La danseuse saskatchewannaise Kyle Syverson.
Photo: Jean-Philippe Deneault avec l'aimable autorisation de la Troupe du jour.
Quelle brillante idée d’avoir invité Éric Perron comme artiste en résidence pour le laboratoire « Carte blanche » de la Troupe du Jour de cette année! Pour la troisième année consécutive, on nous fait découvrir à Saskatoon au Studio 914 une création inattendue.
La rencontre entre ce jeune gradué à la maîtrise en « pratique de la mise en scène pour le théâtre », et la danseuse Kyle Syverson, nous a transportés. Ils sont parvenus tous les deux à distiller l’essence de leur travail soutenu de dix jours, en une performance de douze minutes d’une pureté inattendue.
Comment parvient-on à introduire au théâtre les mouvements associés à la danse, pour exprimer les émotions à partir de mots clés? Voilà un des objectifs principaux que s’était donné le metteur en scène Éric Perron d’Ottawa, lors de son passage au laboratoire de création annuel de la Troupe du Jour.
Un processus qui privilégie la spontanéité
Avec six années de mise en scène à son crédit et une formation intense en mouvement au Centre des Arts de Banff, Éric arrivait parmi nous pour faire progresser son cheminement. Son intérêt de longue date pour le mouvement lui a permis de connecter sans difficulté avec la danseuse Kyle Syverson.
Il a vite privilégié la spontanéité des émotions que les mots évoquaient chez elle. Kyle était visiblement dans son élément. Instinctivement, leur travail intense les a mené au delà des gestes qui sont « universels » et déjà « codifiés », pour laisser la mémoire gestuelle du corps révéler ses secrets.
L’intensité des émotions
Sur scène, dès le premier moment, l’intensité régnait pour notre plus grand plaisir.
La flexibilité du processus du metteur en scène, alliée à la mémoire corporelle de la danseuse, leur a permis d’élaborer pour nous une magnifique performance. Quelle formidable réussite!
C’est là d’ailleurs où la dramaturgie du théâtre entrait en jeu. En gardant bien en vue le « fil du personnage » de la mystérieuse « strawberry girl », un des éléments clé du succès de leur exploration leur était acquis. Ils sont vite parvenus à élaborer une séquence où s’enchaînaient toute une gamme d’émotions, à partir du vocabulaire gestuel qu’ils avaient développé.
La session « questions-réponses », conviée par la suite dans le foyer du théâtre par Denis Rouleau, le judicieux directeur artistique de la TDJ, a suscitée beaucoup d’intérêt. Éric Perron nous a confié que pour unir les éléments de sa dramaturgie à une trame musicale, il n’avait conservé que l’essentiel. Un habile metteur en scène se doit de débroussailler considérablement les nombreux éléments obtenus lors du laborieux travail d’improvisation, quitte à faire plus court. Il peut alors atteindre l’intégration parfaite de la force du visuel à celle de la musique, comme nous avons pu l’observer avec celle d’Arvo Pärt en cette belle fin d’après midi. Le compositeur estonien contemporain aurait été ravi.
Plusieurs suggestions furent échangées avec le metteur en scène après la représentation; on se prend à rêver à la prochaine étape que pourra revêtir sa réalisation. Qui sait, Éric Perron nous reviendra-t-il un jour... Entre temps, ceux et celles qui sont restés chez eux lors du 5 à 7 mémorable de la TDJ, du 28 août 2014, devront s’en mordre les doigts.