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La Saskatchewan annonce le premier plan de réouverture du Canada

La Saskatchewan est devenue ce 23 avril la première province canadienne à dévoiler un plan de réouverture de son économie. Sur fond de diminution du nombre de cas actifs de COVID-19, le premier ministre Scott Moe et le médecin hygiéniste en chef Saqib Shahab ont présenté les détails de ce plan en cinq phases dont la première aura lieu le 4 mai. Les enjeux sont d’ordres sanitaire, économique mais aussi politique.

Trente-six jours après avoir déclaré l’état d’urgence sanitaire dans la province, le premier ministre Scott Moe a donc repris la parole pour annoncer cette fois la relance économique. Le 4 mai, il sera de nouveau possible de consulter dentistes, opticiens, physiothérapeutes et autres praticiens. Les Saskatchewanais pourront se livrer à certaines activités de plein air « à faible risque » telles que la pêche et le golf à partir du 15 mai, ou le camping à partir du 1er juin.

La phase 2 du plan provincial prévoit la réouverture à partir du 19 mai des commerces de détail et l’accès à certains services de soin personnel comme le coiffeur ou l’acupuncture. Le passage aux phases 3, 4 et 5 du plan sera déterminé ultérieurement et doit aboutir à la levée des restrictions restantes : réouverture des restaurants, centres sportifs et garderies en phase 3, puis des centres de loisirs en phase 4.

La prudence de mise

Cependant, la reprise des activités ne signifie pas que la pandémie est une histoire ancienne. Les risques de contamination restent présents et chaque phase sera assortie de contraintes. Les instances du gouvernement exhortent la population à continuer les efforts consentis pour réduire les risques de transmission : distanciation physique, gestes barrières, minimisation des déplacements, etc.

Par ailleurs, certaines restrictions de longue durée resteront en place, notamment l’obligation d’isolement pour les voyageurs ou personnes exposées ou testées positives à la COVID-19, la visite de personnes vulnérables, la suspension des classes ainsi que les rassemblements.

Une démarche à tâtons

Remettre l’économie sur les rails tout en limitant l’exposition au coronavirus, l’exercice est périlleux et appelle à une certaine humilité. Si le plan de Scott Moe n’est pas figé dans le temps, c’est pour permettre au gouvernement de l’ajuster en fonction de l’évolution de la maladie. Le docteur Shahab a notamment déclaré qu’il faudra « continuer de tirer des enseignements de nos observations » [Traduction].

Cette prudence est la bienvenue pour la directrice du Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS) Frédérique Baudemont : « Il ne s’est pas engagé et pour moi c’est quelque chose de positif dans le sens où il revient beaucoup sur le fait qu’on va surveiller de près ce qu’il se passe. »

Parmi les mesures annoncées figure l’enquête systématique des éclosions pour en comprendre les causes et éviter de nouvelles contaminations. Ces mesures reçoivent un accueil favorable du côté de Kouamé N’Goandi, directeur du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS). Ce dernier trouve un bon équilibre dans le retour progressif de l’économie couplé à une surveillance de l’épidémie : « Ce sont les gens en bonne santé qui sont capables de consommer, de travailler, qui font fonctionner l’économie », souligne-t-il.

Une discipline décisive

L’objectif du gouvernement est clair : « Ne voir aucune augmentation lorsque les gens vont s’engager dans des activités collectives », a insisté le médecin Shahab lors de l’allocution officielle. Voilà tout l’enjeu du maintien de la discipline que le premier ministre a présentée comme un facteur déterminant dans le contrôle de l’épidémie.

Denis Simard, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), met en garde contre le risque de voir l’histoire se répéter. « Chaque fois qu’il y a eu une grande maladie dans l’histoire de la Saskatchewan, on a demandé aux gens de s’isoler. Après ça, la vie a commencé à reprendre et chaque fois le taux de mortalité était plus haut dans la reprise que dans la période d’isolation », prévient-il.

Un plan aussi politique ?

Scott Moe se démarque ainsi en étant le premier au Canada à dévoiler un plan de réouverture provinciale. Si le docteur Shahab maintient qu’il s’agit « d’un marathon, et non d’un sprint », il n’en reste pas moins que le premier ministre se retrouve sous le feu des projecteurs. Selon Jérôme Melançon, professeur agrégé à la Cité universitaire francophone de Regina, « toute décision, toute déclaration de la part des partis va avoir un enjeu sur la manière dont c’est perçu. Il n’y a pas un parti qui va commencer à agir au pouvoir ou non sans tenir compte du fait qu’il y aura une élection bientôt. »

Le plan aurait-il été construit en vue des élections ? Le docteur spécialiste de la question politique fournit une analyse qui pousse à la réflexion : « Si on regarde à qui le plan va profiter, qui va aller jouer au golf, qui va aller se promener en bateau, qui va utiliser les services médicaux qui vont être rouverts, je pense qu’il y a un certain public pour cette annonce-là. »

L’universitaire regrette par ailleurs que le plan de Scott Moe ne fasse « pas mention de prévention pour mitiger les risques pour les personnes les plus vulnérables ». Les personnes à risque, que ce soit les aînés ou les personnes à la santé fragile, seront de plus en plus exposées à mesure que l’économie reprendra vie ces prochaines semaines.

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