Réaction de la FNCSF suite au jugement de la Cour suprême qui donne raison à l'école Rose-des-Vents
De gauche à droite : Roger Paul, directeur général de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Marie-France Kenny, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et Robert Maddox, président de FNCSF, se réjouissent du jugement rendu par la Cour suprême du Canada.
(Photo : FNCSF)
La Cour suprême a confirmé le 24 avril le droit des francophones à des établissements équivalents à ceux de la majorité, ce que cinq provinces et territoires refusent d’accorder. La victoire de Rose-des-Vents pourrait changer la tendance et faire échec au pari de certains gouvernements d’économiser sur le dos des francophones.
Les parents de l’école Rose-des-Vents ont obtenu la reconnaissance demandée en décembre : que leur école « est surpeuplée, moins facilement accessible que les écoles de langue anglaise de la région et ses installations de piètre qualité ». Les appelants verront aussi le remboursement intégral de leurs frais depuis le début du litige en 2010.
« Dans l’autre école élémentaire de Vancouver, signale l’avocat Mark Power, la situation est encore plus grave. L’école Anne-Hébert, avec 420 élèves, est en pire état. La demande est tellement forte que la solution, c’est quatre nouvelles écoles. »
Le droit à des infrastructures équivalentes sous l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés n’est pas nouveau, explique le conseiller des autres appelants, la Fédération des parents et le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique. « On l’a vu dans l’Arrêt Mahé (1990) et le Renvoi manitobain (1993) à la Cour suprême et dans le jugement Vickers. »
Dans l’Arrêt Association des parents francophones de la Colombie-Britannique (1998), la Cour suprême de la Colombie-Britannique avait donné raison aux demandeurs. Le jugement n’a pas été contesté par la Province.
« L’égalité des résultats dans la vision de l’art. 23, avait écrit le juge, peut exiger un traitement différent (qui) se rapporte directement aux circonstances visées. Il est de nature réparatrice, axé sur les résultats qui, dans les circonstances, portent sur une qualité d’éducation égale à celle dispensée à la majorité. »
Mark Power explique. « Le changement, c’est que pour la première fois, la Cour suprême entre dans les détails de ce que ça veut dire concrètement dans une école. Ce n’est pas seulement une déclaration de principe. Mes clients sont tout à fait ravis. »
L’auteure de la décision unanime, la juge Andromache Karakatsanis, résume. « Rose-des vents est une petite école et les salles de classe sont beaucoup plus petites que celles des autres établissements. Certaines sont dépourvues de fenêtres et seulement trois ont la superficie recommandée. Il n’y a aucun crochet à manteau ni casier. L’espace de rangement est insuffisant, ce qui aurait contribué à la propagation de poux chez les élèves. »
Construite en 2001 pour 200 élèves, l’école en accueille aujourd’hui 340. Après avoir gagné en première instance, les parents ont perdu leur appel en janvier 2014.
Leur victoire pourrait avoir un impact sur la grande cause que Me Power mène présentement en appel devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, au nom des conseillers scolaires et des parents. Les audiences du méga-procès pour redresser la situation des infrastructures dans 15 écoles se poursuivent depuis novembre 2013.
« En précisant les critères qui doivent être appliqués, note le conseiller, le jugement de la Cour suprême aura un impact immédiat. Un grand nombre de dossiers sont en instance et en appel en ce moment. Les juges viennent de recevoir une lecture obligatoire. La nouvelle jurisprudence est en vigueur. »
Le président de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, Robert Maddix renchérit. « Le jugement assure une jurisprudence pour des causes semblables ailleurs au pays, notamment aux Territoires du Nord-Ouest où la commission scolaire tente d’avoir gain de cause sur l’enjeu des infrastructures. »
La situation est semblable au Yukon et en Saskatchewan où les conseils scolaires sont en processus d’appel. Un autre litige sous l’article 23 vient d’être lancé au Nunavut pour l’équivalence dans l’unique école française du territoire. Selon la FNCSF, le milieu scolaire francophone vit depuis dix ans une période de turbulence, les gouvernements faisant fi de leurs obligations constitutionnelles.
Pourquoi résistent-ils ? « Il est peut-être avantageux pour certains de reporter la chose pour économiser, estime Mark Power, même si on sait que la dépense doit être faite plus tard. »
En cinq ans de litige, le Conseil scolaire et les parents engagés dans la grande cause ont dépensé environ 12 millions, précise le conseiller. « La Province a dépensé beaucoup plus que nous. » La note pour les solutions demandées s’annonce très élevée. « Il y a peu de chances que des écoles anglaises deviennent des écoles françaises, ce qui veut dire qu’il faudra acheter de nouveaux titres.
« On est dans le milieu où les valeurs immobilières sont les plus élevées au Canada, dit-il. Qu’est-ce que ça peut coûter cinq acres à Vancouver ? Pour régler la question des 15 écoles faisant partie de la cause, on parle de plusieurs centaines de millions. »
Les problèmes sont très sérieux, soutient Mark Power. « Des centaines de familles francophones n’ont pas d’école. La recherche démontre que dans ces conditions, les enfants n’apprendront jamais le français. La crainte, c’est que la communauté de Vancouver va disparaître si rien ne change. »