« AÉRIE ». Est-ce un nouvel organisme dans le réseau? Non. Est-ce une nouvelle technologie? Non plus. C'est l’acronyme pour les gestes de base utilisés par les secouristes en santé mentale.
Les secouristes en santé mentale viennent en aide aux personnes éprouvant un problème de santé mentale ou qui sont en situation de crise. Tout comme la technique de réanimation cardio-respiratoire qui est administrée avant l’arrivée des secours, les premiers soins en santé mentale sont prodigués jusqu’à ce que l’aide professionnelle soit reçue ou que la crise soit passée.
Il y a maintenant un an, j’ai suivi une formation d’instructrice de la formation adulte de base pour les Premiers soins en santé mentale, parrainée par le Réseau santé en français de la Saskatchewan (RSFS). Avec l’appui et la collaboration du RSFS, j’ai donné trois formations dans la communauté, ce qui veut dire que nous sommes 33 secouristes en santé mentale sur le terrain! Et ce n’est qu’un début!
Durant les deux jours de la formation, les secouristes apprennent comment appliquer les cinq gestes de base AÉRIE dans les situations suivantes : les troubles liés à l’utilisation des substances, les troubles de l’humeur, les troubles anxieux et les troubles psychotiques. Notez que les gestes AÉRIE ne s’appliquent pas nécessairement en ordre séquentiel, au contraire, ils sont appliqués de façon fluide et naturelle dépendant de la situation.
Il faut comprendre que le but de la formation n’est pas de former des thérapeutes ou des professionnels de la santé mentale, tout comme les formations en premiers soins n’enseignent pas aux participants à devenir des ambulanciers paramédicaux ou des médecins. Par contre, elle jette un nouvel éclairage sur la question des problèmes de santé mentale, réduisant les tabous et la stigmatisation qui peuvent nous habiter.
Les cinq gestes de base :
Analyser le risque de suicide ou de blessure
Dans le cadre de premiers soins en santé mentale, « analyser » est un terme général qui signifie juger la situation pour décider de la meilleure façon d’aider. « Analyser » ne fait pas référence aux évaluations cliniques utilisées par les professionnels de santé. L’approche du « bon sens » est au rendez-vous ici.
Si le secouriste détermine un risque de suicide ou de blessure chez une personne éprouvant un problème de santé mentale, la première chose à faire est d’entamer une conversation sérieuse avec la personne pour chercher et écouter les signes avant-coureurs du suicide. Le secouriste doit aborder la question de suicide de manière directe.
Contrairement à la croyance populaire, le fait de poser la question ne rendra pas la personne suicidaire. Les préjugés peuvent empêcher les personnes qui pensent au suicide de cherche de l’aide. Poser la question peut aider à abattre cette barrière.
Si le risque est élevé, le secouriste poursuivra en incitant la personne à élaborer un plan de sécurité, après avoir assuré sa propre sécurité, pour ensuite mettre la personne en communication avec des ressources appropriées, telle que le 811 ou encore, en cas de danger immédiat, le 911.
Dans une situation où le secouriste juge que le risque de suicide est nul chez une personne éprouvant un problème de santé mentale, la meilleure façon d’aider est de continuer d’appliquer les autres gestes de base AÉRIE.
Que faire une fois qu’on a déterminé que la personne ne court aucun risque de suicide ou de blessure ? Le prochain geste est transversal, universel et il s’applique tout au long de notre intervention ou de notre entretien. C’est possiblement le geste le plus exigeant émotionnellement de notre part !
Écouter sans porter jugement
Durant le cours de premiers soins en santé mentale, nous accordons une grande place à « l’écoute sans jugement » car ce genre d’écoute est à la base de nos gestes en tant que secouristes. En plus des discussions interactives sur comment écouter sans porter jugement, nous faisons plusieurs exercices pour appuyer nos connaissances en communication. Ces discussions et ces exercices éveillent en nous nos capacités d’écoute et renforcent notre capacité d’être le plus présent possible dans l’application des gestes AÉRIE.
Qu’on soit avec une personne qui a des troubles liés à l’utilisation des substances, des troubles de l’humeur, des troubles anxieux ou encore des troubles psychotiques, on doit prendre soin d’adopter des attitudes (verbales et non verbales) et de développer des aptitudes qui nous permettent d’entendre et de comprendre ce qu’on nous dit. En plus, nos attitudes et notre capacité d'écoute doivent donner l’espace nécessaire à l’autre pour parler librement et aisément de ses problèmes sans se sentir jugé.
