Zoé Fortier
Zoé Fortier présente le projet Latente à l’Instituto de tecnologia Latinoamericano à Pachuca, Hidalgo, Mexique.
Crédit : Avec l’autorisation de Zoé Fortier
Pour rayonner au-delà de leurs frontières, les artistes ont besoin d’accéder à des vitrines internationales. Si peu d’entre eux réussissent à franchir le cap, ils sont encore moins nombreux dans les communautés minoritaires. Les artistes visuels francophones de l’Ouest canadien manquent-ils de visibilité et de place dans les événements internationaux ?
L’artiste multidisciplinaire Zoé Fortier le pense. De retour d’une invitation au Mexique fin octobre dans le cadre du festival d’arts interdisciplinaires Simbiosis, la Fransaskoise occupe une place de choix pour témoigner au nom des artistes visuels franco-canadiens : « Ils sont sous-représentés comme produit d’exportation culturel canadien », lance-t-elle.
Ces derniers seraient confrontés à une absence de contacts, de réseau ou même de sensibilité à l’égard de leur travail, souligne l’artiste originaire de Zénon Park. Zoé Fortier appelle ainsi à plus d’efforts : « Il faut que les opportunités soient amplifiées pour les artistes visuels provenant des communautés de langue officielle en situation minoritaire. »
Qu’en pense le Conseil des arts ?
Le Conseil des arts du Canada (CAC) favorise entre autres la participation des artistes canadiens aux vitrines internationales. Sylvain Cornuau, chef du service des partenariats et de la coordination internationale, se veut rassurant : « On essaye d’être très sensibles à ce que tous puissent avoir les mêmes chances de tourner à l’international. (…) Il est certain que l’on porte une attention particulière à la question des artistes francophones en situation minoritaire. »
Malgré tout, le responsable reconnaît que certains domaines, comme les arts visuels, sont moins représentés. « On reçoit beaucoup plus de demandes d’artistes en musique qu’en danse ou théâtre pour aller à l’étranger. Dans les dernières années, nous avons plus que doublé notre soutien à la mobilité et à la circulation des artistes à l’étranger », tempère-t-il.
Dans le cadre d’événements spécifiques aux arts visuels ou architecturaux, comme La Biennale de Venise, il arrive aussi que des œuvres d’autres disciplines soient présentées en marge. Par exemple, le danseur et chorégraphe fransaskois Jacques Poulin-Denis y a présenté le 26 juin 2018 son spectacle Running Piece sur invitation de la commissaire-chorégraphe québécoise Marie Chouinard.
Francfort 2020
Le Canada sera l’invité d’honneur de la Foire du livre de Francfort en octobre 2020. Sylvain Cornuau est enthousiaste quant à cette opportunité de représentation en Allemagne d’artistes visuels et des arts du spectacle provenant des communautés francophones minoritaires : « Les artistes, toutes disciplines confondues, de toutes les régions du Canada, ayant actuellement des projets confirmés ou en cours en Allemagne, pourront obtenir un subventionnement spécial », indique-t-il à cet égard.
Les artistes doivent rester à l’affût
Bien que le secteur canadien de l’édition soit au centre de l’événement, d’autres disciplines comme les arts visuels sont donc invitées à prendre part au volet culturel. Les artistes visuels sont ainsi, eux aussi, invités à soumettre des projets.
Si les arts visuels trouvent parfois leur place en périphérie d’événements réservés à d’autres disciplines, les artistes doivent tout de même rester à l’affût de ces opportunités. Car ces invitations ne sont pas toujours annoncées clairement ou ne sont pas toujours facilement accessibles. Des organismes comme l’Association des groupes en arts visuels francophones (AGAVF) s’avèrent donc indispensables pour relayer ces renseignements à leurs membres.
Lise Leblanc, directrice de l’AGAVF, n’est pas surprise de la difficulté rencontrée par les artistes. Notamment parce qu’il existe peu de structures et de commissaires francophones sur lesquels les artistes peuvent s’appuyer pour accéder à des vitrines à l’international : « Il revient donc à l’artiste de faire toutes les démarches quand, en fait, cela devrait se faire entre galeries et/ou diffuseurs », déplore-t-elle.
Un travail de sensibilisation nécessaire
Aussi, l’AGAVF travaille depuis une vingtaine d’années à la consolidation d’un réseau en arts visuels francophones. Plusieurs initiatives de rayonnement ont été mises en place pour les artistes, y compris à l’international. « On vient d’aborder le dossier de la diffusion à l’international en septembre dernier avec nos partenaires, le Conseil des arts, Patrimoine canadien et Affaires mondiales Canada. Ce chantier sera l’occasion de sensibiliser les acteurs-clés à la réalité des milieux francophones, dont ceux de l’Ouest », défend Lise Leblanc.
Des chiffres récents se révèlent encourageants : « Il y a eu 54 % d’augmentation du nombre de subventions en 2018-2019 par rapport à 2017-2018 pour les artistes visuels des communautés francophones minoritaires, soit 37 subventions en 2018-2019 contre 24 en 2017-2018 », précise la directrice de l’AGAVF.
Malgré ces signes d’une évolution favorable, il est difficile à dire si les enveloppes budgétaires continueront leur progression. « Tout ne repose pas que sur le Conseil des arts du Canada, modère en outre Lise Leblanc. Il faut aussi que le milieu artistique reçoive des appuis auprès des autres paliers gouvernementaux et exploite les opportunités qu’offrent les circuits internationaux en arts visuels. »
À ce stade, il est critique pour la directrice de l’AGAVF que tous les acteurs concernés poursuivent leur travail de sensibilisation.