La campagne saskatchewanaise regorge de bâtiments abandonnés. Des écoles aux églises en passant par d'innombrables propriétés, toutes sont chargées d'histoire. Si la plupart de ces vestiges finissent par tomber en ruines et dans l’oubli, ce n’est pas le cas pour la maison de Normand Lapointe, située à 20 km au sud de Claydon. Construite en 1924, la bâtisse reprend vie grâce au propriétaire, bien décidé à faire perdurer l’héritage de ses ancêtres.
The Lapointe Homestead, située dans l’extrême sud-ouest de la Saskatchewan, a été entièrement construite à la main grâce à des pierres de la province. C’est Alfred Lapointe, l’arrière-grand-père de Normand Lapointe, qui en est le bâtisseur.
C’est lors de son déménagement du Québec en Colombie-Britannique, en 1981, que Normand Lapointe, ancien officier de la GRC et vétéran de l’armée, a découvert la maison jusque-là abandonnée.
« Mon père nous parlait souvent de cette maison de pierres quand on était jeunes, alors j’ai décidé de passer par là et de m’y arrêter », relate-t-il.
Une histoire de famille
Le père de Normand Lapointe, Alban Lapointe, est né en 1927 à Shaunavon, dans le sud-ouest de la Saskatchewan. En 1997, ce dernier a acheté la maison et les 10 acres aux voisins pour la modique somme de 10 000 dollars dans le but d’en faire une résidence familiale. Malheureusement, il sera décédé en 2006 sans avoir eu le temps d’achever son rêve de rénovation. Mais sa famille s’y sera réunie en 2000.
Les arrière-grands-parents de Normand Lapointe, Alfred Lapointe et Adèle Roy, ont construit la maison d'origine en 1924.
Crédit: Courtoisie
Selon Normand Lapointe, son nom de famille puiserait ses origines dans la région du Poitou en France et découlerait du nom Audet. « Il y avait trop d’Audet dans la région, alors ils ont commencé à nommer les gens qui habitaient à la pointe de la région les Audet-de-la-pointe. »
Le sexagénaire précise d’ailleurs que les trois dérivés existent encore au Québec : « Il y a des Audet, Lapointe et Audet-dit-Lapointe dans la région de Montréal. Et il y a plusieurs Audet à Shaunavon aussi. »
Ranimer un lieu
Normand Lapointe habite la bâtisse de ses ancêtres depuis avril 2010 avec sa femme Laurie. « C’est en venant en Saskatchewan pour les funérailles de mon père que j’ai finalement décidé de racheter la maison », explique-t-il.
Étant le seul des cinq enfants de la fratrie à vivre dans l’Ouest, les rénovations lui incombent. « Toutes les rénovations et les agrandissements de la maison pour la rendre habitable, je les ai faits moi-même, dit-il, j’ai seulement engagé des compagnies pour le toit et le béton dans la cave. »
La tâche n’aura pas été aisée : « Le plus gros du travail a été d’installer l’électricité, j’ai tout appris par moi-même », confie-t-il. Une galerie sur trois des côtés de la maison et un gazebo ont également été ajoutés à la demeure.
Normand Lapointe et sa femme Laurie.
Crédits : Courtoisie de Normand Lapointe
Normand Lapointe voit ce projet de rénovation comme la reconstruction du passé. « La construction d’une maison en pierre comme ça, c’est exceptionnel, songe-t-il. C’est un big achievement que mes arrière-grands-parents ont bâti, mais le fait que le petit-petit-fils la rachète et la rebâtisse, c’est comme si la vie est retournée. Bien souvent, les gens jettent les choses lorsque c’est usé. »
Pendant les rénovations, sa femme et lui ont résidé dans une maison mobile en périphérie, elle aussi bâtie de ses propres mains. Il faudra attendre 2016 pour que la maison de pierre devienne habitable.
Une sécheresse qui change tout
La Grande Dépression avait forcé la famille d’Alfred Lapointe à quitter ses terres en 1939. « Il y a eu une grande sécheresse à cette époque qui a tout changé, explique le retraité. Le gouvernement a racheté les terrains et tout le monde a déménagé. » La famille Lapointe a donc déménagé à Rolling Hills, en Alberta, laissant derrière eux la demeure.
Les fermes et terrains ainsi abandonnés sont devenus un spectacle familier dans le sud de la Saskatchewan. Car à la sécheresse se sont ajoutés le chômage généralisé et la chute drastique des prix des produits agricoles.
Le premier Audet-dit-Lapointe au Canada venu de la France, Nicolas Audet-dit-Lapointe.
Crédit: Courtoisie
Le père de cinq filles dit apprécier le calme des Prairies. « J’ai vu beaucoup de drames et d’accidents pendant les années que j’étais analyste en collision, alors la tranquillité et l’espace font du bien, je me sens à la maison ici. »
Pour célébrer les 100 ans de la demeure et expliquer le processus de rénovation, Normand Lapointe compte lancer une célébration à l’été 2024. « C’est un lieu historique, je veux que les gens se sentent à l’aise de s’arrêter pour visiter et de poser des questions sur les rénovations », lance-t-il. Les passionnés d’histoire pourront contacter le propriétaire sur Facebook pour planifier une visite.