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L'Apostrohe, chronique de Frédéric Dupré

Se libérer des illusions ou périr

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Pourquoi choisissons-nous de croire à nos illusions plutôt qu’à la réalité telle qu’elle est vraiment? Pour éviter d’assumer les conséquences immédiatement? Un jour ou l’autre les faits nous rattraperont et les conséquences seront probablement pires. Certains auront alors le courage de reconnaître leur déni, mais beaucoup auront encore tendance à refuser leur responsabilité, à s’enfoncer la tête dans le sable encore plus profondément. Notre civilisation est en péril, ce n’est pas un secret et pourtant peu de changements radicaux sont engagés qui permettraient de changer de direction.

Nous faisons confiance à la science, aux services publics, aux innovations technologiques, aux gouvernements pour nous protéger contre les fléaux qui menacent notre société. Toutefois, toutes ces institutions adhèrent au mythe de la croissance économique qui est en grande partie à l’origine de la crise environnementale qui nous frappe. Rappelons-nous que ce mythe fondateur du capitalisme (croissance infinie) est défendu au nom d’intérêts privés et rarement pour le bien commun. C’est une autre illusion tenace: «  la croissance économique bénéficie à tous ». 

Depuis plus de quarante ans (sinon avant), nous connaissions l’urgence de délaisser l’utilisation massive des énergies fossiles au risque de voir la température de l'atmosphère augmenter et déstabiliser le climat dangereusement. Cette vérité demandait de changer le moteur de l’économie mondiale. Nous savions aussi clairement que notre rythme de consommation devait être réduit drastiquement si nous ne voulions pas détruire l’environnement naturel qui nous soutient, mais encore une fois, le mythe de la croissance économique a été plus fort que la science et les faits. Nous avons aussi été baignés par l’illusion que la technologie trouverait des alternatives à la dégradation des ressources naturelles.

Les conséquences économiques et sociales d’avoir résisté aux changements nécessaires sont gigantesques; nous commençons à en apercevoir l’amplitude et ça donne froid dans le dos. Des régions entières, des villes importantes, ne seront plus habitables. Des dizaines sinon des centaines de millions de personnes devront se déplacer de zones inhabitables. Les réfugiés du climat seront de plus en plus nombreux. Ces mouvements de population auront des impacts politiques qui sont tout à fait imprévisibles, mais absolument inquiétants. Nous entrerons dans un monde d’incertitude.

Serons-nous capables, face à cette transformation radicale de nos sociétés et de l’environnement, de reformuler notre relation économique à la Terre et d’établir une éthique sociale qui s’inscrit dans la fraternité plutôt que dans la défense des intérêts privés?

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