Angélique Ruzindana Umunyana
Photo : L’Aquillon
On m’a souvent demandé s’il était facile pour un immigrant d’obtenir un poste dans la fonction publique fédérale. Après avoir décroché des emplois dans trois ministères et observé le parcours d’autres minorités visibles (MV), je peux déboulonner un premier mythe : les minorités visibles ne jouissent pas d’un statut préférentiel pour accéder aux emplois dans la fonction publique fédérale.
Les gens confondent les programmes d’équité en matière d’emploi avec un système de quotas d’embauche qui assurerait un certain nombre de recrues dans les groupes traditionnellement désavantagés : les peuples autochtones, les femmes, les personnes vivant avec un handicap et les personnes racialisées. Les politiques d’équité sont des mesures visant à éliminer les barrières discriminatoires et instaurer des pratiques plus inclusives pour permettre aux personnes qualifiées de participer pleinement au marché du travail.
Un autre mythe
Les mesures d’équité en emploi favoriseraient le recrutement d’employés non qualifiés pour améliorer les statistiques des organisations qui ont du retard à rattraper pour avoir un effectif représentatif de la population canadienne. La Loi sur l’équité en matière d’emploi englobe la reconnaissance des compétences et du mérite dans le principe de l’équité en matière d’emploi.
Pas du tout une discrimination inversée
L’équité en emploi ne réduit pas les occasions d’emploi des hommes blancs. Elle vise à niveler les chances d’accès à tous aux emplois de la fonction publique. Les nouveaux emplois ne sont pas uniquement réservés aux membres de groupes désignés ; les mesures d’équité sont en place pour assurer un accès égal à tous les segments de la société et à tous les niveaux d’emploi.
22 % de la population canadienne
En 2016, les minorités visibles représentaient 22 % de la population canadienne, mais ils ne représentaient que 14,5 % de l’effectif de la fonction publique fédérale. Au niveau des postes de cadres, la représentation chute à 9,5 %.
Au Canada, près de la moitié des nouveaux immigrants sont titulaires d’un diplôme universitaire, comparativement à 28 % des Canadiens de naissance. Mais le taux de chômage des nouveaux arrivants diplômés universitaires est quatre fois plus élevé que celui des Canadiens de naissance titulaires d’un diplôme universitaire.
En 2016, en marge de mon poste d’assistante de recherche à Agriculture et Agroalimentaire Canada, j’ai décroché une affectation de quelques mois pour évaluer les progrès réalisés par rapport au plan d’équité qui arrivait à échéance en 2015. Plus spécifiquement, je devais analyser les barrières qui subsisteraient pour les minorités visibles employées par le ministère.
La première étape a été d’analyser les résultats du sondage de la fonction publique qui est mené tous les deux ans auprès des employés fédéraux. J’ai analysé les résultats du sondage de 2014 et j’en suis arrivée à la conclusion que les minorités visibles pensent qu’ils ont moins d’occasions d’avancement et que la reconnaissance de leurs réalisations reste problématique.
Des obstacles à l’avancement
Les minorités visibles font face à une plus grande surveillance et leur travail est scruté à la loupe par leurs superviseurs immédiats. J’ai élaboré une méthodologie de recherche pour répondre aux questions suivantes : pourquoi les minorités visibles, qui sont relativement bien représentées dans les postes subalternes, ont du mal à accéder aux postes de cadres et de gestionnaires ? Pourquoi cette inégalité persistante dans les promotions ? Quelles sont les entraves qui déraillent les processus de promotion pour les minorités visibles ? Quelles sont les pratiques et les politiques qui régissent les décisions de promotion ? Se pourrait-il que ces politiques comportent des barrières qui restreignent les chances de promotion des MV ? Quelles sont les mesures à mettre en place pour appuyer l’avancement de leurs carrières ?
Je n’ai malheureusement pas pu mener à terme cette recherche. Mais d’ores et déjà, mon enquête préliminaire m’a permis d’établir que le recours aux processus de nomination non annoncés serait une des entraves majeures à l’avancement des MV.
Par ailleurs, la grande majorité de mes interlocuteurs suggérait que les comités d’embauche soient diversifiés et que les membres de ces comités aient déjà été formés et conscientisés à leurs propres préjugés. De cette manière, les compétences recherchées et les exigences liées à l’emploi reflèteraient le travail à accomplir et les critères de promotion seraient objectifs et exempts de facteurs inutiles, subjectifs ou favorisant un certain type de candidats.
Les progrès accomplis grâce à la Loi sur l’équité en matière d’emploi sont réels, mais il faut rester vigilant pour maintenir les acquis et aller plus loin.