Deux mois que je n'ai pas pris ma plume (façon de parler) pour partager avec vous un regard sur un coin du monde ou un autre, ici ou ailleurs. Ce n'est pas qu'il ne se passe rien. Oh que non ! Il s'en passe des choses sur la planète. Et la plupart du temps, elles ne sont guère réjouissantes. Elles sont même souvent révoltantes. On a beau aimer la géopolitique, vient un moment où on a sa dose, où on est obligé de tout couper: radio, télé, Internet, revues. On coupe pour ne pas sombrer dans l'indifférence ou le cynisme. On coupe et on regarde les oiseaux, le chat, la lumière, la plaine. Et puis un jour, on rallume, on écoute, on lit. Et on retrouve, entre autres cauchemars, Donald Trump.
Monsieur Trump ne gagnera pas la présidentielle américaine. Les Russes aimeraient bien mais il ne gagnera pas. Tout le monde est d'accord là-dessus, les sondages le confirment les uns après les autres. Tout le monde sauf le principal intéressé et ses ardents partisans qui clament de plus en plus haut que s'il ne gagne pas, c'est que les autres auront triché. J'avais peur de ce qui se passerait s'il était élu, maintenant j'ai peur du lendemain de veille d'une défaite.
Trump, on le sait, a insulté les femmes, les Noirs, les Latinos, les handicapés, les musulmans, les prisonniers de guerre. Il a trouvé moyen de se quereller avec la famille d'un soldat tué en Irak. Il a fait de l'évasion fiscale à coups de centaines de millions de dollars et il s'en vante. Il a profité de la crise immobilière qui a jeté des millions d'États-Uniens dans la rue et il s'en vante. Il s'est aussi vanté d'avoir agressé des femmes.
Les provocations irresponsables et les propos incendiaires de Trump ont érodé ses appuis politiques. Depuis le mois d'août, les élus républicains à travers le pays prennent leurs distances. Les dernières révélations scabreuses et les accusations d'agression sexuelle aidant, ils sont de plus en plus nombreux à briser les rangs. Certains parce qu'ils sont écœurés. D'autres parce qu'ils savent que la victoire est désormais impossible. Tous pensent à l'après 8 novembre.
Le spectre d'une élection truquée
Un candidat à la présidence des États-Unis qui ne s'engage pas à reconnaître les résultats trois semaines avant le vote, c'est du jamais-vu. Un candidat à la présidence – dans le cas présent une candidate - qui dit de son adversaire qu'il "n'a pas la capacité de gouverner", un président sortant qui fait campagne dans la course à sa succession, ça aussi c'est du jamais-vu.
L'accusation récurrente d'une élection «truquée» tient difficilement la route. Les États, dont 31 sur 50 sont gouvernés par des républicains, sont responsables de l'organisation des scrutins. Mais ce n'est pas la première fois que Trump agite cet épouvantail. En 2012, il avait rejeté la victoire de Barack Obama – qui avait 5 millions de voix d'avance. "Cette élection est une farce totale. Nous ne sommes pas une démocratie", avait-il tweeté.
Parmi ses partisans (38% selon les derniers sondages), nombreux sont ceux qui adhèrent au complot de l'élection truquée. Tous font une fixation sur la sécurité des États-Unis. Et beaucoup sont armés, membres de la NRA (National Rifle Association), fervents défenseurs du deuxième amendement qui autorise le port d'armes et le droit de s'en servir contre un gouvernement illégitime. Certaines de leurs déclarations n'augurent rien de bon:
«S’il perd, cela voudra tout simplement dire que l’élection est illégitime. A titre personnel, j’accepterai le résultat mais, de toute façon, il y aura bientôt une guerre raciale dans ce pays, quel que soit le vainqueur». (Mike, 30 ans, père de famille) *
«Si Donald Trump ne gagne pas, le peuple américain fera entendre sa voix. Je crois qu’on devrait aller à Washington et virer tous ces gens. Nous avons peut-être besoin d’une guerre civile, d’une révolution. Il faut espérer qu’elle sera pacifique mais ce ne sera probablement pas le cas». (Ken, qui arbore un badge de la NRA)*
Des lendemains difficiles
Que se passera-t-il si Donald Trump ne reconnaît pas sa défaite? Il y a beaucoup de mécontentement, de colère, de frustration et de peur chez ses partisans. Quel message lancera-t-il au lendemain de l'élection? Que feront, que voudront faire ses supporters les plus acharnés? Je ne veux pas faire preuve d'un accès de pessimisme mais, franchement, j'ai peur. Pas vous?
Il y a eu un premier président noir. Il y aura une première présidente. Qu'on soit fan ou pas, on ne peut que lui souhaiter d'être forte et bien entourée. Les lendemains risquent d'être difficiles.
*Citations glanées dans un reportage du journal "Libération" sur le rassemblement Trump à Newton, Pensylvanie, le vendredi 21 octobre dernier.