À la Saint-Valentin, plus de 700 enfants autochtones et non-autochtones se sont rassemblés sur les marches de la colline du Parlement pour demander au gouvernement fédéral d’agir. Les enfants ont chanté et lu des poèmes pour demander au premier ministre, au gouvernement fédéral et à tous les Canadiens d’offrir aux enfants des Premières Nations le traitement égalitaire qu’ils méritent.
Les enfants ne sont peut-être pas experts en matière de politique, mais ils sont experts en matière d’équité. Alors que le Canada souligne son 150e anniversaire, il s’agit aussi de 150 ans de politiques coloniales et d’assimilation.
Il est triste de constater que l’injustice perdure. De façon générale, l’injustice prend la forme d’un accès inégal aux services gouvernementaux de base dans les réserves. Cette réalité est particulièrement pénible quand elle touche les écoles et les organismes de services à l’enfance et à la famille, qui reçoivent – de loin – moins de financement que leurs équivalents provinciaux.
La plupart des Canadiens cheminent facilement dans la vie; mais il s’agit d’un rude combat lorsqu’il leur manque l’essentiel : un corps sain et un esprit cultivé.
Le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu une décision à ce sujet. Il a conclu qu’Ottawa avait fait preuve de discrimination raciale envers au moins 163 000 enfants des Premières Nations et leur famille en offrant des services d’aide à l’enfance déficients et inéquitables.
Le Tribunal a ordonné au gouvernement fédéral d’offrir aux enfants des Premières Nations des services publics équivalant à ceux offerts aux autres enfants au Canada. Il lui a aussi ordonné de mettre fin à ses pratiques discriminatoires envers les enfants des Premières Nations.
Malheureusement, le Canada ne respecte toujours pas les ordonnances imposées par le Tribunal il y a plus d’un an. Bref, le gouvernement manque à ses obligations envers les enfants des Premières Nations en ne prenant pas les mesures nécessaires pour améliorer leur sort. Cela soulève la question suivante : pourquoi ces enfants devraient-ils attendre que d’autres études soient effectuées avant d’être traités avec l’équité qu’ils méritent ?
La Commission de vérité et réconciliation a lancé 94 appels à l’action qui font de la lutte contre la discrimination l’une des voies de la réconciliation au Canada. Les cinq premiers appels traitent explicitement des inégalités qui touchent les enfants autochtones dans le réseau d’aide à l’enfance. À l’heure actuelle, on compte dans ce réseau plus d’enfants autochtones que dans les pensionnats, à l’époque. De plus, de nombreuses communautés des Premières Nations n’ont même pas accès à de l’eau potable – le plus fondamental des besoins humains.
Ce qui nous mène au cœur du problème. Les travaux de la Commission étant derrière nous, ce n’est pas le moment de se féliciter. Ce n’est que le début. Les travaux ont permis de nommer ce qui doit être fait. Il faut maintenant agir, et rapidement.
Nous ne voulons pas que les enfants des Premières Nations grandissent dans un pays où leur vie vaut moins que celle des autres enfants canadiens. Les enfants des Premières Nations méritent de bénéficier des mêmes possibilités que partout ailleurs dans la société canadienne.
Aujourd’hui, nous joignons nos voix pour rendre hommage aux enfants qui ne sont jamais revenus des pensionnats, aux enfants pris en charge par le réseau, aux survivants de la rafle des années soixante, aux jeunes des communautés du Nord qui se sont enlevés la vie, aux familles des femmes et des filles disparues ou assassinées ainsi qu’aux jeunes, aux hommes et aux femmes présentement incarcérés.
Le Canada a maintenant besoin d’un changement systémique. Ce changement commence avec nous tous, à titre individuel et comme société.
Quelle forme ce changement peut-il prendre ?
Un bon point de départ consisterait à assurer le financement équitable des infrastructures de base et des soins de santé et à soutenir l’éducation et l’étude de la langue.
Nous ne pouvons accepter que les enfants des Premières Nations au Canada continuent de souffrir par la faute de l’État. Le Canada sait ce qu’il doit faire. La Commission canadienne des droits de la personne et le Parlement lui ont indiqué la voie à suivre. Des mesures concrètes doivent être prises maintenant.
Murray Sinclair est un sénateur qui représente le Manitoba. Il a présidé à la Commission vérité et réconciliation. Kim Pate est une sénatrice qui représente l’Ontario. Tous deux sont membres du Comité sénatorial des peuples autochtones, ainsi que du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.