Instead of delivering growth, some neoliberal policies have increased inequality, in turn jeopardizing durable expansion. (Au lieu de favoriser la croissance, certaines politiques néolibérales ont accru les inégalités, mettant en péril une croissance durable). (1) Ce n'est pas un économiste de gauche ou un altermondialiste qui le dit, c'est le Fonds monétaire international (FMI). Quand le FMI le dit aussi clairement, c'est que ça ne va vraiment pas bien.
Avant d'arriver à ce constat, le FMI rappelle les principales vertus du néolibéralisme : l’expansion de l'économie mondiale a permis à des millions d'individus d'échapper à l’extrême pauvreté ; les investissements étrangers ont permis un transfert de technologie et de savoir faire à des pays en développement ; la privatisation d'entreprises étatiques a souvent débouché sur une meilleure offre de services tout en diminuant le fardeau fiscal des gouvernements.
On pourrait, et beaucoup l'ont fait, longuement débattre de l'envers de ces « vertus ». Oui, des millions ont échappé à l’extrême pauvreté. Ils logent désormais à l'enseigne de la pauvreté « ordinaire » où les ont rejoint des millions de « nouveaux pauvres ». Oui, des pays « en développement » ont bénéficié d'un transfert de technologie - ce qui s'avère entre autres super pratique notamment pour le recyclage de notre quincaillerie électronique, travail toxique essentiellement exécuté par femmes et enfants. Oui, la privatisation de services publics a augmenté l'offre de services – le plus souvent pour ceux qui ont les moyens de se les offrir.
Ceci étant dit, le FMI reconnaît que l'écart entre riches et pauvres se creuse et que le prix à payer est élevé. «L'accroissement des inégalités nuit au niveau et à la durabilité de la croissance ». Il critique également les politiques d'austérité de nos gouvernements qui «entraînent des coûts sociaux substantiels, nuisent à la demande, favorisent la détérioration des conditions de travail et le chômage ».
Le néolibéralisme, c'est quoi ? C'est bon pour qui ?
Le néolibéralisme qui sévit sur la planète depuis les années 80 repose sur 2 principes : la compétitivité tous azimuts et la réduction du rôle de l'état. L'assouplissement du marché du travail et la déréglementation bénéficient aux plus riches et réduisent le pouvoir de négociation des travailleurs pauvres (qui augmentent) et de la classe moyenne (qui diminue).
Ces deux principes interactifs ont comme résultat une concentration plus forte de la richesse dans un très petit nombre de mains. 50% de la richesse entre les mains de 1% de la population. Selon Noam Chomsky, aux États-Unis 90% de la richesse serait entre les mains de moins de 1% de la population. Les inégalités sans précédent qui résultent de cette concentration ont des effets corrosifs et destructeurs, non seulement sur la croissance économique mais sur l'ensemble de la société.
Dans une étude sur les causes et les conséquences des inégalités publiée en 2015, le FMI faisait observer que globalisation financière et progrès technologiques sont associés, partout, à une augmentation de la part des revenus détenue par les 10 % les plus riches. De son côté, le Boston Consulting Group (BCG) révélait que le nombre de millionnaires en dollars avait crû de 16 % en un an.
Les tenants du « trickle down », ou la théorie du « ruissellement », qui veut que les revenus des plus riches contribuent à la croissance n'ont qu'à bien se tenir : ça ne marche pas. Le FMI le dit, l'Organisation de coopération et de développement économiques aussi : plus les riches sont riches, plus la croissance est faible.
Croissance affaiblie, démocratie aussi
Le FMI estime que « les décideurs devraient être plus ouverts à la redistribution qu'ils ne le sont ». Mais en même temps il ajoute que les dirigeants politiques « doivent faire porter leurs efforts sur les plus pauvres et sur la classe moyenne pour réduire les inégalités et soutenir la croissance » (sic). On y perd son latin ! Mais la classe moyenne et les plus défavorisés sont certainement en mesure de témoigner que la deuxième partie du message a été entendue.
Les liens entre le pouvoir, l'argent et la démocratie sont aussi vieux que la démocratie elle-même. Les Grecs de la Grèce antique le savaient, les auteurs de la Constitution américaine le savaient, nos gouvernements et multinationales le savent. La dynamique de ce cercle vicieux a été fort bien décrite par Adam Smith en 1776 dans son célèbre The Wealth of Nations.
La concentration de la richesse favorise la concentration du pouvoir, l'effet sur la démocratie est dévastateur. Dans Requiem pour le rêve américain, Noam Chomsky explique que ceux qui détiennent pouvoirs et privilèges « n'aiment pas la démocratie, ne l'ont jamais aimée ». En l'absence d'opposition populaire, la roue du cercle vicieux tourne, pour le plus grand profit de quelques uns et la misère croissante des autres.
Neoliberalism: Oversold? Jonathan D. Ostry, Prakash Loungani et Davide Furceri du département de recherche du FMI, FINANCE & DEVELOPMENT, June 2016, Vol. 53, No. 2
Requiem for the American Dream (2015), documentaire de Peter Hutchison, Kelly Nyks et Jared P. Scott. Le film est construit à partir de quatre ans d’entretiens avec Chomsky
Les inégalités de revenus nuisent à la croissance, Le Monde, juin 2015