Laïka, où es-tu?
Le groupe se met en marche en faisant attention de ne pas mettre les pieds sur des cactus qui sont nombreux dans le champ qui mène aux badlands. Cinq minutes plus tard, sans crier gare, la plaine se dérobe et fait place à une vallée grandiose de quelques dizaines de mètres de profondeur. Le soleil frôle l’horizon. Il éclaire les badlands de façon oblique, donnant des dimensions irréelles aux buttes, canaux asséchés, crêtes et cheminées de fée. Le paysage fantastique est à couper le souffle.
‒ On se croirait sur une autre planète, dit Lily.
À la surprise de Sophie, Lily n’a jamais visité l’endroit.
‒ Tu habites à côté et tu n’es jamais venue ici ?
‒ Ma mère ne veut pas. Elle dit que l’endroit est hanté.
‒ Hanté… allons donc ! Tu sais bien qu’elle dit ça pour te faire peur.
‒ Comment peux-tu savoir que ce n’est pas vrai ?
‒ Hanté par quoi ? On est en pleine nature, pas dans un vieux château délabré.
‒ Il paraît que les hoodoos peuvent nous aider à communiquer avec l’au-delà, dit Lily.
‒ Les hoodoos… tu parles des cheminées de fée ?
‒ Oui. Pourquoi ça s’appellerait des « cheminées de fée » si ce n’était pas surnaturel ?
‒ Il n’y a rien de surnaturel dans ces cheminées, crois-moi. Il s’agit de formations naturelles. Ce sont des colonnes de roche friable qui peuvent être des dépôts volcaniques. Elles sont érodées par l’eau et le vent, et leur sommet est protégé comme par un chapeau qui est fait d’un autre type de roche, plus résistante. Ça donne des formes à l’allure étrange, mais elles n’ont rien de magique.
‒ En tout cas, moi je trouve que ça a l’air bizarre.
(…)
Quelques minutes plus tard, le soleil disparaît derrière la ligne d’horizon, laissant toute la place à la pleine lune. Bientôt, le ciel se parsème d’étoiles scintillantes. Les photographes s’en donnent à cœur joie.
Sans s’en rendre compte, Lily s’éloigne du groupe, guidée par Laïka, qu’elle tient bien en laisse. Avec la mini lampe de poche attachée à son porte-clés, elle éclaire le sol inégal, tantôt rocailleux, tantôt sablonneux. Lily regrette de ne pas avoir enfilé des chaussures au lieu de ses sandales.
Laïka avance à un rythme régulier jusqu’au moment où elle s’arrête net et se met à renifler l’air ambiant.
‒ Qu’est-ce qu’il y a, Laïka ? Pourquoi tu renifles comme ça ?
Quelques secondes plus tard, Laïka se met à tirer sur sa laisse pour aller vers la gauche, en direction de quelques cheminées de fée qui se dressent sur le flanc d’une butte. Lily suit le désir de la chienne et avance à grands pas, évitant de justesse des talles de cactus aux épines saillantes.
Laïka s’arrête et renifle le sol en avançant à petits pas jusqu’au pied d’une paroi. Lily éclaire l’endroit pour tenter de voir ce qui excite sa compagne. La lumière révèle une cavité dans la paroi rocheuse. Une fente d’environ vingt centimètres de large par un mètre de haut. Surprise par cette découverte, Lily échappe la laisse de Laïka qui en profite pour s’élancer dans l’interstice.
‒ Non, Laïka, reviens ici! Reviens ! s’écrie Lily en tentant de reprendre la laisse.
Trop tard. La chienne disparaît dans le trou noir.
‒ Laïka, ne me fais pas ça ! Reviens, je t’en supplie. Sophie va être furieuse contre moi.
Au bord des larmes, Lily s’avance vers l’ouverture, mais n’a pas le courage d’essayer d’y pénétrer. Elle tente d’en éclairer l’intérieur, mais le faisceau de sa lampe de poche est trop faible pour lui permettre de distinguer quoi que ce soit. Elle n’a aucune idée de la profondeur que ce trou peut avoir. En revanche, aucun doute au sujet de l’odeur qui s’en dégage : elle est infecte ! Lily continue d’appeler Laïka, mais aucun son ne lui parvient en retour. Son sang ne fait qu’un tour quand elle entend la voix de Sophie derrière elle.
‒ Lily, où est Laïka ?
Extrait du roman jeunesse Laïka, où es-tu? de Martine Noël-Maw, publié aux Éditions de la nouvelle plume.
6748