Attitudes
Quelles sont ces attitudes associées à l’écoute sans jugement ? Elles sont l’acceptation, la sincérité et l’empathie. Cette combinaison peut sembler simple et complexe en même temps. On sait qu’il n’est pas toujours facile d’accepter que l’autre est différent de nous. On a souvent tendance à vouloir apporter des solutions toutes cuites sans prendre en considération les besoins de l’autre et oui, il nous arrive de donner des leçons de morale à quelqu’un qui est difficulté…
Voilà la beauté du cours de Premiers soins en santé mentale qui nous donne l’opportunité de peaufiner notre approche d’être avec l’autre et de cultiver une écoute sans jugement. En pratiquant ces attitudes essentielles, nous pouvons créer un climat de sécurité pour l’autre personne afin qu’elle puisse exprimer ses sentiments.
Aptitudes
Les aptitudes d’écoute sans jugement sont simples et peuvent être exercées facilement. C’est un choix : toute personne peut intégrer ces aptitudes à son rythme. On en prend conscience et on fait de notre mieux. Après tout, nous sommes tous parfaits dans nos imperfections !
Pour les aptitudes d’écoute sans jugement non verbales, il suffit d’écouter sans interrompre, de poser des questions ouvertes et appropriées, de vérifier sa compréhension en reformulant les propos et/ou de résumer les faits ou les sentiments.
Les aptitudes d’écoute sans jugement non verbales s’expriment en étant attentif, en établissant un contact visuel doux, en adoptant une position corporelle ouverte, en restant assis même si l’autre personne est debout (la position assise est moins intimidante), en s’asseyant à côté de la personne si possible, au lieu de s’asseoir directement en face d'elle, pour minimiser l’impression d’invasion de l’espace personnel.
Bonne nouvelle !
Nous n’avons pas besoin d’être des experts en communication pour pratiquer l’écoute active, ces attitudes et ces aptitudes s’apprennent et se perfectionnent.
En étant plus conscient de la puissance de l’écoute active et en faisant de notre mieux pour la pratiquer, nous pouvons en faire bénéficier nos proches indirectement ! Quel bonus !
Les autres gestes AÉRIE sont étroitement liés au geste « Écouter sans porter jugement » et sont adaptés aux troubles spécifiques qui habitent la personne que nous aidons.
Le « R» …
L’objectif du geste « Rassurer et donner de l’information » est d’aider la personne à reprendre espoir. Comme secouriste, nous pouvons fournir des renseignements factuels, et non donner des conseils. Par exemple, dire « L’hôpital offre un programme qui pourrait aider » et non « Vous devriez faire appel à tel programme à l’hôpital. »
Si une personne vit un épisode psychotique, il est difficile et inapproprié de tenter de lui donner de l’information. Il est mieux d’attendre qu’elle reprenne contact avec la réalité.
On peut aussi rassurer la personne en lui disant que ce qu’elle vit comme trouble de santé mentale est un problème de santé réel. Que ce n’est pas une faiblesse ni un défaut de caractère. Que de l’aide et des traitements efficaces sont disponibles.
Le « I »…
Le prochain geste, « Inciter la personne à obtenir de l’aide professionnelle », nous rappelle comme secouriste d’expliquer les différents types d’aide professionnelle qui sont disponibles. Dépendant de la situation, on peut penser à l’aide professionnelle qui serait la plus appropriée.
La formation en Premiers soins en santé mentale donne aux secouristes une liste de contacts (numéros de téléphone, organismes, centres de traitement, groupes de soutien, lignes d'écoute) auxquels on peut faire appel. Il est important d’avoir à sa portée ces informations.
Le « E »…
Le dernier geste, « Encourager la recherche de soutien supplémentaire », nous invite à discuter de l’importance des amis et de la famille avec la personne en besoin. Ou encore de parler des autres types de soutien ainsi que des stratégies pour prendre soin de soi-même. Par exemple, si la personne éprouve un trouble de santé mentale lié à l’utilisation de substances, on peut expliquer qu’il existe des groupes de soutien tels que Alcooliques Anonymes, Narcotiques Anonymes et Al-Anon.
En terminant, les gestes AÉRIE peuvent vous être utiles dans toutes sortes de situation. Que ce soit pour appuyer un voisin qui a des troubles anxieux, un frère qui a des troubles liés à l’utilisation de substances, un conjoint qui a des troubles de l’humeur ou encore un étranger qui vit un trouble psychotique, AÉRIE peut servir de filet de sécurité jusqu’à l’arrivée des professionnels.
Un rappel important : avant de pouvoir aider l’autre, nous avons besoin de prendre bien soin de nous-même. Voici quelques conseils de base :
- • S’alimenter de façon équilibrée
- • Éviter ou limiter la consommation
- • Boire beaucoup d’eau
- • Faire de l’exercice
- • Se reposer suffisamment
- • Connaître et respecter ses limites
- • Être attentif à toute modification de ses attitudes et de son humeur!
La formation de Premiers soins en santé mentale vous intéresse? Contactez le Réseau santé en français de la Saskatchewan au 306-653-7445 pour plus d’information sur les prochains cours offerts dans votre région.
Cours de Premiers soins en santé mentale Canada : http://www.mentalhealthfirstaid.ca/FR/Pages/default.aspx