Couillard défend son choix de parler uniquement en anglais à une conférence internationale
Le plan Nord du gouvernement du Québec nage dans l'imprécision
REYKJAVIK, Islande - Le premier ministre Philippe Couillard a défendu son choix, samedi, de prendre la parole publiquement au cours d'un événement international sans prononcer un seul mot de français.
M. Couillard était un des orateurs invités à prendre la parole à l'occasion de la conférence internationale Arctic Circle, qui se tient dans la capitale islandaise, Reykjavik, et qui porte sur le développement des pays nordiques.
Dans une salle à moitié vide et devant un auditoire formé de gens de divers milieux provenant d'une trentaine de pays, M. Couillard a longuement parlé du Plan Nord.
Et il a choisi de prononcer son allocution uniquement en anglais.
La vidéo précédant son allocution et présentant les ressources et attraits du nord québécois avait donné le ton, étant aussi uniquement en anglais.
En écoutant sa prestation, personne dans la salle ne pouvait se douter que le Québec était un État francophone.
"Si on est rendu au point où il faut dire aux gens que le Québec est francophone, on a un problème", a répliqué le premier ministre, en point de presse, visiblement irrité d'avoir à répondre à ce type de questions.
"Tout le monde sait que les Québécois parlent français", a-t-il ajouté, quand les journalistes cherchaient à savoir pourquoi il avait fait ce choix. Il a mis fin abruptement au point de presse.
"Ce qui est important pour nous, c'est que l'auditoire comprenne le message", a-t-il insisté, précisant que la conférence ne fournissait pas de service de traduction simultanée.
Car, selon lui, "le monde entier sait que le Québec est francophone".
Il n'existe pas de règle écrite pour le choix de la langue utilisée par le premier ministre du Québec lorsqu'il prend la parole publiquement à l'étranger.
Mais traditionnellement, quel que soit l'auditoire, le chef du gouvernement prend soin d'insérer au moins quelques paragraphes dans la seule langue officielle du Québec dans tous ses discours.
"Je suis ici pour parler du Plan Nord", a-t-il tranché, pour justifier son choix, en rappelant que le président de l'Islande et celui de la Finlande "qui sont très fiers de leur culture" avaient eux aussi fait des présentations en anglais.
"C'est un principe de base en communication. Il faut que l'auditoire comprenne ce qu'on dit", a-t-il conclu, avant de tourner les talons, tandis que la question suivante d'un journaliste restait sans réponse.
Absence de précisions
Il semble impossible de savoir avec précision combien de milliards de dollars de fonds publics seront consacrés au Plan Nord au cours des prochaines années.
Le Plan Nord devrait drainer entre 15 et 20 milliards $ d'investissements d'ici 2022, a calculé le premier ministre Philippe Couillard, samedi.
Or, ce grand projet nécessitera l'injection de plusieurs milliards de dollars de fonds publics. Mais combien?
La réponse n'est apparemment pas facile à fournir.
Mais chose certaine la portion publique ne sera pas négligeable, en ces temps de compressions budgétaires.
Ce flou artistique tient au fait que le gouvernement ne se fixe aucune règle quant au partage de la facture entre le secteur public et le secteur privé, a expliqué samedi M. Couillard, en marge de sa participation à la conférence internationale Arctic Circle, qui porte sur le développement des pays nordiques.
La proportion public-privé pourra donc varier d'un projet à l'autre. Il n'y a "pas de règle fixe", a-t-il dit.
En point de presse, le premier ministre a d'abord affirmé que le Plan Nord allait gruger entre 15 et 20 milliards $ de fonds publics d'ici la fin d'un second mandat, donc en 2022, principalement pour les projets énergétiques et la construction de voies d'accès.
Pressé de questions, il a corrigé le tir en disant que les sommes investies dans le Plan Nord proviendraient surtout de l'entreprise privée.
"En général", le tiers de la facture reviendrait aux contribuables québécois.
Pour illustrer son propos sur le partage des coûts, il a donné l'exemple du projet de voie ferrée à construire entre la fosse du Labrador et le port de Sept-Iles.
"Ce chemin de fer est essentiel pour avoir des projets qui vont créer de l'investissement au Québec, importer des capitaux, créer des emplois de bonne qualité", selon lui.
C'est pourquoi Québec a investi 20 millions $ dans une étude de faisabilité, même si le CN et la Caisse de dépôt ont déjà calculé que le projet n'était pas rentable.
La firme Genivar a déjà évalué que ce projet pourrait coûter au bas mot 2,5 milliards $.
Questionné à savoir pourquoi le gouvernement n'avait fait aucune analyse globale coûts-bénéfices sur le Plan Nord, M. Couillard a répondu qu'il faisait des analyses au cas par cas, pour chaque projet.
L'important, dit-il, consiste pour le gouvernement à "créer un contexte qui attire l'investissement" au Québec.
Plus tôt, le grand chef du Grand conseil des Cris pour le Québec, Matthew Coon Come, qui participait à un atelier sur le Plan Nord, a noté qu'il était difficile de savoir quel était le plan de match du gouvernement quant au développement du nord.
Selon lui, plusieurs questions demeurent sans réponses.
"Il y a encore beaucoup de questions. Quelle sorte de projets seront réalisés dans le secteur énergétique? Qu'est-ce qu'ils veulent faire en foresterie? Qu'est-ce qu'ils veulent faire en tourisme?", s'est-il interrogé en point de presse, en se demandant aussi de quelle façon ces projets pourront s'arrimer avec ceux des Cris.
Il a rappelé l'importance pour les Cris d'être consultés, d'"avoir leur mot à dire" et d'être considérés comme des partenaires.
M. Couillard a profité de sa participation à l'Arctic Circle pour annoncer la tenue d'un événement semblable à Québec en février, soit un grand symposium international sur le développement nordique.
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