Corde à linge aux Iles de la Madeleine
Photo : Michel Vézina (2015)
En juin dernier, lors du voyage organisé par la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC) à Terre-Neuve, les participants ont eu l’occasion de se déplacer dans une grande partie de cette grande île, de la péninsule de Port-au-Port à la péninsule d’Avalon.
En regardant le paysage tout au long du voyage, j’ai pu voir des cordes à linge un peu partout où il y avait des maisons ou des communautés. La dernière corde à linge que j’avais pu voir était lors d’un arrêt à Havre-Aubert, en 2015, lors d’un autre voyage de la FAAFC en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.
Cette vision me ramène loin en arrière. Lorsque j’étais jeune, la corde à linge faisait partie du décor. Toutes les habitations, maisons ou logements, avaient leur corde à linge. Il s’agit d’ailleurs de regarder les vieilles photos des grandes agglomérations urbaines, comme Montréal ou Québec, pour voir ces ruelles coincées entre les grands blocs d’appartements de l’époque – datant de l’ère industrielle – et traversées de bord en bord, et à toutes les hauteurs, par des cordes à linge.
À cette lointaine époque (je parle ici des années 1950 et 1960 surtout), tout était structuré et répondait à des normes immuables contrôlées par l’Église, le gouvernement et la société en général. Par exemple, le lundi, c’était le jour du lavage, pas les autres jours de la semaine, sauf en cas d’exceptions comme la maladie. C’était tout un spectacle de voir ces cordes à linge où pendaient toutes sortes de vêtements, du linge comme on disait à l’époque, des plus intimes aux plus flamboyants. On pouvait presque avoir une initiation à l’éducation sexuelle en regardant ce qui pendait le long de celles-ci. Je me souviens avoir entendu les commentaires de certains membres masculins de la famille, commentaires que je ne comprenais pas à l’époque, étant trop jeune, à propos de la dimension des sous-vêtements féminins de telle ou telle voisine.
Et puis, au malheur, s’il fallait que la température ne coopère pas, la maison se remplissait alors de sèche-linges ou de séchoirs en bois qui se pliaient ou dépliaient selon les besoins. Sans oublier tout ce que l’on pouvait accrocher aux cordes étendues un peu partout dans la maison. Et l’hiver, le rituel continuait quand même, mais lorsque le vent, l’humidité et le froid se combinaient, le linge humide accroché à l’extérieur devenait rigide et il fallait le faire « amollir » comme le disait ma mère.
Puis vint la sécheuse électrique. L’ancêtre de celle-ci remonte au 19e siècle, lors de l’expérience d’un dénommé Ponchon, en France, en février 1802. Mais la machine moderne telle qu’on la connaît aujourd’hui est l’invention de l’américain J. Ross Moore, originaire du Dakota du Nord, l’État voisin de la Saskatchewan. Ce dernier a créé, en 1935, un sèche-linge électrique automatique, communément appelé la « sécheuse ». Mal en point financièrement, il a cédé son invention à la Hamilton Manufacturing Company qui a lancé, à partir de 1938, la production en série de cette invention. En Saskatchewan, on m’a raconté que dès qu’on a pu utiliser cette invention, la sécheuse a trouvé sa place dans les maisons. Le vent et la poussière charriée par celui-ci rendaient difficile le séchage extérieur.
Quelques années plus tard, plusieurs municipalités au Canada et aux États-Unis ont établi des lois restrictives sur l’utilisation extérieure des cordes à linge. En Saskatchewan, je n’ai rien trouvé à ce niveau, mais je dois dire que je n’ai pas fait de recherches approfondies. Donc, je ne sais pas. Chez nos voisins américains, le mouvement « Le droit de sécher » (Right to dry) a fait son apparition et leur pression auprès des autorités a amené des États à alléger certaines lois à cet égard, particulièrement dans les copropriétés.
La sécheuse électrique est l’appareil de la maison qui consomme le plus d’énergie. À notre époque sensible aux enjeux environnementaux, la corde à linge redeviendra-t-elle à la mode en raison de son caractère écologique ? Qui étendra verra !