pour favoriser les communautés ? Si la personne n’avance pas les dossiers, ce n’est que symbolique.
« On a trop souvent cette impression qu’il n’y a pas de gros travail qui se passe au Sénat, conclut le politicologue. Mais il y a peut-être beaucoup de travail qu’on ne voit pas. Ça demanderait une recherche approfondie pour le savoir. »
Raymond Hébert soutient aussi que la nomination de francophones des communautés demeure essentielle. « Tout ce qu’il reste à faire, c’est de maintenir des pressions politiques. Les communautés devraient aussi miser sur les propositions de Justin Trudeau. »
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