La création théâtrale #Panser de la dramaturge Natalie Fehéregyházi démontre le caractère universel de la violence. Fruit d’une résidence en République démocratique du Congo (RDC), son spectacle multidisciplinaire cherche à rejoindre de nouveaux publics. Retour sur une expérience théâtrale interculturelle réussie.
Natalie Fehéregyházi est bien connue en Saskatchewan. La comédienne et metteuse en scène a tenu des rôles principaux dans des productions professionnelles de La Troupe du Jour, dont Et le reflet de notre lune dansera en 2016 et Les mots d’ados en 2014. Originaire de Saskatoon, l’ancienne étudiante en immersion française est aussi dramaturge et directrice de production bilingue. Elle habite aujourd’hui à Toronto où elle a fondé l’Apuka Theatre.
En septembre dernier, lors des rencontres professionnelles des Zones théâtrales à Ottawa, Natalie Fehéregyházi a présenté aux diffuseurs canadiens et étrangers son expérience dramaturgique en RDC. L’objectif était de piquer leur curiosité quant à un projet théâtral interculturel né sur le continent africain : une résidence-création au Tarmac des auteurs qui s’est terminée par deux présentations, les 4 et 5 juin 2019, lors des Rencontres dramaturgiques de Kinshasa.
« Un spectacle transportable »
Son spectacle multidisciplinaire #Panser, rassemblant sur scène 11 artistes kinois, ainsi que son texte Une vie en 20 minutes, ont été fort appréciés des nombreux festivaliers et ont reçu les louanges de Nicolas Simard, l’ambassadeur du Canada en RDC.
« Avec #Panser, nous tentons de nommer le ou les lieux où s’impriment les traumatismes dans le corps lorsque celui-ci est exposé à la violence. Cela inclut les violences que l’on impose à l’autre et à soi, ainsi que les violences qu’on subit », explique l’artiste.
C’était le deuxième voyage en Afrique de Natalie Fehéregyházi, mais son premier en RDC. Elle s’y est rendue grâce au soutien du Conseil des arts du Canada ainsi que d’un appui financier de l’Ambassade du Canada en RDC, et sur invitation du directeur artistique du Tarmac des Auteurs, Israël Tshipamba.
« Le but de notre séjour, pour ma partenaire de création Elaine Juteau et moi-même, était de développer le “blueprint” d’un spectacle facilement transportable qui se recrée dans chaque nouveau lieu où il se joue. Nous tenons à ce que chaque communauté puisse avoir une plateforme et créer elle-même son contenu plutôt que d’avoir des idées ou des perceptions étrangères qui lui sont imposées », souligne-t-elle.
Purger la violence sur scène
Les échanges interculturels sont l’occasion pour les artistes de constater ce qui est particulier à une culture, mais également ce qui est universel. « Ce que j’ai appris pendant mon séjour, c’est que la violence impacte l’esprit humain de la même manière, peu importe la culture ou le territoire d’origine. Quand on traite la violence comme type d’énergie, on voit comment les blessures qu’elle crée se guérissent à travers son expression », relate-t-elle.
Pour la dramaturge, l’idée de base était de partir d’expériences individuelles pouvant rejoindre le spectateur chez qui la violence a pu laisser des traces. La prise de parole sur scène s’avère donc cathartique à la fois pour les auteurs, les acteurs et les spectateurs. « Un traumatisme se coince dans le corps comme un nœud musculaire : il faut l’infuser d’une nouvelle énergie afin de le débloquer. Le silence qui l’entoure fait bloquer. La nouvelle énergie de son expression sert à libérer », expose-t-elle.
Depuis son retour de Kinshasa, #Panser continue son chemin. Natalie Fehéregyházi et sa partenaire Elaine Juteau déposent des dossiers et cherchent des diffuseurs pour faire circuler le projet. Les deux dramaturges ont déjà quelques dates prévues à Congo-Brazzaville et au Canada pour 2020, dont deux créations en langue anglaise. Chaque spectacle constituera une nouvelle création employant des artistes locaux et traitant de leurs propres réalités.