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Rencontre avec le Coloc Mike Sawatzky à Saskatoon

Les Colocs étaient en vedette au Festival fransaskois 2019

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SASKATOON - L’édition 2019 du Festival fransaskois a accueilli la formation québécoise Les Colocs. L'Eau vive a voulu se pencher sur cette grande aventure musicale et a eu le plaisir de rencontrer le membre fondateur saskatchewanais de la formation, Mike Sawatzky, à Saskatoon, ville qui l'a vu grandir.

Est-ce la première fois que Les Colocs donnent un spectacle en Saskatchewan?
Oui. C'est la rencontre de mes deux mondes, c'est surréaliste.

Quand on pense aux Colocs on pense beaucoup à Dédé Fortin... [ndlr : André Fortin s'est suicidé en 2000]
Y faut, y faut !

... mais on aimerait en savoir un peu plus sur Mike Sawatzky.
Je suis Métis. J'ai été adopté à 22 mois (par Dawn et Don Sawatzky) et j'ai grandi dans l'est de Saskatoon. C'est seulement à l'adolescence, lorsque je suis tombé dans le street life du « grand Saskatoon », que j'ai rencontré plein d'Amérindiens, créé des liens. C'est là que j'ai appris c'est quoi être amérindien, c'est quoi grandir dans les réserves.

On me parle beaucoup de réparation ces temps-ci, que je pourrais avoir de l'argent parce que j'ai été adopté dans les années soixante. J'ai dit à mon père, cet argent-là c'est pas pour moi. Vous m'avez sauvé la vie. J'ai eu une enfance très heureuse. J'ai toujours eu une relation très spéciale avec ma mère. Elle était mon ange (elle est décédée il y a 3 ans). Pour les amis, la famille, j'étais Métis, j'étais Michael.

Peut-on dire qu'au cœur des Colocs, au début, il y a vous, Dédé Fortin et Patrick Esposito di Napoli? [Patrick Esposito est mort du SIDA en novembre 1994]
Oui, c'était le cœur, la « bombe nucléaire » de l'affaire. C'était le drive. On s'est trouvé et puis voilà, c'était exactement de ça qu'on avait besoin chacun dans notre vie.

Qu'est-ce qui a fait qu'un Métis anglophone de la Saskatchewan, un Québécois du Lac St-Jean et un Français bouddhiste cliquent?
Quand je suis arrivé à Montréal, je voulais devenir chef cuisinier. Mais à côté je faisais des jams. Un soir (en 1990) j'étais au Rising Sun et y'a un mec qui monte sur le stage et qui commence à jouer de l'harmonica... J'ai capoté. J'me suis dit 'il faut que je rencontre ce gars-là' (Patrick Esposito). Après, j'ai joué et il s'est dit la même chose. Y'a une vibe qui s'est installée tout d'suite entre nous.

Patrick jouait déjà avec Dédé. Les Colocs dans ce temps là c'était surtout une idée. Ils essayaient des affaires, faisaient des p'tits shows. Ils avaient besoin d'un guitariste pis moi j'étais là, y'avait une chimie musicale, dans nos vies aussi.

Parliez-vous français à l'époque?
Pas du tout. C'était du chinois pour moi. Le soir où j'ai rencontré Pat, il a fallu qu'une amie traduise tout ce qu'on se disait. J'ai voulu apprendre le français. Être bilingue c'est quelque chose de formidable.

Comment c'était travailler ensemble?
Tout est allé très vite. Le premier album c'était en '92. Un jour Dédé est arrivé avec un accord et des paroles. C'était la chanson Juste une p'tite nuite. On était chez Dédé, y'avait un saxophone alto. Pis moi j'en joue, mais je l'avais dit à personne. Les premières notes qui sont sorties (il fredonne..) sont restées, elles ont influencé la mélodie de la chanson. Tous les ingrédients étaient là. C'était excitant !

Est-ce qu'on peut dire que c'est là que la sauce a pris?
C'est là qu'on a vu notre potentiel, quelque chose qui avait marché tout de suite. Comme ça, on a construit une des meilleures chansons des Colocs. C'était léger, mais en même temps.. Yeah, it coalesced.

Dédé est parti en 2000. Le dernier album des Colocs, Suite 2116, est sorti l'année suivante. Comment décririez-vous cet album?
On faisait un album quand Dédé est parti. On avait déjà des subventions. On avait une responsabilité de sortir quelque chose. Mais on ne voulait pas être des opportunistes. (Ils n'ont pas voulu faire un « best of »). J'ai écouté tous les enregistrements, rajouté de la musique sur des idées, créé des nouvelles chansons aussi. Je voulais que ce soit un album « Salut, merci Dédé! ».

Après un long silence, il y a eu en 2009 la sortie du film Dédé à travers les brumes et de la chanson La Comète. C'est cela qui vous a incité à remonter sur scène?
Oui. Il a fallu que je mette ça de côté pendant 9 ans, que je fasse mon deuil. C'était impossible les Colocs sans Dédé. C'est par respect aussi qu'on ne voulait pas jouer.

Et puis il y a eu le film et La Comète. Les Francofolies de Montréal m'ont approché. On a fait le spectacle d'ouverture. Il y avait 60,000 personnes sur la place des Festivals, pas loin de 30 000 autour. Après, des gens sont venus me dire, 'Mike, je peux écouter les Colocs maintenant'. Pour moi c'était comme un signe. On voyait que beaucoup de gens voulaient entendre ces chansons là encore.

Depuis, on joue 4-5 fois par année. On célèbre la vie de Dédé, la musique des Colocs, surtout on célèbre nos fans. C'est comme une réunion familiale. On revit les chansons ensemble. C'est des belles soirées.

Les médias ont beaucoup parlé des démêlés en justice entre vous et les héritiers de Dédé Fortin quant à l'utilisation du nom « Les Colocs ». Jusqu'à deux semaines avant la tenue du Festival fransaskois, les organisateurs n'ont pas pu utiliser le nom dans la promo. Ça y'est, c'est réglé?
C'est une super longue histoire !   Nos avocats sont encore en discussion, ça coûte cher pour tout l'monde, mais finalement, oui, on a gagné le droit d'utiliser le nom des Colocs.

Si André Dédé Fortin est quelque part d'où il peut jeter un coup d’œil sur les Colocs aujourd'hui, qu'est ce qu'il vous dirait?
(Silence.. avant de répondre d'une voix très douce) Il dirait... « Les boys, j'suis avec toi. Jason (Hudon) c'est un super choix comme chanteur. Il a du respect. Vous vous méritez ». Il nous backerait. Pat aussi.

Votre père va-t-il assister au spectacle ce soir?
Mon père, mon frère, mon oncle, ben des chums, ma cousine, des amis de mon enfance.. J'suis un peu sur les nerfs. J'étais comme le rebelle dans la gang.. Tout le monde se demandait comment Mike allait finir, si j'allais pas finir en prison (rire). Pis finalement, 60,000 personnes, 2 millions de disques, super connu..(rires) Pis tout l'monde va v'nir me voir pis faut que j'fasse un show pis... c'est un peu énervant.

On vous souhaite qu'il ne pleuve pas.
Nous on amène le soleil. On n'a jamais arrêté un show à cause de la pluie.

Il n'a pas plu. La magie des Colocs était au rendez-vous et les gens ont dansé sur les chansons de Dédé.